Alan Parker n’en est plus à un succès près, lorsque sort, en 1987, « Angel heart ». Le réalisateur de « Fame », « Midnight express » ou « Birdy » peut se permettre de recruter deux pointures au casting : Mickey Rourke, starisé l’année précédente par « 9 semaines et demi », et Robert de Niro, qui se paie le luxe d’être à l’affiche du dernier Brian de Palma, cette même année. Parler de ce film, que je n’ai pas vu, ne nous intéresse aujourd’hui que parce qu’il est une adaptation très proche du roman de William Hjortsberg. Je découvre d’ailleurs cette filiation cachée, à l’écriture de cette critique. Je me suis, en effet, laissé tenter par « Le sabbat dans Central Park » sur la simple promesse d’un libraire. « Un classique, à mettre entre toutes les mains, surtout si vous aimez le roman noir ». Bon, je n’aime pas franchement le roman noir. Mais sur la base de cet avis enjoué, j’ai décidé de franchir le pas. La dernière fois que nous discutions sabbat, vous et moi, c’était sans doute à la publication de ma critique de "La Nuit de Walpurgis" de Gustav Meyrink. Et disons le franchement, malgré toute mon impartialité quant aux romans teintés d’ésotérique, la qualité du style et de l’écriture avaient vite fait de plomber mon intérêt pour l’ouvrage. Heureusement, « Le sabbat dans Central Park » se drape de tous ses plus beaux atours pour nous proposer une expérience littéraire intéressante. A vos balais….
L’avis de JB :
La face cachée de la lune
J’aime, en général, passer un temps trop conséquent sur la biographie de l’auteur dont je critique l’ouvrage. Cela me permet de replacer plus facilement un roman dans une œuvre, et me donne des cartes supplémentaires pour mieux appréhender ce que je viens de lire. Manque de chance, les infos ne fourmillent pas sur la vie et les productions de l’auteur New-Yorkais. Assez cependant pour apprendre qu’il a signé le scenario du classique « Legend , et un second ouvrage intitulé « Nevermore ». Pour ceux qui, comme moi, portent Verlaine dans leur cœur, et chérissent « Poèmes saturniens » comme leur dernier pouce, le choc sera brutal :
« Dans le New York des années 20, Nevermore commence avec la découverte macabre d'un double meurtre particulièrement horrible dans le quartier de Hell's Kitchen. La police patauge jusqu'à ce que, de crime en crime, une évidence s'impose : le meurtrier met chaque fois en scène une nouvelle d'Edgar Poe. Il ne faudra rien de moins que les efforts conjugués de Houdini et de Sir Arthur Conan Doyle pour venir à bout du mystère. »
Bon Verlaine + Houdini + Conan Doyle + ¨Poe, on frôle déjà la douteuse superposition. Disons que c’est juste un avertissement et revenons à notre « Sabbat dans Central Park ».
Nous sommes à New-York au milieu des années 50. Angel heart est un détective privé à la petite semaine, comme il en existe des centaines en ville (peut être pas avec ce nom là, j’en conviens). Il est contacté, un jour, par un prestigieux cabinet d’avocat, qui lui propose, contre une solide rétribution, de mener l’enquête sur une ancienne gloire de la chanson des années 40, Johnny Favorite (cela ne s’invente pas, j’imagine). Tout le monde pense le chanteur décédé, à part sans doute le mystérieux client du cabinet, Luc Cyphre qui dit avoir une affaire financière en attente avec l’intéressé depuis des années. Commence alors une enquête qui va mener Angel au centre d’un puzzle où vaudou, satanisme et meurtres en série ne forment qu’un seul et même plan, dont il est la pièce principale…
New-York. .. Sa géométrie déroutante, ses gratte-ciels pharaoniques, ses rues qui vous happent dans la jungle de « Zoo York ». Cette ruche bouillonnante de vie qui vous toise à chaque carrefour alors que vous engloutissez votre hot-dog graisseux. Sa valse de fantassins jaunes, au service de la reine de la côte est, tous plus marqués les uns que les autres par les des années de bitume. Qui a eu la chance de visiter LA ville, n’en ressort pas indemne. Clairement, ne comptez pas sur « Le sabbat dans Central Park » pour vous faire la visite. Ni sur moi pour vous parlez de l’ambiance, qui pointe honteusement aux abonnés absents. Quelques clichés bien envoyés, deux ou trois lieux et on passe à autre chose. Soyons tolérants, pas besoin que l’auteur se pâme des pages durant pour nous faire comprendre le contexte. Quelques phrases bien écrites auraient sans doute suffit. Finalement on aurait aussi bien pu être à Chicago, Boston ou Austin, le lecteur ne s’en serait même pas rendu compte. Mais passons, l’ambiance, bien qu’extrêmement importante à la réussite d’un ouvrage, à mes yeux, est sans doute l’un des aspects les plus difficiles à maitriser pour un auteur. Intangible, elle est sujette aux goûts de chacun des lecteurs, et à leur sensibilité.
