« Contrairement à l’idée répandue, les cons ne sont pas réformables. Une seule chose peut les amener non pas à changer, mais du moins à se tenir tranquilles : la peur. Je veux qu’ils sachent que le temps de l’impunité est révolu.
Je compte à mon actif cent quarante meurtres de cons. Afin qu’ils ne soient pas morts pour rien, je vous enjoins de lire ce manifeste. Il explique le sens véritable de mon combat. »
Bien sûr, cela nous est arrivé à tous. Se retrouver face à un con, un type (ou une femme, la connerie n’ayant pas de sexe) obtus et stupide et avoir envie de n’en faire qu’une bouchée, de lui rabattre son caquet, et même, parfois, quand la connerie est trop manifeste, de le zigouiller une bonne fois pour toutes.
Sauf que nos barrières morales nous en empêchent et que de toute façon, la tâche de supprimer tous les cons s’avèrerait immense, interminable, puisqu’il y en a tant… Et d’ailleurs, comment les classer ? Il y a le petit con, le gros con, le sale con… et des milliers d’autres…
Pourtant, le héros de cette histoire abracadabrante mais hilarante passe à l’action. Il commence par un geste nerveux, un soir où le chat de la voisine l’énerve alors qu’il regarde tranquillement la télévision. Et il se rend compte avec étonnement que la disparition de l’animal rapproche les habitants de l’immeuble qui n’avaient fait jusqu’à présent que se côtoyer. Il étend donc sa chasse aux animaux de compagnie du quartier, avant de réaliser qu’il devrait peut-être s’occuper des maîtres plutôt que des animaux. Il cherche alors à dresser une typologie des cons.
« Très vite cependant, il me fallut déchanter. Plus j’y réfléchissais, plus je me rendais compte qu’il m’était impossible de circonscrire ce qu’était au juste un con. Comme tout le monde, j’avais une vague idée, ou plutôt j’étais capable, dans certaines circonstances, d’appliquer ce qualificatif à tel ou tel individu. Mais cela se révélait, à la réflexion, par trop aléatoire, car dépendant très largement de mon degré de patience, susceptible de varier d’un jour à l’autre, voire d’une heure à l’autre. Ainsi, une personne qui, dans un moment de bonne humeur, m’apparaissait simplement stupide, voir amusante, et même dans un très bon jour, excusable, pouvait, si soudains je m’énervais ou m’impatientais, entrer dans cette catégorie. Une telle approche du problème s’avérait beaucoup trop subjective. Tel con à mes yeux ne le serait sans doute pas pour un autre et inversement.
Il me fallait donc absolument parvenir à élaborer une définition qui soit à la fois générale et précise afin que :
1/ je puisse l’appliquer sans avoir à me poser à chaque fois trop de questions ou de cas de conscience ;
2/ aucun con ne passe à travers les mailles de mon filet. »
Notre chevalier anti-connerie part donc en croisade contre les cons : sa femme, la concierge, un voisin bruyant, le chef du service, le type des impôts, un chauffard ou un beauf, des chasseurs… bref, la liste est infinie. A l’aide du psy à qui il se confie (mais qui ne croit pas une seconde à son histoire), il établit une hiérarchie des cons. Il sympathise également avec un commissaire de police qui l’aide dans sa tâche (sauf que pour le commissaire, cette recherche des cons reste abstraite alors que notre homme continue à passer à l’action sans relâche et tue à tour de bras ; il devient en quelques mois le plus grand tueur en série jamais rencontré !).
J’ai adoré ce roman et l’idée de base et je me suis régalée à sa lecture, même si on éprouve malgré tout une certaine lassitude au milieu du roman. Car enfin, des cons il y en aura toujours et il semble que cette chasse ne finira jamais, elle est donc un peu répétitive, même si les cons changent de registre. Au final, notre homme cumule à 140 cons éliminés, un beau score, mais une goutte d’eau par rapport à tous ceux qui sévissent encore… jusqu’à ce qu’il se rendre compte que sa démarche est peut-être… un peu con et qu’il est devenu tout à fait comme ceux qu’il veut éliminer ! Bref, vous l’aurez compris, impossible d’aborder cette lecture sans une bonne dose d’humour.
« Nous commençâmes par ceux qui nous paraissaient évident, enfin sur lesquels il n’y avait pas de débat entre nous : le con joint, qui partage la vie de l’autre et finit par la lui pourrir (en moi-même, je pensai à Christine) ; le con sanguin, qui s’énerve pour un oui ou pour un non, surtout quand son interlocuteur est une femme ou fait trois têtes de moins que lui, car le con sanguin est rarement un con fort (là, je plaçai le beauf de la tour) ; le con fraternel, celui qui vous prend en affection et ne vous lâche plus, gentil mais très vite pesant, toujours prêt à se mettre à pleurer et à vous reprocher votre dureté ; le con disciple, celui qui a trouvé un maître, ne jure que par lui, et n’a de cesse de vous convertir à sa vision (« Fabienne », me dis-je) ; assez proche de ce dernier, le con vecteur, qui propage la rumeur et les on-dit (entraient dans cette catégorie Suzanne et les concierges, mais aussi les cafetiers et parfois les journalistes) ; le con citoyen, qui trie ses ordures avec méticulosité, allant jusqu’à laver ses pots de yaourt avant de les jeter ; le con tracté, très répandu celui-là, qui s’énerve au volant (mon chauffard sur l’autoroute en était l’archétype) ; le con casseur, qui sévit surtout dans les banlieues (le fils du beauf au chien et sa bande)… Nous décidâmes aussi, pour plus de justesse et par souci de précision, d’instaurer des degrés dans leur niveau de connerie, entre celui dont c’est héréditaire (le con génital), celui qui reste égal à lui-même quelle que soit la situation (le con stable), celui qui bat tous les records (le con sidérant ou le con primé), et enfin celui qui est guéri (le con vaincu), ce dont moi-même je doutais fortement, pensant qu’il s’agissait d’un trait de caractère tandis que Marie, lui, penchait pour un était pouvant se révéler passager. »
Très nombreux lecteurs chez Babelio. Lu également par Leiloona, Dasola, Géraldine, Marie, L’Ivresque, A girl from earth...