Pour contrer "le plan Varin" et ses 8.000 suppressions de postes, la CGT du groupe PSA veut imposer aux actionnaires leur politique et réclame un apport de capital de 1,5 milliard d'euros de la famille Peugeot.
Par Baptiste Créteur.
Après les menaces de nationalisation émises par le gouvernement pour influencer le groupe ArcelorMittal, ce sont les syndicats de PSA qui veulent imposer aux actionnaires leur politique et réclament – excusez du peu – que la famille Peugeot investisse 1,5 milliards d'euros pour maintenir en activité un site destiné à fermer.
Les syndicalistes se félicitent de ne pas recourir à la menace de la nationalisation :
«Nous, on ne demandera pas de nationalisation», sourit un responsable de la CGT, alors que le syndicat majoritaire du groupe automobile présentait, ce lundi, son «plan B» pour redresser le groupe. Objectif : maintenir l’activité à Aulnay, et obtenir que la famille Peugeot, actionnaire principal, remette 1,5 milliard au pot.
Les syndicats se fondent sur leur excellente connaissance du marché de l'automobile – leur connaissance du marché de l'acier leur permettant d'affirmer que les hauts fourneaux ont une place en France et qu'il faut embaucher tout ce que la France compte d'improductifs pour la rendre compétitive – et leur capacité à prévoir ses évolutions pour demander un tel investissement :
«Ce plan social est un plan financier, pas un plan industriel, estime Bruno Lemerle, délégué CGT sur le site de Sochaux. Il est dangereux, car il obère la capacité du groupe à réagir au retour de l’activité attendu pour 2016 ou peu après».
On note toutefois la partialité revendiquée des ennemis du plein emploi :
Le syndicat a donc présenté un scénario alternatif, sur la base des recommandations du cabinet Secafi, réputé proche de la centrale de Montreuil. «Ce plan coûte moins cher que le plan Varin, déclare Bruno Lemerle. Et même s’il coûtait plus cher, on le soutiendrait, parce qu’il est plus favorable pour les salariés.»
Une nouvelle fois, le gouvernement s'implique en imposant des négociations, qui permettent de gagner du temps, d'accroître l'intérêt des médias pour l'affaire et, in fine, lorsque les actionnaires auront refusé, de mettre en avant leur mauvaise foi qui s'illustre par leur inflexibilité lors des négociations.
Le «plan Varin», du nom du président du directoire du groupe, prévoit la fermeture d’Aulnay, où travaillent 3 000 salariés en CDI. Mais aussi 1 400 suppressions d’emplois à Rennes et 3600 sur d’autres sites. Sous la pression du gouvernement et de ses salariés, le groupe a accepté, fin octobre, l’ouverture de négociations. «Aujourd’hui, il est clair que PSA veut licencier au plus bas coût possible, estime Philippe Mercier. Or, le gouvernement s’est mis en retrait des négociations, laissant face à face le groupe et les syndicats. Il est scandaleux qu’un gouvernement qui prétend être de gauche et faire de l’emploi sa priorité ne rentre pas dans la discussion. En procédant ainsi, il se rend complice de PSA».
Le gouvernement se rend complice de PSA, tout simplement parce qu'il ne s'est pas encore impliqué – sauf bien sûr en imposant des négociations, mais ce n'est pas suffisant. Si un gouvernement fait de l'emploi sa priorité, il se doit évidemment de le maintenir coûte que coûte, au mépris de la propriété privée et de la liberté d'en jouir librement – si tant est qu'on puisse considérer que la France est un pays où on jouit librement de sa propriété.
Ce que demandent, exigent, revendiquent les syndicats, c'est que les actionnaires de PSA, ainsi que les sociétés ayant avec elle des actionnaires en commun, c'est qu'ils posent sur la table 1,5 milliards d'euros, soit à peu près ce que les syndicats extorquent chaque année au contribuable :
Première préconisation : un apport en capital de 1,5 milliard d’euros par la famille Peugeot et de ses sociétés financières, FFP et Peugeot Frères. [...] Aux Peugeot de voir s’ils veulent maintenir leur business ou pas. S’ils refusent, nous considérerions que la question du changement d’actionnaire principal est posée.»
S'ils refusent, le syndicat considérerait que l'actionnaire principal pourrait changer, d'un coup de baguette magique syndicale. Parce que la réduction des coûts, qui permettrait au constructeur d'améliorer sa rentabilité, n'est pas acceptable : seul compte le maintien sous perfusion de l'emploi, jusqu'à ce que PSA ferme boutiques et usines.
Le volet industriel de ce plan alternatif prévoit, lui, de maintenir l’activité à Aulnay par une répartition plus équilibrée de la production sur les principaux sites PSA d’Europe de l’Ouest. «Le plan Varin prévoit que l’usine slovaque de Trnava fonctionne à 154% de ses capacités, c’est-à-dire en produisant jour et nuit. Ce sont des rythmes intenables. PSA fait le choix de surutiliser ses capacités de production pour augmenter sa rentabilité.»
Il serait inacceptable que des Slovaques travaillent jour et nuit pour moins cher que des Français – ce sont d'ailleurs des rythmes intenables pour un syndicaliste, qui n'aurait alors plus la possibilité de taper le carton à la sortie d'usine ou de lire tranquillement son journal subventionné.
Et si PSA refuse d'offrir une retraite paisible à partir de 55 ans à ses salariés qui le souhaiteraient, le syndicat menace – une habitude – de saisir une justice dont on sait qu'elle est toujours impartiale :
Sur le plan social, enfin, la CGT dénonce le «manque de rigueur» du plan Varin, qui ne prendrait pas en compte les effets d’un plan de départs volontaires en vigueur jusqu'à juillet. Le syndicat estime donc que le nombre de suppressions d’emplois doit être diminué de «plusieurs centaines», voire «plusieurs milliers». Faute de quoi, il menace de contester le plan social en justice. «Cela fait partie des hypothèses, même si c’est d’abord une arme dans la négociation», précise Bruno Lemerle. Les départs en pré-retraite font partie des sujets les plus discutés, les syndicats réclament leur ouverture des 55 ans, la direction proposant un congé pour les salariés à trente mois de la retraite à taux plein.
Une nouvelle fois, les syndicats français, tout déconnectés qu'ils sont de la réalité par des années de financement par l’État plutôt que par les cotisations de leurs quelques adhérents mettent en péril la viabilité d'une entreprise pour sauver quelques emplois. Leur croisade contre la rentabilité du grand capital apatride est une croisade contre l'investissement et l'attractivité du pays, mais cela a moins d'importance qu'une image de défenseur des emplois dont à peu près tout le monde sait qu'ils ne peuvent être sauvés.
La rentabilité des entreprises développe pourtant l'investissement, l'innovation, la création, et fait les emplois de demain. Mais comprendre cela, ça suppose de pouvoir réfléchir quelques minutes, ce qui est impossible lorsque l'air est rempli d'une fumée noire de pneus brulés et des hurlements des mégaphones.
Qu'il s'agisse d'individus ou d'entreprises, l’État et les syndicats s'opposent donc envers et contre tout à laisser partir ceux qui n'ont plus aucune chance de vivre des jours heureux, même lorsque les seuls personnes légitimes pour en décider le souhaitent. Collectivistes et étatistes de tous pays, laissez-nous partir en paix.