Ce que je déteste par dessus tout c’est de me réveiller tard le matin, allumer mon ordinateur, taper ces trois lettres fatidiques censées me rapprocher de mes amis numériques dans ma barre de recherche, pour finalement tomber sur des messages postés en pleine nuit m’informant sur cette maladie virale dont semble être atteinte la majeure partie de mes contacts, L’INSOMNIE.
Rien de pire en effet un lundi matin que de se rendre compte que pendant que toi tu dormais, harassé par un week end éreintant, d’autres gâchaient ces précieuses heures d’éveil en rab en se lamentant, dans le seul espoir d’attirer les regards compatissant de leurs collègues, où pire encore, de s’affubler du statut « d’artiste tourmenté » en permanente introspection.
Pourtant c’est bel et bien ce qu’il m’arrive ce soir. Impossible de trouver le sommeil. A la manière d’un détenu dans le couloir de la mort profitant de ses dernières heures d’oxygène , il fallait que je me lève. Dans ma tête ? Les souvenirs d’un week end loin de Paris… Enfin loin, disons que pour reprendre les mots d’un certain Julien dans un reportage qui fusait sur les ondes il y a à peine 1 semaine, loin de ce que « le parisien lambda » considère être Paris.
Deux heures du matin vendredi soir, après un périple intra-muros arrosé du côté du onzième arrondissement nous prenons la ligne 3, direction Gallieni. Une destination qui aurait pu me sembler plus exotique si seulement mon accolyte n’habitait pas au 14 ème étage des tours qui se profilent devant nous lorsque nous franchissons la grille de metro. Gallieni c’est aussi la destination rêvée de la petite étudiante qui veut se ravitailler en herbe le dimanche soir et qui préfère les ambiances Hypermarché à celles des épiceries locales. Service rapide, équipe réactive, plein air et parfois même feu de bois… ahhh la banlieue et ses plaisirs !
Une petite marche pour reprendre des forces direction la Clinique des Arts, un camp retranché à deux pas du périf et des Mercuriales, qui accueille ce soir l’équipe du 12Club. Un nom évocateur pour un concept simple et efficace, Minuit -Midi, un créneau horaire qui relevait encore du fantasme il y a peu ! Anciennement domicilié à deux pas du Wanderlust du côté de BNF dans un repaire de pirates tenu par une équipe de gros bras ambiance mafia arménienne, on espère que ce soir un moustachu tout droit sorti d’un épisode de Magnum ne viendra pas couper Laetitia ou Losoul en plein set. Deux fâcheux événements qui nous avaient littéralement coupé l’herbe sous les pieds lors de nos derniers passages, et qui auront très certainement motivé ce changement de spot.
C’est donc plein d’espoir et confortés par les photos postées quelques heures auparavant sur Facebook que nous arrivons devant un joyeux bordel « Made in 93″. Ca se bouscule à l’entrée. Des équipes sont de sorties et tentent de forcer la barricade formée à l’entrée par une équipe de vigiles courageux qui tentent de tenir le siège. A ce qu’il parait la semaine dernière il y a eu du grabuge ici, et franchement ça sent le roussi. Période de flottement, quelques groupes quittent la queue et lâchent l’affaire pour reprendre la direction du centre, au calme… Il faut dire que ce soir les prog’ Parisiennes sont aussi sacrement alléchantes, mais on est pas venu là pour abandonner si proche du but, au pire on rentrera avec un coquard à la maison.
Miracle, une demi heure plus tard on se faufile enfin, dans ma ligne de mire plusieurs paliers de guerrioros à passer avant d’arriver à la porte tenue par Mr Katapult. « Ca va tenir à l’entrée ? » « faudra bien… ». On prend nos précieux sésames et franchissons le rideau et là… BAM ! Devant nous un espace qui doit bien faire 300 m2 au bas mot, blindé. Sur ma droite des coins chill avec canap’ parsemés de clubbeurs / roots / et autres lascars, sur ma gauche un mur peint par Kanos, et en face un système son aux petits oignons. On a pas lésiné sur le système… « Big balls dady » ! Aux manettes Brenn & César sont déjà bien lancés, je croise Blaise dans la foule un verre à la main avec un smile qui en dit long. L’effet euphorisant du cocktail improbable qui s’offre à nous ne laisse personne insensible. Comme dirait l’autre, « old school, new school là n’est pas la question ».
On se ravitaille au bar – classe un terminal CB – puis passons dans une autre pièce en plein air, totalement défoncée, et au charme qui n’est pas sans me rappeler les vieux entrepôts abandonnés du côté de « Poble Nou » à Barcelone, aujourd’hui réinvesti par les même bobos qui s’y réfugiaient en after il y a cinq ans de ça. Au fond, la seconde salle est déjà totalement blindée. Aux manettes Yakine, sans barrières, face à une foule compacte balance un petit Gemini des familles. On se fraye un chemin sur la droite et installons notre campement. La dispo de cette salle est parfaite, deck pas collé au mur, du monde de tous les côtés, on ressent bien l’expérience, et l’importance de l’agencement scénique.
