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"Petit éloge du charme" d'Harold Cobert

Publié le 13 décembre 2012 par Francisrichard @francisrichard

Il ne faut pas se fier aux apparences. Avec sa couverture rose, l'éloge d'Harold Cobert, qu'il qualifie de petit par modestie, ne se limite pas aux seuls liens du charme avec l'érotisme.

Dans le "prélude en fugue" de cet éloge, l'auteur se demande:

"Comment faire l'éloge de ce qui est insaisissable, de ce qui n'apparaît que pour mieux disparaître comme un mirage permanent, à moins de faire l'éloge de la fuite elle-même?"

Vladimir Jankélévitch s'était déjà heurté avant lui à cette difficulté de définir le charme avec exactitude.

Quant à René Schérer, partant de cette dernière constatation, il avait observé que le charme était à la fois un composé et un oxymore.

A partir de là et de l'étymologie, qui "est la madeleine de Proust du langage", Harold Cobert développe à son tour des considérations sur le charme, dont il est une vivante illustration pour ceux qui l'ont rencontré.

Depuis "carmen" - chant magique - et "carpinus" - un arbre supportant bien la taille -, le mot de charme a pris, au fil du temps, cinq sens retenus par le Petit Robert de la langue française, cinq comme les doigts d'une main, ou les sens qui permettent à l'homme de connaître le monde qui l'entoure.

Le charme prend ainsi le sens:

- de l'action magique qu'il exerce

- de l'attrait qu'il produit

- des manières séductrices dont il se sert

- de la beauté plastique dont il se pare

- du nombre quantique qui caractérise les quarks (les plus petites particules élémentaires connues, qui se désintègrent en composés et font cohabiter matière et antimatière, suprême oxymore).

Harold Cobert montre que, si le temps est ennemi de la beauté, il ne l'est pas complètement. En effet un charme s'opère:

"[Le temps] patine les épidermes, les sculpte, les cisèle de mille et une entailles qui racontent toute une histoire. Là, l'encoche du premier sourire. Ici, la fêlure du premier chagrin d'amour. A la commissure des lèvres, la cicatrice d'une moue trop souvent opposée aux coups du sort et aux maux pris sur soi."

Si la bêtise est ennemie de la beauté, la laideur peut être transfigurée par l'esprit. Cyrano, Gainsbourg en Gainsbarre, ou Mirabeau furent des incarnations du charme qui transcende l'aspect physique.

Du charme dérivent les deux autres notions connexes que sont le mystère et la séduction.

Au sujet du mystère, Harold Cobert fait ce parallèle éclairant:

"Si la beauté constitue la face diurne et brillante du charme, le mystère représente sa face nocturne et ténébreuse."

Il fait un autre parallèle, non moins éclairant, entre les différentes formes que peut revêtir la séduction. Ainsi compare-t-il Valmont, le séducteur des Liaisons dangereuses, à Casanova, le séducteur vénitien. Le premier utilise le charme comme moyen, tandis que la séduction du second est au service du charme. Le premier en est la face funèbre, le second la face solaire.

Le charme a aussi, bien évidemment, des liens avec l'érotisme (on revient quand même à la couverture rose):

"Le charme est érotique parce qu'il excite notre intérêt, tant intellectuel que sensoriel. Et l'érotisme a des charmes certains parce qu'il plaît, enchante et ensorcelle."

L'opposition entre érotisme et pornographie est paradoxale:

"Le caractère solaire de l'érotisme tient au voile de clair-obscur jeté sur les corps tandis que le caractère obscur de la pornographie tient au dévoilement cru des corps en pleine lumière."

Comme les choses ne sont pas simples, "l'érotisme trop fleuri peut parfois devenir anti-érotique" et "dans certaines situations, la crudité de la pornographie peut s'avérer fortement érotique et, partant, non dénuée de charme".

Le corollaire de l'érotisme et de la pornographie?

"L'un et l'autre procurent le frisson des jeux interdits - et donc de la transgression."

Transgression, dont les deux éléments "qui fondent et nourrissent le charme" sont "l'incertitude et le danger".

Comme le laissait présager le prélude, force est de constater, en sa fugue, malgré tout, que "le charme déjoue nos approches et se dérobent à nos avances".

Après avoir approché du charme (en le décomposant), par la beauté, le mystère, la séduction, l'érotisme, la transgression, l'auteur se rend compte que tous ces concepts sont à la fois fixes et mouvants, selon les cultures et les époques, mais que le charme demeure indispensable à notre humanité.

Car, dans un monde par trop utilitariste, le charme "invite à réenchanter le monde":

"Il est un appel à la résistance. A ce titre il est hautement insurrectionnel et séditieux."

En somme, ce n'est pas si court jeune homme... et je n'ai fait que survoler ici votre éloge plein de charme...

Francis Richard

Petit éloge du charme, Harold Cobert, 128 pages, François Bourin


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