C'est paradoxalement le VIH, mais sous forme de vecteur lentiviral, un dérivé totalement sécurisé du virus, qui permet de reprogrammer les cellules T des patients puis de cibler les cellules tumorales qui permet de faire, chez 12 patients, dont 2 enfants, la première démonstration réussie et durable de l'utilisation de la thérapie génique pour transformer les cellules immunitaires de son propre organisme en cellules tueuses de tumeurs cancéreuses. Cette performance de l'Université de Pennsylvanie, présentée le 10 décembre à la réunion de l'American Society of Hematology, vient confirmer de premiers résultats sur de premiers patients qui, au bout de 2 ans, sont toujours en rémission.
9 des 12 patients de l'essai, atteints de leucémie et perfusés de leurs propres cellules T après modification génétique ont à ce jour répondu à cette nouvelle thérapie génique, mise au point par cette équipe de l'École Perelman et 2 des 3 premiers patients traités avec ce protocole et dont les cas ont été décrits dans le New England Journal of Medicine et la revue Science Translational Medicine en août 2011 sont toujours en bonne santé plus de 2 ans après le traitement, avec ces cellules T modifiées toujours en circulation dans le corps.
Les participants avaient tous des cancers avancés, 10 une leucémie lymphoïde chronique et les 2 enfants une leucémie lymphoblastique aiguë. Le Pr Richard W. Vague, professeur d'immunothérapie au « Penn's Abramson Cancer Center », confirme le grand potentiel de ces cellules T dont le récepteur de l'antigène a été modifié pour améliorer le traitement de la leucémie et du lymphome et envisage même que dans l'avenir, cette approche puisse remplacer la greffe de moelle osseuse. Car la greffe de moelle osseuse nécessite une longue hospitalisation, entraîne un risque de mortalité de 20% et n'offre que trop peu de chances de guérison aux patients qui n'ont pas répondu aux autres traitements.
Le nouveau protocole consiste à enlever les cellules T des patients grâce à un procédé semblable au don de sang, et de les reprogrammer en serial-killers de cellules tumorales, grâce à une technique de modification génétique utilisant un vecteur lentiviral dérivé du VIH. Ce vecteur va coder pour un anticorps, appelé récepteur de l'antigène chimère (RAC), exprimé à la surface des lymphocytes T et conçu pour se lier à une protéine appelée CD19. Les cellules modifiées sont ensuite réinjectées après chimiothérapie. Une fois que les cellules T commencent à exprimer le RAC, elles peuvent concentrer toute leur activité à détruire les cellules qui expriment la protéine CD19, qui sont des cellules leucémiques. Les cellules du patient qui n'expriment pas CD19 sont épargnées par les cellules T modifiées, ce qui limite de manière importante, les effets secondaires typiques des thérapies traditionnelles.
Un second mécanisme est déclenché par une molécule de signalisation intégrée dans le récepteur de l'antigène chimère (RAC) qui va inciter la cellule T à produire des cytokines qui vont-elles-mêmes inciter d'autres lymphocytes T à se multiplier... Ce mécanisme a son « contrepoids » chez le patient, un syndrome de libération des cytokines dont les symptômes sont la fièvre, des nausées, une hypoxie et une pression artérielle basse.
Mais, au final, le traitement par lymphocytes T modifiés permet d'éradiquer la tumeur.
Source: Penn Medicine Leukemia Patients Remain in Remission More Than Two Years After Receiving Genetically Engineered T Cell Therapy
Lire aussi:LEUCÉMIE : Des lymphocytes T transformés en serial killers et sur la Leucémie