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Les libertariens sont-ils des « bobos progressistes » ?

Publié le 11 décembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Les libertariens sont parfois accusés de faire involontairement le jeu de la gauche. Pourtant, sur l’échiquier politique, le libertarianisme est à l’exact opposé du socialisme.
Par Nicola Tournay, membre fondateur du Parti Libertarien de Belgique.

Les libertariens sont-ils des « bobos progressistes » ?

« Les vices ne sont pas des crimes »
Lysander Spooner

Légalisation du mariage gay et de la polygamie, légalisation de l’adoption homoparentale, légalisation de toutes les drogues, y compris de celles dites « dures », légalisation de la prostitution, libre immigration et j’en passe. À bien des égards, le programme des libertariens semble écrit par des gauchistes sous LSD. Du moins, c’est ce qui se dit à « droite » et chez certains libéraux sceptiques. Le libertarianisme ne serait donc qu’un spectre de plus de l’hégémonie multiculturaliste. Une tentative sournoise pour rallier les derniers bastions politiques de la liberté à l’idéologie dominante. Ou le ballet pitoyable de certains libéraux surfant sur la vague gay-friendly et open-minded pour gagner en visibilité médiatique. Une tentative qui serait vouée à n’en pas douter à l’échec, parce que le peuple préfèrerait le vrai socialisme à sa pâle copie capitaliste.

Les libertariens feraient-ils donc involontairement le jeu de la gauche ? Les suspicions des libéraux seraient-elles fondées ? Il n’en est rien. Sur l’échiquier politique, le libertarianisme est à l’exact opposé du socialisme. Et si les deux programmes semblent converger sur certains points, ils ne le font seulement qu’en apparence. Parce que les buts poursuivis sont radicalement différents ; ils sont même antagoniques.

Quand la gauche prêche pour la « tolérance », elle nous oblige à adopter sa novlangue bien-pensante et à abdiquer de tout esprit critique. Dénaturée, la tolérance n’est plus « l’acceptation de pratiques ou d’opinions que l’on ne partage pas, voire que l’on réprouve » [1] mais le triomphe du tout-relatif, l’approbation molle de tous par tous. Et la porte ouverte à la transgression des droits de propriété tant honnis pas les socialistes.

A contrario quand les libertariens parlent de tolérance, ils défendent le Droit naturel de chacun à jouir de sa liberté, dans les limites légitimes de sa propriété. Concrètement, cela signifie que, n’en déplaisent aux raccourcis intellectuels, les libertariens ne sont pas des « nihilistes qui veulent distendre le tissus social » pour permettre à des nudistes cocaïnomanes d’agresser les enfants dans la rue. En réalité, la société libertarienne serait mieux régulée qu’actuellement, mais elle le serait de manière légitime, c’est-à-dire décentralisée et privée. Celui qui voudrait déambuler tout nu dans la rue sous l’emprise de narcotiques le pourrait, à condition d’être le propriétaire de cette rue (ce qui n’est pas forcément acquis). Et il ne fait aucun doute qu’un possesseur aussi excentrique ne tirerait pas énormément de revenus de ses résidences…

Mais revenons-en à la gauche. Quand elle prétend défendre les minorités, non seulement elle les instrumentalise à des buts purement électoralistes, mais elle le fait de surcroît en écrasant la plus minoritaire des minorités : l’individu, c’est-à-dire vous, moi, chaque corps qui compose notre société. Car chaque décret anti-discrimination, chaque loi « paritaire » que les socialistes votent à l’ombre des assemblées, violent nos droits. Puisque le Droit, qui institue notre liberté pour nous protéger de l’arbitraire étatique, repose tout entier sur le principe de la Propriété. On est d’abord propriétaire de soi (notre volonté est inaliénable), puis de ce qu’on a acquis par la création, l’échange ou le don. Et la propriété, au sens où l’entendent les libertariens, est privée, c’est-à-dire exclusive. Donc absolument discriminatoire. Il s’ensuit que si le Droit et la Propriété ne font qu’un, toute loi anti-discrimination est une atteinte directe aux libertés fondamentales et aux droits de l’Homme !

C’est là qu’on touche à ce qui oppose irrémédiablement le socialisme et le libertarianisme. D’un côté, on a les avocats de ce que Hans Herman Hoppe appelle fort justement l’intégration forcée. Ce sont les socio-démocrates qui travaillent durablement à l’érosion de la propriété privée. À l’exact opposé, il y a les libertariens, qui défendent le droit de discriminer, autrement dit la propriété. C’est en analysant les politiques socialiste et libertarienne à l’aune de ces notions contradictoires – intégration forcée contre discrimination volontaire – que l’on comprend exactement en quoi elles diffèrent radicalement. Tant au niveau de leur fondement éthique qu’à celui des résultats pratiques.