A ne pas mettre entre toutes les mains
Ce qui est bien avec « Le sabbat dans Central Park » c’est qu’il vous pousse dans vos moindres retranchements, et bouscule toutes vos certitudes littéraires. En plus d’une ambiance inexistante, il se permet le luxe de proposer un récit rocambolesque, répétitif et décousu. On ne croit pas dix lignes à l’intrigue, qui se perd dans des détails inutiles, tout en explosant sur une finale archi-attendue. La tension, le mystère, les sous-entendus, sont tous restés sagement dans l’encrier.
Evidemment, j’ai malheureusement envie de dire, l’écriture et le style semblent rester dans le ton, sans intérêt. Certes l’ouvrage est très accessible (manquerait plus que ça) mais on a l’impression de lire une mauvaise fiction qu’on aurait voulu déguiser en le bourrant de code grossier des roman policier. A ce stade, j’ai même plus envie de blâmer la traduction. Où est le roman noir que l’on m’a vendu ? A posteriori, je pense avoir la réponse. Dans un autre ouvrage…
Heureusement, un effort considérable a été fourni dans la construction des personnages. Comme tout bon privé vétéran de la guerre, c’est bien connu, Angel boit trop. Angel a des « contacts » qui lui rendent des services, et des multiples techniques pour forcer des serrures, ou se battre au corps à corps. La caricature du détective un peu alcoolique, un peu brisé et au cœur un peu tendre, en somme. Le profil parfait du personnage principal sans relief, à demi étouffé dans son stéréotype. Déception, il n’a pas de chien. Même la douzaine d’occurrences du mot « Leica », à la fin de l’ouvrage, n’ont pas réussi à me le rendre sympathique, ou tout du moins crédible. Passons à son amante d’un jour, une jeune fille de 17 ans qui pratique le vaudou et qui, lorsqu’il rentre d’une harassante journée de travail, lui prépare…une bouillabaisse. Rajoutons qu’elle anime, à ses heures perdues, des rites vaudou la nuit en plein milieu de Central Park et la crédibilité du couple déjà branlant prend un coup quasi-fatal. Bon, et ce mystérieux personnage, Luc Cyphre (rien à voir avec la contraction de « chiffre » et « cif »). Ce caméléon des nuits new-yorkaises, tantôt magicien, tantot prêtre satanique égorgeur de nouveau né (dans une station de métro abandonné, Central Park étant réservé au rite vaudou) est censé être LE méchant de l’ouvrage. Dirons-nous qu’il n’a même pas la demi-prestance d’un Boris Balkan (« La neuvième porte ») ? Un film lui aussi tiré d’un roman plutôt moyen (« Le clan Dumas » de Perez-reverte), qui présente d’ailleurs pas mal de similitude avec « Le sabbat dans Central Park ». Avons-nous déjà vu une représentation du diable aussi plate ?
Si je spoile, c’est simplement pour donner une raison supplémentaire aux aventuriers qui daigneraient encore lire ce livre de ne pas le faire.
A lire ou pas ?
A votre avis ? Puisque je me demande le mien, je vais simplement vous dire de ne pas vous approcher à moins de 10 mètres de cet ouvrage. Il n’a, de malfaisant, que sa qualité, et il a peut être déjà contaminé le rayonnage autour de lui. Tenez, je lui décerne, dès à présent, le titre du livre que j’ai le moins aimé ces 6 derniers mois. Il ne me reste plus qu’à voir « Angel heart » pour savoir si la patte d’Alan Parker a su gommé la médiocrité du support. Même pas sûr que Rourke, De Niro et Rampling, pourtant tous au casting, suffisent….
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