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Suite "Les anciennes prisons de Venise" par le Dr Malgat, médecin en chef de la maison cellulaire de Nice-1898
Publié le 13 décembre 2012 par MaitecasaLes Puits "Au second étage de la cave, du côté du canal, se trouve un petit réduit muré, large d'un mètre environ, éclairé par une lucarne. Dans le fond, se voit une espèce de banc en pierre. C'est là que l'on étranglait dans le silence du mystère les condamnés à mort. La justice des hommes étant satisfaite, les bourreaux prenaient le cadavre et le glissaient par une étroite ouverture pratiquée dans le mur, au niveau du sol, dans une gondole qui l'attendait au dehors sur le canal des orphelins ainsi nommé parce que les prisonniers qui sortaient par ce chemin n'étaient que des cadavres. Ces sombres cachots recevaient beaucoup de monde mais ne rendaient jamais personne en vie. C'est à cet étage inférieur de cachots que furent enfermés le doge Faliero, Carmagnola et le fils de l'infortuné Foscari. Tous ceux qui entraient dans les Pozzi n'étaient pas condamnés à mort. Mais, ce qui était peut-être plus épouvantable, ils étaient condamnés à vie. Dans son indulgence qui, du reste, était rare, le tribunal laissait la vie à quelques uns. Mais se figure-ton ce que pouvait être l'existence dans cet enfer anticipé, au fond d'un trou noir, envahi par la mer, en compagnie de rats énormes, dont il fallait se défendre pour ne pas être dévoré, avec la torture de la faim et de la soif et où durant leur misérable vie, les prisonniers solitaires ne voyaient jamais la lumière du jour, n'apercevaient jamais une figure humaine, n'entendaient jamais la voix de leurs semblables, si ce n'est peut-être quelques gémissements répercutés par les voûtes ? Le prisonnier perdait rapidement ses facultés, tombait dans l'abrutissement et l'avilissement de la bête."