Magazine Culture

Meurtre à Aubagne

Publié le 09 décembre 2012 par Thierry Gil @daubagnealalune

Marble statue of Hermitage

Aubagne n’a pas toujours due sa notoriété à Marcel Pagnol, aux santons, à la Légion Etrangère ou à un certain art de vivre qu’elle continue de cultiver aujourd’hui en résistant aux assauts réguliers de son encombrante voisine marseillaise. Au 18ème siècle, dans les dernières années de la Révolution, elle fut le théâtre d’événements sanglants. C’est ce que révèle l’historien Donald Sutherland dans un ouvrage publié en 2009 Meurtre à Aubagne, lynchage, droit et justice pendant la Révolution française (Cambridge University Press). Ce professeur d’histoire à l’université de Maryland s’est intéressé aux luttes de factions et à leur arrière-plan de pendaisons et d’assassinats commis  pendant la Révolution française à Aubagne qui n’était alors qu’une petite ville agraire de 7000 âmes.

couverture du livre de D Sutherland
Dans son ouvrage, cet historien américain dénonce le « factionnalisme » qu’il considère  comme la source essentielle des événements révolutionnaires locaux. Il aborde également la convergence des crimes commis pendant cette période à Aubagne et la Terreur officielle conçue dans l’état d’urgence à Paris qui servit d’alibi aux factions pour poursuivre une lutte qui avait germé plus tôt à cause de problèmes locaux liés à la fiscalité et la gouvernance. Il expose le cas de 67 personnes – dont deux femmes – qui ont tué, agressé ou volé au nom de la Révolution une bonne quarantaine de leurs voisins de 1795 à 1798. Et parmi les assassins, il y avait Jean-Baptiste Barthélémy dit « La Machine », un aubergiste, Antoine Michel dit « Calade », un boulanger, et pas mal d’autres citoyens qui formèrent le gang d’Aubagne.

Aubagne décroche, aux yeux des contemporains frappés par les atrocités commises, la palme de la violence, surtout au cours de la réaction royaliste. Le ralliement au "factionnalisme" des Jacobins locaux les plus radicaux est, selon l’historien, l’une des raisons essentielles de cette dérive meurtrière qui se manifeste par une série d’actions punitives et de menaces verbales, voire physiques, farandoles menaçantes, pendaisons, corps dépecés avec leurs parties présentées comme des trophées. Pour le chercheur Jacques Guilhaumou, une telle violence tient son importance d’une "culture de la justice distributive" où les haines, à l’exemple de la vendetta, se cumulent et profitent d’un vide institutionnel relatif

On retrouve aussi dans l’ouvrage de Donald Sutherland qui n’a toujours pas trouvé de traduction française, une habitude de l’historiographie anglophone de singulariser le Midi par sa violence, sa turbulence, et donc une certaine incapacité à faire l’apprentissage de la sociabilité démocratique.

Sources : Laurent Lemire (www.affuteur-idees.fr) / Jacques Guilhaumou, UMR "Triangle", Université de Lyon, CNRS-ENS/LSH


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Thierry Gil 4963 partages Voir son profil
Voir son blog