Le Rappel des titres d'Alain Helissen

Par Florence Trocmé

Intitulé Le rappel des titres, le dernier livre d’Alain Helissen se place donc d’emblée à la fois sous le signe de la reprise, du ressassement, et de l’écho, dans la voix singulière du poème, de l’universel reportage. Ici ces deux pôles se rejoignent dans ce que l’auteur désigne lui-même comme la répétition forcenée d’un « vous » envahisseur, figure de l’autre autant que de soi-même, bouc émissaire coupable de tous les mots / maux de la tribu [1].
A travers une série de textes aux vers courts et à la coupe abrupte – qui provoque souvent des effets de surprise en déstabilisant la lecture – ce pronom personnel central renvoie alors autant à l’auteur qu’à son double, emportés tous deux par la langue de l’époque et cherchant avec énergie à lui résister :

Vous
convoquez votre prose dé
roulée comme un fil
barbelé

Cette résistance passe nécessairement par un travail de l’écriture qui, dans le cas présent, fait feu de tout bois, loin de toute sacralisation, en n’hésitant pas à recourir aux pirouettes les plus diverses :

Art hétéroclite
Irrespec
tueux de l’inventaire chronologique
des fastes picturant
par les siècles répertoriés
sur papier gla
cé pas moins de vingt tomes
de Savoie
et d’ailleurs

Au passage, on peut noter qu’A. Helissen fait souvent usage de la rime, forme mêlant évidemment répétition et décalage :

Vous
pensez courbe
épinglez fourbe
finissez tourbe

En alternance avec cette prose hachée, une suite de « dialogues » reprend autrement la recherche d’une identité, même si cette dernière peut, de façon apparemment paradoxale, correspondre davantage à un effacement qu’à une affirmation close sur elle-même :

- Parfois, on le surprend à mesurer la dimension cachée des choses, à penser le rien, à s’effacer en tant que sujet devant le néant du monde. 
- C’est du cacaboudhisme primaire.

- Il dit qu’apprendre à méditer sur le rien, c’est apprendre à mourir.
- Je préfère apprendre à vivre en méditant sur le Tout.

Enfin, un sommaire sommaire  vient rappeler des « titres » qui ont de grandes chances d’être passés inaperçus tant ils sont peu différenciés du corps des textes et, de ce fait, constitue une invitation lancée au lecteur pour qu’il revienne sur ses pas, lui aussi à la recherche d’

Une phrase
qui resterait sus
pendue bien a
près le spectacle
dans la mémoire
de tous

Contribution de Bruno Fern

Alain Helissen, Le rappel des titres, éditions Les Deux-Siciles (8, avenue Hoche 77330 Ozoir-la-Ferrière), 10 €.


[1] Ces reprises correspondraient à de multiples tentatives – forcément jamais achevées – de constituer un sujet par l’écriture : « Telle serait, en effet, la double origine du ressassement : impossibilité pour le sujet ou bien de s’approprier soi-même, à travers les objets qui l’obsèdent, ou bien de s’approprier l’autre, à travers le texte qui résiste. » (Bernard Vouilloux, Po&sie n° 93, octobre 2000).