Dans les Landes, on arrange les mariages pour réunir les terrains et allier les familles. Thérèse Larroque devient Madame Desqueyroux; mais cette jeune femme aux idées avant‐gardistes ne respecte pas les conventions ancrées dans la région.
"Thérèse Desqueyroux" de Claude Miller
Avec : Audrey Tautou, Gilles Lellouche, Anaïs Demoustier Sortie Cinéma le 21/11/2012 Distribué par UGC Distribution Durée : 110 Minutes Genre : Drame Film classé : - Le film : |
Il faut aimer ces classiques : François Mauriac pour l’écriture et, Claude Miller qui bien avant de nous quitter faisait déjà partie de notre patrimoine cinématographique. Un savoir-faire aujourd’hui confirmé dans cette très belle adaptation, bien qu’académique, du roman éponyme de l’écrivain bordelais.
Ces origines terriennes ne sont pas étrangères au parfum délétère qui embaume les landes d’Argelouse, là où l’héroïne vit avec son mari, lui-même possesseur des terres voisines. Nous sommes au début du XX è siècle : la propriété passe avant l’amour, elle fait office de liaison conjugale.
Thérèse accepte le marché, malgré des convictions féminines fortement ancrées dans la liberté d’esprit et l’indépendance. Elle pense pouvoir y donner libre cours, la bague au doigt, mais très vite le régime autocrate de la belle famille, la rappelle à l’ordre. Thérèse va maintenant résister de l’intérieur.
C’est ce portrait aux nuances discrètes auquel s’attache Claude Miller qui sait donner à un regard, une démarche, un silence, tout le poids d’un caractère. Audrey Tautou qui démarre très fort dans la robe de l’héroïne tient quasiment tout le film sur ses frêles épaules, adoptant les murmures et les demi-mots, comme une seconde nature.
Elle a la résistance passive, et n’en fait qu’à sa tête.
Ce que la bonne société de l’époque, bordelaise de surcroît, lui fera payer très cher, plus cher que le crime pour lequel elle obtient un non-lieu . En suggérant à Catherine Arditi d’endosser la bienséance de ce milieu confiné dans ses préjugés , son pouvoir et sa richesse, Miller a sans doute vu juste. La comédienne sonne l’hallali au bon moment, relayée à bon escient par sa fille qui se vengera tranquillement de la trahison de celle qu’elle croyait être son amie pour toujours.
Anaïs Demoustier est elle aussi bien à sa place dans ce rôle de composition qui se décompose au fur et à mesure des événements : la transformation est à l’image de la mise en scène, pertinente, et d’une extrême vérité. Ce qui permet à un comédien comme Gilles Lellouche de venir jouer tranquillement les trouble-fêtes dans une filmographie habituellement programmée pour la comédie.
Le voici tout à fait crédible, en maître de maison, bourgeois confiné dans une stricte éducation, parfaitement malheureux. Là encore Miller perçoit bien le drame intérieur qui se joue chez cet homme, et nous en fait part avec une extrême rigueur.
Je n’ai pas souvenir de la première version de cette adaptation (Franju en 1962 avec s’il vous plait Noiret et Emmanuelle Riva), mais je ne crains pas d’affirmer que les comédiens du moment relèvent largement le défi d’une œuvre qui pour être reprise ne demandait que du talent et du caractère. Les deux ici font la paire.
En bref
Le film
D’excellents acteurs au service d’un grand classique du patrimoine littéraire nous font passer un excellent moment de cinéma. Il est lui aussi assez académique dans sa mise en scène, mais c’est peut-être le mode approprié pour en retenir l’essentiel sur le tourment des âmes et la conduite d’une société française, qui un siècle plus tard doit encore avoir quelques réminiscences dans les belles demeures du bordelais ou d’ailleurs …