La ’signature’, disait Giorgio Agamben samedi dernier, est un marqueur, qui ne dit rien sur l’objet lui-même, mais pointe vers autre chose, personne ou fonction, et déplace l’objet dans un autre univers. Quelques heures plus tard, l’exposition de Maïder Fortuné chez Martine Aboucaya en était une belle illustration.
Cet ensemble de points lumineux, dont parfois l’un ou l’autre bouge ou clignote, n’évoque un visage que très vaguement.
Ce formatage, ce répertoriage est aussi exploré dans la pièce musicale “Death scene”: les pianistes accompagnant un film muet pouvaient, au lieu de se laisser guider par leur inspiration (ce qui aurait exigé qu’ils suivent attentivement les péripéties du film), se servir d’un répertoire tout préparé, avec des morceaux pour chaque type de scène, amour, guerre, séduction, ou, ici, mort, et ne prêter ainsi qu’une attention distraite à l’écran. Si cette musique, en soi, n’a guère d’intérêt, son rôle, son indexation lui donnent tout son sens.
Je ne connaissais pas jusqu’ici le travail de Maïder Fortuné, mais j’y trouve, au prix d’un peu de concentration, une grande rigueur, une pureté philosophique un peu éthérée, une atmosphère raréfiée et stimulante. Ce que je glane ici et là de son travail précédent me paraît plus théâtral, plus corporel, et j’aime bien son évolution, je crois. Philippe Dagen disait d’elle dans le Monde en 2003 : “En faisant (de la vidéo) l’instrument d’une réflexion sur l’identité et la fiction, en inventant des situations imaginaires et allégoriques, en s’en tenant au strict nécessaire de l’image du sens, en la liant à la performance corporelle, Maïder Fortuné évite autant l’artifice que l’exhibitionnisme. Pour une première exposition personnelle hors galeries, celle-ci est absolument convaincante. Le cas est vraiment rare.” Sur un mode différent, c’est toujours vrai, me semble-t-il.