Féérie tragique (le parti-pris des choses)

Par Borokoff

A propos d’Anna Karénine de Joe Wright

Keira Knightley

Dans la Russie Impériale de la fin du XIXème siècle, Anna Karénine (Keira Knightley), une jeune femme de la haute société pétersbourgeoise, est mariée à Alexis Karénine (Jude Law), un haut fonctionnaire vertueux mais austère et ennuyeux. Le couple a  un enfant de 8 ans, Serge pour qu’Anna adore et pour lequel elle serait prête à donner sa vie. En se rendant à Moscou chez son frère Oblonski, Anna rencontre le comte Vronski (Aaron Taylor-Johnson), un comte frivole mais charmant dont elle tombe amoureuse…

Publié en 1877, Anna Karénine est resté le roman le plus célèbre de Tolstoï (1828-1910). L’écrivain russe y évoque les « différentes facettes de l’émancipation de la femme et dresse un tableau critique de la Russie de la fin du XIXe siècle : Tolstoï montre que les idées libérales et progressives de l’occident commencent à saper des structures traditionnelles apparemment intactes ». La passion adultère vécue par Anna Karénine la conduira au suicide et à une fin tragique.

Jude Law

En parallèle, un autre couple, formé par Kitty (Alicia Vikander) et Lévine, file un parfait amour dans la campagne russe. Daria et Oblonsk constituent quant à eux un duo amoureux plus nuancé. Oblonski est un noceur infidèle mais qui, conscient de ses vices, n’en prodigue pas moins étrangement affection et tendresse à sa femme.

Aaron Taylor-Johnson

La grande originalité de cette énième adaptation du chef-d’œuvre de Tolostoï est d’avoir concentré toute l’action et les différentes scènes du roman en un lieu quasi-unique qui est une scène de théâtre. Cette (quasi-)unité d’action n’est pas la seule fantaisie que s’est permise Joe Wright. Le réalisateur a aussi choisi un parti-pris formel très fort en construisant son Anna Karénine comme une sorte de ballet d’abord féérique, à l’image de la passion et du bonheur que connait Anna mais qui vire ensuite peu à peu à la tragédie, à l’amertume et à la désillusion pour la jeune Russe.

Toutes les scènes sont filmées dans un souci extrême de fluidité, une chorégraphie précise des mouvements héritée tout droit de la danse et qui donne en premier lieu à Anna l’aspect d’une danseuse gracieuse (Keira Knightey est encore une fois éblouissante) avant qu’elle ne devienne une marionnette désarticulée en proie à ses démons, un pantin aux gestes incohérents et qui dégénère, dévorée par sa passion. Bien sûr, on pense directement dans la construction du récit et l’héritage cinématographique au chef d’œuvre de Michael Powell : Les chaussons rouges, dont Darren Aronofosky s’était lui-même inspiré pour son Black Swan.

Si l’on admet que cette adaptation est une libre inspiration du roman de Tolstoï, alors l’Anna Karénine de Joe Wright devient un spectacle assez plasiant à suivre. L’idée d’une unité d’action et de mettre en scène le roman éponyme de Tosltoï à la manière d’un ballet d’abord féérique puis tragique se révèlent comme des choix judicieux. Ils donnent à cette romance tragique un aspect intemporel et irréel qui est l’essence de toute passion. La mise en scène, précise, rigoureuse, ne se prive pas d’un certain kitsch qui fait d’abord sourire, comme la coupe péroxydée d’Aaron Taylor-Johnson (très bon au demeurant) avant que Joe Wright ne se lâche et verse dans l’exagération, notamment dans la scène finale où Alexis Karénine lit avec son fils dans un champ de fleurs sur fond de ciel bleu pétant. Dommage que Wright en fasse alors un peu trop, car son parti-pris formel semblait jusque l’a audacieux même si l’on est en droit de penser que ce type de mise en scène ne met pas forcément en valeur la tension dramatique et romanesque ni le jeu des acteurs. Mais ne boudons pas notre plaisir…

http://www.youtube.com/watch?v=BeUDyhrNGjw

Film américain de Joe Wright avec Jude Law, Keira Knightley, Aaron Taylor-Johnson, Kelly MacDonald (02 h 11)

Scénario de Tom Stoppard d’après le roman de Léon Tolstoï :

Mise en scène :

Acteurs :

Dialogues : 

Compositions de Dario Marianelli :