Prenons la question de l’immigration, par exemple. L’immigration libre et responsable que prônent les libertariens ne correspond en rien à l’invasion subventionnée et parasitaire dont souffrent les social-démocraties actuelles. En l’absence d’assistanat, d’allocations sociales en tout genre et de regroupement familial, il y aurait déjà moins d’incitations à immigrer. De plus, l’abolition du salaire minimum (que préconisent les libertariens) permettrait aux immigrés de faire valoir leurs compétences – même si et quand elles sont réduites – sur le marché du travail, à l’inverse de la situation actuelle qui les contraint pour la plupart au chômage (ce qui permet de grossir l’électorat socialiste) ou à aller suivre une formation professionnelle aux frais du contribuable. Le fait que l’étranger coûte aux autochtones n’aide évidemment pas son insertion sociale, déjà difficile à la base pour des raisons culturelles ou ethniques. C’est dans ce contexte tendu que certains immigrés et leurs descendants se constituent alors en « minorité » et que les socialistes peuvent mettre leurs plans d’intégration forcée à exécution.

Sur la question de l’homosexualité, les libertariens sont également attendus au tournant. En permettant le mariage gay et l’adoption homoparentale, ils affaibliraient deux institutions naturelles – le mariage et la famille – qui seraient pourtant des remparts contre le pouvoir de l’État. Par conséquent, ils encourageraient involontairement le socialisme. Il est vrai que le mariage et le foyer familial sont des lieux naturels d’entraide et d’autorité, et que l’État a donc tout intérêt à les casser s’il veut imposer sa conception de la solidarité et son autorité. Mais un moyen encore plus efficace d’y arriver serait justement de rendre l’État garant de ces institutions par la législation et la coercition. La solution libérale la plus cohérente est donc celle des libertariens : rendre le mariage et la famille au privé. Même si ça a pour corollaire qu’on doit tolérer (sans forcément approuver) que certains leur donnent un sens tout différent du nôtre. La liberté est à ce prix.

Le « mariage pour tous » des socialistes, bien qu’également ouvert aux homosexuels, diffère donc radicalement du mariage contractuel et privé des libertariens. Dans la social-démocratie, tel type de mariage est officiellement reconnu par l’État à l’exclusion de plusieurs autres, et au nom du « peuple ». Pour faire simple, une poignée d’hommes s’arroge le droit de dire à votre place ce qui vous sied ou pas et si vous approuvez ou pas. Dans la société libertarienne, chacun opte librement pour le modèle qui lui convient, sans être forcé d’applaudir aux choix des autres. Par exemple, le patron d’un restaurant qui déciderait de discriminer les couples d’hommes mariés serait parfaitement dans son Droit. Dans la social-démocratie actuelle, le même homme pourrait se faire traîner en justice par un réseau LGTB subventionné (et donc qu’il paierait déjà indirectement). Il est véritablement là le problème, et pas ailleurs. Comme quand l’État impose sa théorie des genres dans les écoles, ou qu’il oblige le conseil d’administration d’une entreprise à compter telle proportion de femmes dans ses rangs. À chaque fois, ce sont les droits de propriété qui sont un peu plus réduits. En ce sens, le « mariage pour tous » ne libère personne, mais s’inscrit juste dans la droite lignée du « toit pour tous », « l’accès à l’eau potable pour tous », « l’école pour tous » etc. Jusqu’au jour où le processus d’intégration forcée touchera à sa fin : alors tout appartiendra à tout le monde (c’est-à-dire à l’État) et à personne (en vérité).

Les libertariens ne redoutent rien de plus que le socialisme, même dans ses variantes « tolérantes », « multiculturalistes », et « open-minded ». Et nous ne nous inquiétons pas moins que les autres quand les gauchistes parlent de dépénaliser le cannabis en (re)faisant des œillades appuyées au monde étudiant. De même que nous ne sautons pas de joie au plafond en voyant les femmes et les homosexuels d’Europe servir de prétexte à des fonctionnaires pour nous infliger leur planning familial. Mais nous savons que les réponses conservatrices, dès lors qu’elles nécessitent l’intervention de l’État, ne sont pas appropriées, du fait même qu’elles vont dans le sens de l’État (prohibitions, interdictions, coercition). On guérit peut-être « le mal par le mal », mais on ne guérit certainement pas de l’État par l’État. Répondre à l’intégration forcée par l’exclusion forcée (de certaines minorités, de certains modes de vie ou de consommation) ne protégerait en rien la propriété privée des citoyens, du fait même qu’on les dépossèderait à nouveau de leurs droits naturels, et là, toute ressemblance avec le socialisme n’est plus fortuite… La seule issue possible à la plaie socialiste est donc un libéralisme sans compromis, qui restreint toujours plus le champ d’action de l’État, sans se soucier de savoir si ses mesures sont trop « de gauche » ou pas assez « droitières ». La liberté coûte cher, mais le Parti Libertarien sera là pour rappeler qu’elle en vaut la peine !

Si cet article vous a interpellé, je vous invite à jeter un petit coup d’œil sur notre site : www.parti-libertarien.be

Pour continuer la réflexion d’Hans Herman Hope sur le libertarianisme, son opposition irréductible au multiculturalisme et à « l’intégration forcée » : Hans Hermman Hoppe, Vertu de la discrimination

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Note :

  1. Larousse 2011.

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