1 – Le Parti socialiste lâchera-t-il Hollande ?
Sombre dimanche électoral pour Sa Normalité, suivi de sondages calamiteux. La tradition de la cinquième République et le besoin de disposer du logo au poing et à la rose sur les affiches de campagne empêchent en théorie le lâchage du président par les élus et les militants socialistes. Il lui reste aussi le fusible Ayrault, prêt à sauter à tout moment. Hollande peut donc envisager les suites de la déculottée des dernières législatives partielles avec un détachement apparent.
Mais la démobilisation de son électorat est telle qu’elle doit être interprétée comme une forme de protestation massive et passive. Le chef immobile pétrifie ses propres soutiens. Or, le parti socialiste, sorte de syndicat d’élus locaux, va rapidement extrapoler les résultats des derniers scrutins aux futures municipales, les mairies étant un des piliers du dispositif clientéliste que la « gauche » a mis en place en France. C’est grâce à elles que les camarades peuvent arroser des myriades d’associations amies et créer de prétendus logements sociaux qui ne font que dérégler le marché immobilier et engendrer la pénurie mais qui, c’est essentiel, fabriquent des électeurs reconnaissants.
Le gros problème auquel se heurte Hollande est que l’enterrement à la sauvette de ses promesses absorbe toute son énergie politique. Le social-traître qu’il incarne à merveille dans l’imaginaire communiste est occupé à masquer une politique économique et sociale qui n’est que la traduction en langage de gauche des directives européennes. Du coup, une fraction substantielle de son électorat est gagnée par le dégoût et l’abattement et ne se déplace plus aux urnes.
Certes, la révolte des cadres et élus socialistes menacés ne peut, pour l’heure, prendre une forme brutale ou radicale. Mais le silence d’Aubry ou d’Hamon n’est guère rassurant pour Hollande qui, s’il est parvenu facilement à carboniser Montebourg, n’a en rien réglé le cas de ses vrais opposants internes. Chez les apparatchiks, Aubry était plus populaire que lui. Et les sacro-saintes villes de plus de 30.000 habitants sont en cause. En cas de désastre aux municipales, la colère sera grande.
C’est Mélenchon qui, paradoxalement, constitue désormais le principal atout de Hollande puisqu’il a détaché du PS les militants les plus à gauche. Si d’aventure ils y ré-adhéraient, ils pourraient, dans les mois qui suivent, faire basculer la majorité et se débarrasser à terme du pseudo social-libéralisme qu’ils exècrent. Ils ont le goût du risque mais ont-ils l’intelligence des paradoxes ? En tout cas Mélenchon préfère pour l’heure rester maître de son propre pédalo plutôt que de prendre à l’abordage le vieux paquebot. Même si Hollande fait du PS une sorte de nouvelle SFIO, n’est pas Mitterrand qui veut pour le faire passer par dessus bord.
2 - Pendant ce temps, l’électorat UMP est unitaire pour deux et plus
S’il est une autre leçon à retenir de ces législatives partielles, c’est qu’au fond le discours et les affres politiciens importent peu : l’électorat UMP s’agace du combat des chefs mais il est encore bien plus excédé par la politique des socialistes. De deux maux, il choisit sans hésiter le moindre et, comme il y a peu le « Tout sauf Sarkozy » mobilisait la gauche, le « Tout sauf Hollande » met en mouvement la droite.
Pourtant, quand la politique devient une simple guerre de position, la paralysie menace. A l’immobilisme de Hollande s’ajoute le blocage de l’UMP. Le seul remède à cette sclérose démocratique en plaques peut venir d’un effet paradoxal de la montée de l’abstentionnisme. Moins il y a de votants, plus le déplacement d’électeurs d’un camp vers l’autre a des effets sensibles. La démobilisation favorise les militants et c’est sa seule conséquence positive.
3 - Le digne successeur de Mitterrand
A méditer : au cours des 6 premiers mois du mandat de François Hollande, le nombre de demandeurs d’emplois a augmenté de 214.400. Il faut remonter aux débuts de Mitterrand, en 1981, pour retrouver une détérioration aussi catastrophique. Ma foi, Hollande est peut-être son digne successeur.
4 - Florange : le piège des mots s’est refermé sur Montebourg et les salariés de Mittal
La tactique de Montebourg pour menacer Mittal s’est retournée contre les employés des hauts fourneaux alors pourtant que, sur le fond, son analyse n’était pas totalement absurde. Certes, un bureaucrate ou un politicien ont peu de chances de savoir mieux que Mittal si les hauts fourneaux de Florange ont la moindre chance d’être rentables à long terme. Si l’aciériste indien pense sincèrement que non, il a sans doute raison. La défense irraisonnée et à un coût exorbitant des 600 emplois en cause est une impasse qui ne peut s’expliquer que par la dimension symbolique des hauts fourneaux de Lorraine, tout à la fois cathédrales industrielles en terre ultra-catholique, symbole d’une puissance économique fragilisée et ciment de l’unité nationale au moment où, après la première guerre mondiale, cette province redevenait française.
Cela étant, un libéral convaincu ne saurait oublier les fondements mêmes des modèles marginalistes : en situation de monopole ou d’oligopole, ce qui est le cas du marché de la production d’acier en France contrôlé par Mittal, l’intervention de la puissance publique peut être légitime pour, en quelque sorte, éviter les abus de position dominante. Mittal, qui est tout sauf un enfant de chœur et qui est passé maître dans l’art de duper les pouvoirs publics, justifie certainement ce type de surveillance rapprochée pour éviter qu’il ne gruge l’Etat, les salariés et les consommateurs tout à la fois.
