Le 2 avril prochain, les passagers strasbourgeois d’Air France ŕ destination de Paris-CDG embarqueront …ŕ bord d’un TGV gréé en premičre classe. Il s’agit d’une nouvelle victoire du rail sur l’avion, tout simplement logique. En revanche, la ligne Strasbourg-Orly est maintenue, un choix qui est source d’une profonde perplexité.
On devine l’embarras d’Air France qui clame avec une belle constance que la SNCF est un concurrent redoutable et qui, aujourd’hui, renforce des liens commerciaux entre l’avion et le rail, basés sur une saine logique commerciale et opérationnelle mais en arriveraient presque ŕ ętre considérés comme contradictoires, voire contre nature.
Plus décomplexé que sa haute direction, Thierry de Bailleul, directeur régional d’Air France, en a dit plus que ses collčgues, tout au long de ces derničres années : Ťface au TGV, en-dessous de 2 heures 45 minutes, l’aérien n’est plus rentableť. Peut-ętre aurait-il dű ajouter Ťsauf pour les low costť. Si ce repčre est pris pour argent comptant, Ryanair, EasyJet, Vueling et les autres s’acheminent vers un avenir plein de promesses, de rentabilité et de statistiques de trafic qui montent jusqu’au ciel.
Jusqu’ŕ présent, seule la ligne Paris-Bruxelles avait été abandonnée par Air France, il y a maintenant une dizaine d’années, ce saut de puce de 300 km ne pouvant plus justifier l’avion, encore moins depuis l’apparition du Thalys, ŕ peine une heure vingt minutes pour relier la gare du Nord ŕ Bruxelles-Midi. Air France n’en garde pas moins une forte présence dans la capitale belge, grâce ŕ des voitures TGV qui lui sont réservées et un art consommé d’acheminer une importante clientčle belge vers Roissy, aux dépens de Brussels Airlines et quelques autres concurrents.
La ligne (aérienne) Strasbourg-CDG transporte actuellement 150.000 passagers annuels. Elle a longtemps fait illusion grâce au parlement européen dont les 754 députés se réunissent en session pléničre une fois par mois en Alsace pour croiser le fer dans vingt-trois langues officielles. A elle seule, la patiente construction de l’Europe constitue de ce fait une source intarissable de trafic, męme si l’essentiel de l’activité quotidienne des parlementaires se concentre sur Bruxelles. C’est d’ailleurs un bel exemple de coűteuse dualité.
Point remarquable de petite et grande histoire, les interventions vigoureuses de quelques élus et les inquiétudes exprimées par les personnels concernés, n’ont ému personne et il n’a pas été envisagé de sauver la ligne coűte que coűte. Il n’est pas nécessaire, en effet, d’ętre grand spécialiste de l’économie des transports pour comprendre que l’avion est devenu économiquement injustifiable sur des distances trčs courtes. De plus, il n’offre plus un réel gain de temps. Le TGV Est a réduit la durée du voyage ferroviaire ŕ 2 heures 46 minutes, une heure et cinquante minutes ŕ l’horizon 2016. Et, de toute maničre, comme l’a confirmé Thierry de Bailleul, l’équilibre financier d’une telle ligne est bel et bien hors de portée.
Reste ŕ comprendre le Ťcasť de Strasbourg-Orly, six vols quotidiens. Conviendrait-il de ménager les susceptibilités locales alsaciennes, d’éviter l’overdose de Ťmauvaisesť nouvelles en en retardant la fermeture ? Une fois de plus, force est de constater que le transport intermodal a bien du mal ŕ se développer.
Pierre Sparaco - AeroMorning