Des années que j’en rêvais. Je n’étais pas la seule. Nous avons fait rêve commun, avons acheté des billets, nous en sommes allés à la capitale, sommes allés découvrir Hopper en vrai. J’y suis allée vaguement inquiète d’être déçue, que ces œuvres sur-exploitées puissent se révéler fades et finalement sans intéret.
Nous avons fait la queue, comme il se doit, au milieu de râleurs, dont pour une fois, je ne faisais pas partie. J’étais sage, concentrée, prête à vivre un grand moment. A l’heure prévue, je suis entrée, et m’en suis partie à la découverte des paysages qui parlent à nos mémoires cinéphiles, des transparences que les pudiques copies nous avaient dissimulées. Et j’ai aimé. J’ai aimé l’intelligence de cette installation nous plongeant d’entrée dans des lieux lointains, des temps révolus. J’ai aimé les couleurs et les lumières. J’ai aimé être voyeuses de ces instants fugaces où des êtres s’échappent à eux-mêmes. D’aucuns y voient de la solitude, là où moi je vois un dialogue intérieur, moments forts intenses et vitaux, de recentrage, de mise au point, au clair avec soi-même. On sait bien que la vie va reprendre et nous happer dans ses tourbillons. On sait bien que rien ne dure, tout peut disparaître nous être ôté, que ce soit bonheur ou malheur, et combien il est difficile de vivre l’instant présent.
Hopper m’a rappelé que j’étais heureuse, et m’en suis retournée me noyer dans la foule, prendre le métro.