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Les rencontres de l'Orme (1)

Publié le 03 avril 2008 par Pierre Mounier

J'ai profité d'une visite aux amis marseillais pour assister à une des deux journées des rencontres de l'Orme qui se déroulent à la Friche de la Belle de Mai. Les Rencontres de l'Orme, c'est un événement annuel qui rassemblent tous les acteurs français des technologies de l'information et de la communication pour l'éducation. Aujourd'hui, deux conférences m'intéressent particulièrement. La première traite de la question de la gouvernance pour le numérique à l'école. Autrement dit : comment les différents acteurs (Etat, éditeurs, privés et publics, acteurs de terrain) arrivent, ou pas, à travailler ensemble dans ce domaine. Plutôt pas, ou plus, selon Serge Pouts-Lajus, animateur de la table-ronde, après les deux lois de décentralisation. Je ne connais pas bien les personnes présentes à la tribune. Pour les identifier, voir le programme des Rencontres en ligne.

Trois sujets sont mis sur la table :

1. La maintenance des matériels 2. Les ressources (contenus et logiciels) 3. Les ENT

Premier tour de table : le représentant de Microsoft ouvre très fort la discussion en opposant les freins et pesanteurs des structures administratives au dynamisme des communautés enseignantes. Réaction immédiate des différents représentants de ces structures (rectorat, région, conseil général, ministère) trouvant, dans un bel unanimisme, qu'au contraire, beaucoup de choses bougent ; ils reconnaissent que c'est très récent.

A propos des ressources,

On évoque le cas de l'académie Aix-Marseille avec une initiative importante rassemblant tous les acteurs (y compris éditeurs) sous la houlette de la région : Correlyce. Apparemment, le dispositif mis en place est pour le moins innovant. Il s'appuie sur des "points quart", lieux de proximité où l'on trouve des enseignants, des techniciens et des documentalistes pour accompagner et développer l'usage des ressources qui sont achetées par l'académie.

Un intervenant de Seine Saint Denis insiste sur le caractère relativement exceptionnel de cette initiative. Comment ça se passe dans les autres départements, demande l'animateur de la table-ronde ? Réponse : pour l'instant, il ne se passe rien. En fait, la plupart des collectivités territoriales considèrent que la question des ressources et de l'accompagnement de leur usage ne sont pas de leur responsabilité et n'ont pas à se substituer aux défaillances de l'Etat. Réponse de la région PACA : oui, mais si la Région par exemple reste uniquement sur son domaine de compétence, c'est-à-dire la fourniture de machines, et qu'il n'y a pas de relais, celles-ci ne sont pas utilisées et donc, sont investissement n'est pas valorisé.

Passage de parole au représentant du Ministère : celui-ci se félicité évidemment de l'initiative de la Région. Alors, que fait l'Etat ? Et bien il labellise, il distribue des clés USB aux enseignants sortants d'IUFM, et il "impulse".

Encore une fois, le représentant de Microsoft met les pieds dans le plat. Deux éléments selon lui :

1. Toutes ces initiatives sont très bien, mais elles ne sont pas à l'échelle, quantitativement, surtout par rapport aux autres pays. 2. L'usage des TIC est bridé par le cadre d'enseignement (cours de 55mn) qui ne peut pas bouger, alors que dans les autres pays, l'usage des TIC dans l'enseignement s'est accompagné d'une réorganisation du temps d'enseignement. Il pointe malgré tout quelques ferments d'espoir : le dynamisme des communautés enseignantes, l'inclusion dans le socle commun, de compétences directement liées aux TIC et la possibilité légale pour les chefs d'établissement de réorganiser les enseignements beaucoup plus largement qu'ils le font actuellement..

Les réactions dans la salle (enseignants, parents, etc.) font état d'un manque de concertation avec les acteurs de terrain. Les enseignants participent-ils au processus de choix des ressources ? Peuvent-ils donner un retour d'usage sur la pertinence de ces ressources ? Un parent d'élève en particulier pointe du doigt le manque de reconnaissance de la compétence des enseignants en la matière. Tout à coup, je me rends compte qu'aucun enseignant n'est à la tribune. Le Ministère répond : un projet est en cours pour la création d'un portail participatif qui peut être alimenté par les enseignants. Par ailleurs, le Ministère soutient des initiatives comme Sésamath et Weblettres.

On passe maintenant aux ENT. L'animateur de la table-ronde en fait l'historique. Au début, il s'agissait d'outils bricolés (blogs, cms divers). Depuis 2003, l'Etat et la Caisse des dépôts ont financé le développement d'ENT intégrés industriels, sur une base régionale. L'Alsace et la Lorraine ont été précurseurs, puis l'Ile de France.

En fait, la plupart des intervenants font état d'un manque de concertation entre l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements. Dans l'académie de Créteil, des ENT se font ainsi concurrence ! Cette fois, c'est le représentant de la Région PACA qui met les pieds dans le plat. Pendant très longtemps, les ENT étaient plutôt des usines à gaz. Surtout, l'ENT est une approche par les outils, ne correspondant pas à des besoins réels. Corelys est au contraire une approche par les usages où on voit qu'au bout d'un moment, des demandes correspondant à des fonctions ENT commencent à émerger (du type espaces partagés, collaboratifs), et à ce moment seulement, ils deviennent pertinents. Bref, c'est la méthode de déploiement qui n'a pas été la bonne : déploiements par le haut, approche par la technologie. Dernier point : la pauvreté du marché en terme d'offre d'ENT. Cette analyse est partagée par un acteur du CNDP : on arrive maintenant à un moment intéressant où on voit émerger des demandes liées à des usages de partage et de collaboration.

Le représentant du ministère défend l'approche par les outils : en Alsace, on a contraint les enseignants à utiliser les outils (gestion des absences par exemple) ; puis, se sont développés dans un second temps des usages pédagogiques.

Dans la salle, deux interventions très différentes, remettent en cause le slogan selon lequel il faut « développer les usages ». La première pose la question de la connexion entre les ENT et les usages des jeunes qui sont très développés dans le numérique. La seconde fait état d'une enquête sur les pratiques pédagogiques innovantes en sciences de la vie. Cette enquête a montré que ces pratiques ne se développaient pas dans les ENT labellisés par le Ministère ! Mais sur des outils choisis localement et non labellisés. Le déploiement des ENT labellisés casse dans certains cas les dynamiques locales.

La table-ronde n'est pas finie (reste la maintenance) mais je dois partir.


Crédits photo : « galerie chez la friche belle de mai », par eschige sur Flickr en cc by-nc-sa 2.0


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