Ce troisième volume est d’ailleurs entièrement axé autour des combats que vont bientôt devoir livrer les Sénons pour leur survie, alliés aux Meldes (Melun) et aux Parisii (qui donneront plus tard leur nom à Paris). En face d’eux une coalition hétéroclite formée par les Bellovaques, les Carnutes (Orléanais) et les Bituriges (Berry) qui vont donc attaquer sur trois fronts, nord, ouest et sud, obligeant les Sénons et leurs alliés à diviser leurs forces pour contrer les attaques simultanées de leurs ennemis.
Plutôt que remplir l’album de scènes de batailles interminables (le deuxième en était déjà abondamment pourvu), le scénariste Silvio Luccisano a préféré ici procéder par ellipses, et se concentrer sur la tactique et la stratégie que pouvaient déployer les chefs gaulois lors des conflits. Démontrant par la même occasion que ces derniers n’étaient pas les brutes dépourvues de discipline que l’on s’est longtemps plu à dépeindre. Bien sûr les batailles constituent l’essentiel de l’album, mais, passées les quelques cases qui leur sont réservées, l’auteur a préféré faire raconter les combats par le barde Vittros, qui suit les opérations de loin, accompagnant et protégeant la princesse Névéna. Au passage, la présence de ce personnage permet également à Luccisano de lui faire résumer la situation en début d’album, à l’occasion d’une réunion des chefs Sénons devant définir l’attitude à adopter face à la triple menace qui pèse sur eux.
Au cours de cette série de combats, Agris va s’imposer comme une chef militaire hors pair, puisque c’est grâce à son intelligence que les Sénons, pourtant en infériorité numérique et éclatés sur trois fronts, vont parvenir à repousser les assauts de leurs ennemis. Au milieu de ce déchaînement de violence, Luccisano n’en oublie pas les sentiments, à travers l’histoire d’amour pour le moins compliquée et contrariée qui pourrait naître de la rencontre entre Agris et Névéna. Cela permet en même temps d’aérer le propos qui, sans cela, ne serait que violence pure.
Comme d’habitude avec cette série (comme d’ailleurs avec toutes les séries de cet éditeur normand qui s’est spécialisé dans les récits d’Histoire), le propos est autant ludique que didactique. Silvio Luccisano est lui-même féru d’archéologie, et prend donc prétexte des découvertes les plus récentes en la matière pour dépeindre la vie des Gaulois de la manière la plus réaliste possible, en l’état des connaissances actuelles. Il a le souci du détail juste. Ce détail que le dessinateur se doit, à son tour, de montrer avec le plus d’exactitude possible.
Un dessinateur qui a d’ailleurs changé d’identité sur ce nouvel album. Les deux premiers étaient dessinés par Laurent Libessart, on doit celui-ci aux pinceaux de Claire Bigard, même si Libessart l’a aidée de ses conseils avisés (il a également assuré le lettrage), façon passage de témoin complice. Le bon côté c’est qu’il n’y a pas de rupture graphique entre les deux artistes, Claire Bigard ayant assimilé le trait de Laurent Libessart de manière à assurer une certaine continuité dans la narration.
On trouve également, en fin d’album, l’habituel cahier pédagogique, qui n’a cette fois plus rien à voir avec la bande dessinée, mais qui se veut essentiellement historique. Là aussi les informations distillées sont issues des découvertes archéologiques les plus récentes, et notamment de l’archéologie reconstitutive, qui permet à de nombreuses associations de reconstruire des habitats, de recréer des costumes, de fabriquer des objets à la manière dont les Gaulois le faisait. Le cahier de ce troisième volume se penche sur la maison gauloise et son environnement, notamment à travers la reconstitution d’une ferme aristocratique entreprise sur le site de Coriobona, entre Limoges et Angoulême. Le cahier aborde également la religion (déjà évoquée dans le premier volume) et le statut des bardes, notamment à travers différentes reconstitutions de lyres, instrument de prédilection de ces personnages essentiels de la vie des peuples gaulois.
A priori le cycle devrait se terminer avec le prochain volume. Une suite qui devrait voir apparaître de nouveaux protagonistes chez les Sénons, en l’occurrence les Romains, puisque la dernière case de ce Tome 3 nous montre une ambassade d’Eduens (gaulois de la Champagne actuelle), accompagnée d’émissaires grecs de Massilia (Marseille) et d’envoyés de Rome. On sait que les Eduens furent parmi les alliés les plus fidèles des Romains avant la conquête de la Gaule, ne s’alliant à Vercingétorix que du bout des lèvres, et provoquant peut-être même la perte de ce dernier à Alésia en ne participant pas à l’une des plus importantes contre-attaques gauloises contre les fortifications de César lors du siège de l’oppidum. On saura ce qu’il en est des intentions de ces nouveaux arrivant en pays Sénon dans quelques mois.