L'usage du mot crédit nous en apprend beaucoup sur la façon dont nos technocrates perçoivent le monde et les relations qui les unissent à ceux qu'ils gouvernent.
Par l'auteur du site Bobo libéral.
Mais ce qui est inquiétant n'est pas la mesure en elle-même, positive, mais le vocable utilisé, crédit, dont un simple examen suffit à révéler des implications d'ordre philosophique et éthique. L'État ferait crédit aux entreprises. Si l'on se réfère à la définition originale du mot crédit, l'État prêterait-il de l'argent aux entreprises ? Évidemment que non. L'État prend moins d'argent aux entreprises. Mais selon ce point de vue original, ce qu'il leur prend en moins, il leur ferait crédit. Un peu comme si cet argent n'appartenait pas à ses propriétaires légitimes, mais fut donné par l'État.
Il ne faut pas oublier que l'impôt est une appropriation par la force du bien d'autrui.
Et si l'on s'amusait à généraliser ce principe jusqu'à ses ultimes retranchement, l'État ferait crédit de tout ce que l'entreprise ne paye pas en impôt. Dans cette optique l'entreprise ne serait pas le propriétaire légitime de ses biens. Ce qu'elle dispose n'est que dû à la bonne volonté de l'État. Ce principe est même applicable au particulier. Ce qu'il ne paye pas en impôt lui a été donné ou crédité par l'État.
En fait l'État serait l'unique propriétaire de tous les biens du territoire dont il aurait la charge. C'est l'abolition pure et simple de la propriété privée, en théorie.
Alors qu'auparavant on considérait l'impôt comme une arme dangereuse, pour certains un mal nécessaire, violant le droit de propriété privée consacrée par notre déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, aujourd'hui la totalité de ce que l'on posséderait serait de facto et en toute circonstance imposé, dont une partie par la bénévolence de l'État nous serait crédité. Et d'ailleurs un crédit implique un remboursement avec intérêt. Imaginez tout ce que l'on doit à l'État !
Mon propos est à dessein exagéré. Je doute que le gouvernement actuel soit dans une quête marxiste d'appropriation et de collectivisation de tous les biens de ce pays, en témoigne les déclaration d'Ayrault lors du débat sur la possible nationalisation de Florange dont il qualifia le procédé d'expropriation. Mais l'usage du mot crédit nous en apprend beaucoup sur la façon dont nos technocrates perçoivent le monde et les relations qui les unissent à ceux qu'ils gouvernent : nous leur sommes à jamais débiteur de tout ce que nous faisons et de tout ce que nous possédons.
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