Alex Esposito, Papagenissimo!
Source de la photo: le facebook du Bayerische Staatsoper
La mise en scène d'August Everding date de 1978, elle a fait le tour du monde et ne doit plus être présentée. Quelle que soit l'appréciation qu'on en ait, elle est particulièrement efficace avec un public enfantin, et c'est aussi une des richesses du livret d'Emanuel Scikaneder que cet opéra comporte différents niveaux de lecture, et qu'un de ces niveaux soit accessible aux enfants. C'est une des grandes qualités de cette mise en scène de rendre le niveau du conte de fées visible. Et les somptueux décors et les fabuleux costumes rococo de Jürgen Rose, que ce grand artiste a totalement rénovés en 2004, contribuent largement à permettre d'introduire le jeune public à l'opéra. Ainsi l'initiation, on le sait un des grands thèmes de cet opéra, devient-elle opérante pour les plus jeunes aussi. Dès l'ouverture du rideau, la Reine de la Nuit apparaît suspendue au centre d' une grande pleine lune et assiste au combat de Tamino contre un énrome serpent dragon cracheur de feu. La punition du mensonge de Papageno est soulignée par un grand cadenas. L'arrivée des adjuvants et plus tard l'apport d'objets magiques, la flûte et le carillon de clochettes, sont parfaitement lisibles par les plus petits. Ce sont surtout les clowneries d'un Papageno superbement incarné par l'incomparable Alex Esposito, qui allie une vivacité d'acteur à une maîtrise vocale stupéfiante, qui enchantent les enfants. Monostatos (Ulrich Ress) en Père fouettard et sa tribu de sbires, le domptage des singes et des ours qui se mettent à danser captivés par la musique des instruments magiques, ou encore les coups de tonnerre, relèvent aussi des récits enfantins. Et les statues de pierre qui s'animent dans ce qui ressemble à un cimetière sont tout aussi efficaces pour accrocher l'attention des plus petits: une statue de la déesse de la fortune, avec sa corne d'abondance, s'anime et se révélera être Papagena déguisée en statue; des lions de pierre se mettent à balancer la queue à la grande frayeur de Papageno et leurs têtes soudain mobiles font fuser les rires. L'opéra est rempli de magie, les enfants sont sur la scène comme dans le public: choeurs d'enfants, arrivée céleste des trois Knaben , ou encore la douzaine d'enfants habillés comme leurs parents de costumes champêtres et floraux, qui représentent la descendance en ribambelle de Papageno et de Papagena, tout cela contribue à faire aussi de la Flûte un opéra bien adapté au public le plus jeune.
Alex Esposito est pour beaucoup dans la réussite de la soirée: il domine le plateau tant par son jeu de scène que par la qualité de son chant. Il parvient à donner une nouvelle dimension à Papageno dont il accentue le côté lutin espiègle et influençable. Il le rend aussi débordant d'humanité. En comparaison, la Reine de la Nuit d'Erika Miklosa qui termine faiblement son O zittre nich mein lieber Sohn chanté comme un aimable gazouillis au joli phrasé là où l'on s'attendait à la rage haineuse, à la colère vengeresse et hystérique d'une femme dépossédée de ses pouvoirs, fait piètre figure. Si elle apparaît au zénith de la scène dans son halo lunaire dès le début du premier acte, elle ne restera pas briller au firmament des grandes Reines de la Nuit. Pour le reste, les chanteurs de la troupe du Bayerische Staatsoper contribuent à l'excellence de la soirée. Le Tamino de Pavol Breslik s'il ravit par sa technique vocale déçoit par une interprétation un peu mièvre, la Pamina d'Hanna-Elisabeth Müller dégage plus de personnalité et reçoit un meilleur accueil dans le public. Lors des représentations d'une mise en scène connue, ce sont la direction d'orchestre, en l'occurence celle d'Ascher Fisch, et les grands interprètes comme samedi Alex Esposito, qui font la différence. Et l'Opéra d'Etat bavarois fait ici une démonstration magistrale que Mozart peut être rendu accessible aux plus petits.