Animal Kingdom (2011) de David Michôd

Animal Kingdom. (réalisé par David Michôd)

Violence contenue.

Animal Kingdom est un de ces films tout en retenue qui vous ensorcelle dès les premières minutes pour ne plus vous lâcher jusqu'au générique final. Et qui, assurément, vous marque.

Une rue anonyme dans la banlieue de Melbourne. C’est là que vit la famille Cody. Profession: criminels. L’irruption parmi eux de Joshua, un neveu éloigné, offre à la police le moyen de les infiltrer. Il ne reste plus à Joshua qu’à choisir son camp...

Comme le dit Joshua au début du film, les criminels se font toujours prendre. D'une manière ou d'une autre. Et il ajoute laconique, ils auraient du le savoir. La question est posée d'entrée et survole le long-métrage tel une épée de damocles au-dessus de la tête des personnages: pour quelle raison choisit-on d'aller contre la loi? Est-ce inné, est-ce acquis? Comment cette famille banale d'Australie se retrouve-elle prisonnière d'une telle spirale de violence?

Le film ne donne évidemment aucune réponse (de toute façon, on ne lui en demandait pas) et se contente d'énoncer quelques pistes de réflexion. On est témoin, avec Joshua, totalement invisible jusqu'à la dernière partie du film, de cette violence ambiante qui éclabousse quelquefois mais surtout qui gangrène les relations de cette famille banale. Toute contenue, elle semble plus être à l'intérieur des personnages que visible à l'écran. D'où vient-elle? La fatalité ne semble jamais loin. Lorsqu'on ne connaît que la force pour se sortir des situations (et la mère qui ne semble être d'abord qu'une femme absente laissant ses fils commettre des crimes se révèle être la pire de tous) et bien il est impossible d'imaginer un autre moyen de s'en sortir. Le fils aîné et le petit dernier (passif jusqu'à la scène finale) sont représentatifs de cette vision des choses. Ils subissent la violence, endogène à leur existence, à leur milieu familial, plus qu'ils ne la propagent. Il en découle une ambiance étouffante pour les personnages et le spectateur. Le poids de leur condition de vie semble trop lourd à porter mais aucun ne semble avoir l'idée de s'en écarter ou pire ne semble le concevoir (la scène ou Barr parle à Pope de la bourse). Il en sort une sorte de tristesse pathétique.

Pourtant, et c'est là le tournant du film, le choix de Joshua tend à prouver que justement, les membres de la famille l'avaient tout du long. La présence de cet ado et de sa petite amie bien sous tout rapport dans la maison familiale est une bizarrerie qui ne choque pas le moins du monde ses habitants. En effet, Josh est de la famille (il ne leur viendrait pas à l'esprit qu'il puisse être différent jusqu'à ce que l'avocat le leur signale). Pourtant, et la fin le prouve de fort belle manière, le milieu ne fait pas tout. Il reste une part de choix dans le fait d'être un criminel. La fin nous laisse choisir. Josh choisit d'embrasser la vie de sa famille ou y est contraint par la force des choses. A vous de voir.

Au-delà de ces considérations, le film réussit à créer une ambiance anxiogène, sombre et percutante tout en étant anti-spectaculaire. C'est certainement sa plus grande réussite. Alors qu'on aurait pu facilement avoir droit à un déluge de balles et à des courses poursuites, le réalisateur a préféré se concentrer sur l'intime et ce d'une manière minimaliste. Quelques balles bien placées et puis voilà. C'est ce qui permet au film de s'élever au-dessus de la masse de pellicules sur des criminels en captivant le spectateur.

Le film refuse le spectaculaire où son sujet semblait le convier pour un récit intimiste et réaliste. Il tire sa force de ce contraste car le vraisemblable semble ici moins réaliste que le serait le spectaculaire. Michôd crée ainsi le malaise et enferme son héros et les spectateurs dans une violence contenue qui cherche désespérément un moyen de se libérer mais n'y parvient jamais. Un premier film réussi malgré un côté indé un peu trop appuyé et qui peut énerver (abus de ralentis et de moments poseurs qui posent un peu trop pour convaincre de leur utilité).

Note: