Aubagne n’a pas toujours due sa notoriété à Marcel Pagnol, aux santons, à la Légion Etrangère ou à un certain art de vivre qu’elle continue de cultiver aujourd’hui en résistant aux assauts réguliers de son encombrante voisine marseillaise. Au 18ème siècle, dans les dernières années de la Révolution, elle fut le théâtre d’événements sanglants. C’est ce que révèle l’historien Donald Sutherland dans un ouvrage publié en 2009 Meurtre à Aubagne, lynchage, droit et justice pendant la Révolution française (Cambridge University Press). Ce professeur d’histoire à l’université de Maryland s’est intéressé aux luttes de factions et à leur arrière-plan de pendaisons et d’assassinats commis pendant la Révolution française à Aubagne qui n’était alors qu’une petite ville agraire de 7000 âmes.
Aubagne décroche, aux yeux des contemporains frappés par les atrocités commises, la palme de la violence, surtout au cours de la réaction royaliste. Le ralliement au "factionnalisme" des Jacobins locaux les plus radicaux est, selon l’historien, l’une des raisons essentielles de cette dérive meurtrière qui se manifeste par une série d’actions punitives et de menaces verbales, voire physiques, farandoles menaçantes, pendaisons, corps dépecés avec leurs parties présentées comme des trophées. Pour le chercheur Jacques Guilhaumou, une telle violence tient son importance d’une "culture de la justice distributive" où les haines, à l’exemple de la vendetta, se cumulent et profitent d’un vide institutionnel relatif
On retrouve aussi dans l’ouvrage de Donald Sutherland qui n’a toujours pas trouvé de traduction française, une habitude de l’historiographie anglophone de singulariser le Midi par sa violence, sa turbulence, et donc une certaine incapacité à faire l’apprentissage de la sociabilité démocratique.
Sources : Laurent Lemire (www.affuteur-idees.fr) / Jacques Guilhaumou, UMR "Triangle", Université de Lyon, CNRS-ENS/LSH