4h du mat, Yakine laisse Grego G sur une note subtile. Des groupes encapuchonnés investissent sporadiquement le dancefloor, mais aucun débordement si ce n’est ma voisine de droite venue en béquille qui tente tant bien que mal de tenir debout. « Allez tiens prend une gorgée, ça ira mieux » ! Le tempo augmente et nous avons droit à une belle démonstration du talent du résident des Concretes, entre Tech House énervée à la Julien Chaptal, House à l’ancienne, et quelques incartades du côté de Détroit avec notamment un petit Dopplereffekt sur les coups de 7 h du mat. Seuls bémols, trois coupures de son qui viendront entacher son set… Petit flottement dans le public. Serait-ce les flics ? Un groupe électrogène ? Non apparemment un mec relou qui n’a rien trouvé de mieux à faire ! Qu’à cela ne tienne, on reste sur place d’autant plus que le soleil commence à faire son apparition, que le dancefloor s’est un poil dégagé, de même que la moyenne d’âge qui n’augure que du bon. Des créatures de la nuits montent sur les racks et une touche minimale s’instaure insidieusement… Y’a plus qu’à finir tout ça en beauté Mr Lutz.
Avec son style tout droit sorti d’un film de mafia russe c’est sous les regards du patron du Lab et organisateur des Mute, que le résident du CDV envoie un set de haute volée, vinyl only. Mental à souhait il jongle à merveille entre une techno lente et deep parsemée de notes d’acide et d’une minimale tribal, le tout assorti autres morceaux sortis tout droit du disquaire de l’enfer – moites et dirt. Il n’en fallait pas moins pour finir de faire vriller cette démonstration de l’équipe du Douze – car oui il faut appeler un chat un chat… Une enceinte lâche à droite – deux gestes en direction du deck – et l’inconditionnel Saphyr vient replugger tout ça. Du service 3 étoiles on vous dit !
Il est 10h, l’appel de l’extérieur se fait sentir et c’est un petit pincement au coeur que l’on prend le chemin de la sortie. On repasse par la salle centrale où Vincent Vidal a pris le relais de Blaise et Zadig dont nous n’aurons entendu que des bribes de set lors de nos passages au bar. Petit point important qu’il fallait souligner, mais le volume sonore n’a pas baissé d’un poil, irréel à cette heure-ci et dans ces conditions.
On prend une petite pause histoire d’apprécier, grâce à la lumière blanche qui fuse au travers la verrière du plafond, l’ampleur du bordel. Des souvenirs nous traversent la tête; une baston à l’entrée maîtrisée en douceur par une sécu qui sait tempérer la situation. Un Dj Sneak passé par Grego G qui nous aura rappelé de bons moments à un certains after en juillet dernier. Un paquet de clope vide dans ma poche, traces d’un confort jadis possible et aujourd’hui quasi irréel. Des sourires, un public mixte, une teuf sans accrocs à deux pas des blocs… Bref un pari réussi. Certes ce n’était pas la première teuf en dehors de Paris, certes ce n’est pas non plus la première fois qu’un entrepôt se faisait réquisitionner par un crew (on pense à la dernière Lost & Found, ou encore aux initiatives de Cracki, ou plus vieux encore au labo Suzy de Montreuil). Mais ce soir il s’est passé quelque chose, quelque chose qui m’aura donné ce lundi matin l’envie d’allumer mon ordi au risque de subir un réveil qui pique après un week end fini en beauté du côté de la Java et d’un certain Mike Huckaby. Voilà un bout de temps que nous n’avions pas publié de report sur Jekyll et Hyde. Non pas qu’il n’y ai pas de soirées qui vaillent le coup d’être chroniquées, au contraire, tout le monde est d’accord pour dire que Paris is burning ! Des bonnes soirées on en vit tout les week end… Mais pour faire tenir celle là jusqu’à midi, il fallait de sacrés BALLS, voilà ce qui aura su distinguer ce vendredi 7 décembre 2012. La « Real Seine » est en place, alors sachons en profiter et valoriser nos produits locaux.
On sort pile au bon moment pour esquisser un petit clin d’oeil à l’escadron de keufs qui rentrent les yeux écarquillés, semblant découvrir le pot aux roses… Une pensée pour ceux qui vont devoir les accueillir et leur expliquer que ce qui c’est passé ici, cette nuit, n’était qu’une réunion associative… On adhère où d’ailleurs ?
Texte par 2Sheep4Coke