Il n’était donc pas aberrant que le gouvernement impose une solution temporaire qui contraindrait le sidérurgiste à remettre en jeu et soumettre à la concurrence l’ensemble de ses activités en France. Il s’agissait de faire apparaître une information non manipulée sur la réalité de ce marché.
Hélas, ce délicat exercice était confié à un ministre fort-en-gueule, trop soucieux de postures politiques, méprisé par ses chefs, isolé dans la citadelle de Bercy et - horresco referens - trahi par son propre directeur de cabinet. Si l’on en croit la rumeur, ce dernier aurait négocié les termes de l’accord avec Mittal dans le dos de son ministre ! Parmi les multiples raisons de la déliquescence du pouvoir politique en France, cette sidérante habitude de donner aux ministres des collaborateurs qui, en dernière analyse, obéissent à d’autres qu’eux, est une cause majeure de confusion.
Quoi qu’il en soit, Montebourg s’est mis en tête, pour plaire à la faction gauchisante du pouvoir dont il se croit la figure de proue, de prononcer le mot fatal : nationalisation. Trop connoté, symbole d’une gestion publique inefficace de l’industrie, le mot de « nationalisation » a décrédibilisé son combat.
Au contraire, rien de tel que d’employer le vocabulaire de son adversaire pour le combattre. Il fallait parler de réouverture à la concurrence après une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique. Un capitalisme limité pour un temps limité en quelque sorte, comme Lénine lui-même ne craignait pas de le dire au début des années 1920. Mais le léninisme, ça ne s’apprend pas chez les petits bourgeois de la rue de Solférino. Le capitalisme non plus bien sûr. Et, en définitive, Montebourg a perdu sur les deux tableaux. Ce qui est plus gênant, c’est que les salariés de Florange ont perdu avec lui.
5 – Affaire Cahuzac : communication de crise et crise de la communication
Plus que sur les manoeuvres de Stéphane Fouks, patron d’Havas, Cahuzac peut compter sur la volonté de l’UMP de ne pas l’accabler pour désamorcer la polémique qui l’atteint. Apporter de l’eau au moulin de Mediapart, c’est trop demander à des Sarkozystes encore ulcérés par les attaques quasi-névrotiques de Plenel contre l’ancien président.
La mollesse judiciaire est également acquise à Cahuzac : aucune enquête préliminaire n’est ouverte sur ces soupçons faute de plainte et on ne peut compter sur le ministre du budget pour demander à sa collègue de la justice d’en ordonner une. Elle permettrait pourtant d’examiner les choses au fond et de disculper Cahuzac plus sûrement que la procédure pour diffamation, circonscrite aux seules preuves que pourra apporter Mediapart.
Indépendamment de ces considérations juridiques, la péremption accélérée des scandales et la mithridatisation de l’opinion font que, d’ici quelques mois, cette vilaine histoire de compte suisse sera ensevelie sous les neiges (helvétiques ?) de l’oubli. On pourra dire qu’un enregistrement difficilement audible ne prouve rien et tout rentrera dans l’ordre. Politiciens, oubliez la communication de crise et comptez plutôt sur la crise de la communication pour rester sereins en toute circonstance.
6 - Berlusconi, l’affreux utile
La classe médiatico-européiste est satisfaite : elle a retrouvé un repoussoir commode en la personne de Berlusconi ; une «momie» selon Libération qui n’avait curieusement rien à reprocher à un Monti imposé aux Italiens par l’horrible « finance ».
Hollande, lui, se mêle de ce qui ne le regarde pas, à savoir les affaires politiques intérieures italiennes, en déclarant : "La Grèce, nous avons enfin apporté les fonds qu'elle attendait. L'Espagne, nous avons permis au secteur bancaire d'être renfloué. L'Italie, même s'il y a une incertitude politique, je suis sûr que les Italiens vont y répondre." En clair, cela signifie voter Monti ou assimilé pour conforter l’euro, rassurer les marchés et écarter définitivement Berlusconi. Quand on songe qu’il y a huit mois à peine le même Hollande faisait les gros yeux à la finance et menaçait l’Europe de Bruxelles, on mesure le chemin parcouru sur la voie du reniement. Hollande est un phénomène : il nous rendrait presque Berlusconi sympathique.
7 - Carla présidente !
Restons transalpins. Franchement, avez-vous vu la dernière couverture de Vogue ? Une sublime Carla photoshopée devient le meilleur atout pour l’éventuel come-back de son mari. Aux grimaces de prétoire de Valérie Compagne-Première, les Français ne peuvent manquer de préférer le sourire séraphique de la Première-Dame-à-la-guitare.
Tout cela vaut mieux que se commettre dans la guérilla umpéiste pour retrouver aura et popularité, doit se dire Sarkozy. S’il en a vraiment assez de la politique, il serait temps pour lui de songer à présenter Carla, femme, européenne, moderne, branchée, suffisamment riche pour mépriser les attributs du pouvoir : elle a toutes les qualités pour revenir à l’Elysée aux avant-postes. Quant aux vertus apaisantes que la gauche prête à Lui-Président, elles seraient bien mieux prodiguées par une musicienne dont l’art, dit-on, adoucit les moeurs.
8 – Je vous invite !
Aux courageux qui sont arrivés au bout de cette chronique et ignoreraient que mon site Delanopolis a gagné le procès que Lyne Cohen-Solal, adjointe de Delanoë, lui a intenté pour avoir rappelé que cette donneuse de leçons a été condamnée pour un emploi fictif, je renouvelle mon invitation à boire le verre de l’amitié lundi prochain 17 décembre à 19 heures, à la mairie du 8ème arrondissement de Paris, 3 rue de Lisbonne, à l’occasion de la première « Fête de la liberté d'expression et du pluralisme dans l’information ».
Venez nombreux !