L'histoire
Félicité est une femme qui consacre sa vie aux autres. Sans abnégation mais avec l'amour immense dont elle est dotée et qu'elle offre à ceux qui ont la chance de la croiser et de la comprendre. Elle aimera successivement et avec une même intensité Théodore qui la trahira, Clémence dont l'affection lui est interdite, Victor qui va disparaître, Dieu qu'elle découvre tardivement et pour finir Loulou, un perroquet. Au centre de cet univers se tient Mathilde, sa maîtresse, la clé de voûte d'une vie qu'elle se construit avec détermination.
Mon avis
Dans la production française actuelle Un coeur simple fait un peu figure, à mon goût, de bouffée d'oxygène ou même d'ovni. Entre les blockbusters qui cartonnent de Astérix aux Ch'tis en passant certainement par Disco, et les comédies romantiques bas de gamme qui sortent régulièrement, ce film se détache nettement du lot. Voilà une jeune réalisatrice qui adapte un conte d'un auteur classique du XIXè, dans un style très personnel, en total contre-courant et qui prend donc énormément de risques. Il y a fort à parier que les entrées n'atteindront jamais le niveau des films cités plus haut, mais que ce film là puisse encore se faire et sorte sur les écrans est un signe que tout n'est peut être pas encore définitivement perdu. Il sera donc certainement peu vu et c'est dommage car c'est une très belle réussite.
Le scénario est simple et bien écrit. On suit le long et dur parcours de Félicité sur plusieurs années, où vraiment rien ne lui est épargné, au sein de cette famille de riches auquel sa vie sera définitivement liée pour le meilleur mais surtout pour le pire. Les personnages sont magnifiquement décrits avec leurs zones d'ombre, leurs (peu de) joies, leurs regrets et leurs espoirs. Le long cheminement qui rapprochent les deux femmes, la bonne et la maîtresse, et qui précipitera la servante vers les abîmes, est décrit de manière simple, avec des dialogues discrets mais ô combien bien placés. La mise en scène est bien sur en total adéquation avec le propos. Elle est soignée, discrète, et contrairement à ce que l'on pourrait croire pas du tout académique ni classique. Elle est au contraire moderne, fluide, ne privilégiant ni la la forme ni le fond mais alliant le tout avec une grâce et une facilité déconcertante rarement vues. Techniquement tout est parfait. La photo est magnifique, on se croirait souvent dans un tableau. Le son, les décors, costumes...sont tous faits avec une grande minutie et un grand souci du détail. Du très beau travail.
La cerise sur le gâteau est sans conteste l'interprétation. Les deux actrices sont tout bonnement formidables. Après le très médiocre Je crois que je l'aime et le nanard Demandez la permission aux enfants, Sandrine Bonnaire revient avec une très belle performance, dont elle nous avait un peu privé ces dernières années. La force et la conviction de son travail ici fait plaisir à voir et confirme, s'il en est encore besoin, qu'elle est vraiment une des meilleures actrices françaises. Un statut que commence à rejoindre sa partenaire Marina Foïs. S'éloignant de plus en plus Des robins des bois, après Darling elle prouve encore plus cette fois que son côté "drame" est tout aussi puissant et autrement intéressant que son pouvoir comique. Un rôle tout en retenue et en rage contenue, une femme coincée dans le carcan de son statut social, qui jamais ne se laissera vraiment allé. Le duo formé par les deux actrices est d'une force incroyable, grandiose, touchant, émouvant. De magnifiques scènes surtout dans la deuxième moitié et à la fin du film.
Pour son premier long métrage Marion Laine réussit un très beau film. Simple, touchant, dur, exacerbé. Mise en scène, scénario, technique et direction d'acteurs se mélangent harmonieusement pour former l'un des plus beau film français de cette année. A voir sans modération.