Face au constat des difficultés rencontrées par les PME-ETI[1] françaises dans leur financement par le marché, le médiateur du crédit G. Rameix et le président de l’Observatoire du financement des entreprises par le marché T. Giami ont produit un rapport sur l’accès des PME-ETI aux marchés boursiers.
Depuis, de nouveaux intervenants ont exprimé leur point de vue sur le sujet comme le Comité d’Orientation Stratégique (COS), l’AFG[2] ou encore l’AFIC[3].
Le rapport Giami-Rameix
Publié en novembre 2011, le rapport Giami-Rameix traite moins des enjeux de l’accès des PME-ETI aux marchés financiers que de l’absence d’offre des opérateurs boursiers adaptée aux besoins des petites structures et des problèmes d’attractivité de ce marché pour les investisseurs. Le rapport livre un constat en demi-teinte :
- D’un côté, les initiatives de relance (création de l’Observatoire du financement des entreprises par le marché, facilitations des transferts vers Alternext) ont porté leurs fruits et le nombre d’introductions en bourse de PME-ETI est reparti à la hausse en 2010 et 2011 ;
- De l’autre, le peu d’appétence des entrepreneurs pour les marchés financiers, le manque d’intérêt des investisseurs et l’absence d’une réponse adaptée de l’entreprise de marché empêchent le développement de ce type de financement.
La raison première du demi-échec de ces initiatives se trouve être la taille du marché : au moment de la rédaction du rapport, le total de la capitalisation des 574 PME-ETI cotées est inférieure à la capitalisation de la première valeur française, Total[4]. La conséquence est double : d’une part le manque de liquidité des titres freine les investisseurs, d’autre part l’animation du marché des PME-ETI (cotation et négociation) n’est pas un axe stratégique pour l’opérateur historique.
Second problème majeur au développement du marché des PME-ETI : le coût de l’introduction en bourse[5]. En prenant en compte les frais liés aux prestataires de service d’investissement, listing sponsor, conseil juridique, auditeurs, conseil en communication financière et à l’entreprise de marché, les rapporteurs évaluent le coût d’une levée de capital de 10 millions d’euros à 8% du total, auxquels viennent s’ajouter environ 2% de frais annuels de cotation.
Coté investisseurs, les taux de courtage plus élevés que pour les grosses valeurs sont également pénalisants. De plus, la variété de sociétés et les faibles volumes limitent les possibilités pour un bureau d’analyse de développer son expertise dans le secteur des PME-ETI (faible rémunération de la filiale courtage et analyse).
Face à ce constat, plusieurs voies d’action sont identifiées. La première consiste à créer une bourse dédiée aux PME-ETI, sur la base des marchés existants, par l’acteur historique NYSE Euronext épaulé par la Caisse des Dépôts et Consignations. La seconde vise à installer un opérateur alternatif adossé à d’autres partenaires financiers.
En réaction, NYSE Euronext vient d’ouvrir un segment de marché dédié à l’émission d’obligations par les PME-ETI. L’opérateur souligne l’intérêt des émissions obligataires par rapport au financement classique par crédit bancaire (environ 90% du financement des PME-ETI) et met en avant la rapidité du processus (en particulier pour les entreprises déjà cotées sur ses marchés).
Le rapport du COS
Suite au rapport Giami-Rameix, l’entreprise de marché s’est impliquée dans les réflexions du Comité d’Orientation Stratégique (COS), dont une première version du rapport vient d’être publiée pour commentaires. Le COS prône la création par NYSE Euronext d’une « Bourse de l’Entreprise », un nouveau segment de marché dédié aux PME-ETI, couvrant les ouvertures capitalistiques comme les émissions de dettes. Dans un premier temps, ce segment regrouperait les valeurs des compartiments B et C (i.e. capitalisations allant jusqu’à un milliard d’euros) ainsi que celles cotées sur Alternext.
Ambitionnant une couverture européenne, le COS insiste sur le besoin de mettre en place une équipe spécialisée dans le financement et l’investissement dans les PME-ETI. Il propose également la mise en place d’une tarification plus adaptée, incitative à la fois pour le développement des marchés primaire et secondaire (rééquilibrage de la rentabilité du marché secondaire), ainsi qu’un cadre réglementaire et fiscal optimisé. Le comité estime également que des partenariats économiques et capitalistiques (tout du moins dans un objectif d’expansion européenne) augmenteraient rapidement la valeur ajoutée de cette bourse et assureraient la pérennité d’un système aujourd’hui contrôlé par un groupe privé coté.
En substance, la recommandation du COS est la création d’une « Bourse de l’Entreprise » à la taille de l’enjeu – en particulier une cote initiale significative pour attirer les intermédiaires et les investisseurs – ainsi que la mise en place d’une réglementation adaptée au contexte des PME-ETI.
D’autres pistes de réflexion
Malgré la raréfaction, à la fois conjoncturelle mais surtout structurelle, du crédit bancaire, d’autres solutions de financement existent pour les PME-ETI. Aujourd’hui en plein essor, citons les émissions obligataires groupées, qui permettent à des ETI cotées, mais dont la taille ne permet pas une émission directe, de mettre en commun leurs signatures pour lever un montant suffisant, réduisant par là le risque pour les souscripteurs. Il en va de même pour les placements privés qui sont encore très peu développés en France au contraire de l’Allemagne ou des Etats-Unis.
Pendant que la bourse renoue progressivement avec sa vocation première et se replace en tant que lieu de rencontre entre émetteurs et investisseurs, le capital-investissement dispose d’atouts indéniables (une grande territorialité, un financement public à travers le FSI, une obligation d’information au public moindre par rapport à une entreprise cotée) pour financer le développement des PME-ETI. Reste que, dans l’attente de mesures incitatives, notamment fiscales, et d’une orientation moins court-termiste des investissements, le private equity peine aujourd’hui à assurer proprement son rôle d’intermédiaire entre le financement bancaire et le marché.
[1] Petites et Moyennes Entreprises (moins de 250 salariés, CA < €50 millions) et Entreprises de Taille Intermédiaire (entre 250 et 5000 salariés, CA < €1.5 mds)
[2] Association Française de Gestion
[3] Association Française des Investisseurs en Capital
[4] Au 21/05/2012, les 614 PME-ETI cotées sur Euronext Paris compartiments B et C, et Alternext totalisent un peu plus de €71 mds de capitalisation, quand Total dépasse €80 mds.
[5] Cf. notre article du 3 janvier 2012 : Recomposition du paysage boursier – Quelle place pour les émetteurs régionaux ?
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