Voici une question posée lors de l’émission « Allo Rufo » du lundi 3 décembre 2012 sur France 5 :
Monique :
« Ma fille de 28 ans va mal. Elle est addict aux médicaments et nous avons dû l’hospitaliser. Depuis, elle nous dit avoir été abusée sexuellement dans sa petite enfance. Est-il possible que ce soit une réalité ? »
Dr Rufo :
« L’immense majorité des enfants « abusés » vont bien ! … à distance après le sévice… ils ont bien sûr des craintes un peu précises, mais elles vont bien dans leur vie amoureuse, sexuelle, personnelle, professionnelle… donc, en quelques sortes, un abus ne peut pas entrainer un tel dégât sauf si la vulnérabilité et la fragilité du sujet vient faire que l’abus renforce cette pathologie d’organisation. Là, dans ce que vous décrivez, c’est complètement fantasmatique, ça fait partie peut-être de son organisation un peu plus de reconstruction délirante du monde où un ennemi, un agresseur existe, fondu comme ça dans son histoire.
La première chose à faire, c’est de vérifier auprès de la personne citée les choses, de dire :
« voilà, notre fille dit ça, qu’en pense-tu ?», en plus, c’est respecter votre fille que de tenir compte de sa parole, puisqu’elle cite quelqu’un, il faut vérifier les choses. »
Monique :
« Moi je souhaiterais justement en parler à la personne en question, ensuite, est-ce qu’il faut que ça se fasse en sa présence à elle ? »
Dr Rufo :
« Non, je crois que ça doit se faire vous. D’abord, est-ce qu’il faut le rendre juridique ou non ? La mode, la loi même c’est de dire signalement, c’est de dire signalement mais en même temps, il y a quelque chose qui… alors moi je suis très favorable au signalement des enfants mais en même temps, je m’étonne de quelque chose, lorsque par exemple, il y a enquête ou examen, expertise et que finalement on aboutit à un non lieu, souvent, certains parents disent « nous on croit ce qu’a dit l’enfant » alors que visiblement c’est une organisation fantasmatique de crainte et tant mieux ! Parce que tant mieux, parce que personne ne souhaite l’abus. Non, là, en l’occurrence, compte tenu des troubles, de l’HDT, ce n’est pas un irrespect de la part de votre fille, ce n’est pas parce qu’elle est en psychiatrie que sa parole ne doit pas être entendue, attention à ce que je vous dis. Mais en même temps, le malade mental, le délirant reconstruit un monde parce qu’il ne peut plus percevoir le monde et ce monde est peuplé d’ennemis, d’événements dramatiques, d’histoires comme ça. Il vaudrait mieux que vous vous rapprochiez aussi du service où elle a été hospitalisée pour un suivi en hôpital de jour, un suivi régulier pour que quelque chose soit entreprit avec elle pour la reprise d’activités, pas seule, pas confinée, pas hospitalisée chez vous mais en relation étroite avec le service de psychiatrie adulte pour qu’il l’accompagne ou un foyer occupationnel, ou un placement ou une formation et un suivi. Ne l’abandonnons pas à sa pathologie et merci de votre appel. »
http://www.change.org/fr/p%C3%A9titions/president-de-la-r%C3%A9publique-stop-%C3%A0-la-d%C3%A9sinformation-sur-les-violences-sexuelles-faites-aux-enfants
Cher monsieur Rufo,
je ne vais pas vous parler de votre scandaleuse vision de l’abus sexuels, qui ne serait un problème que chez un enfant ayant une pathologie, d’autres l’ont fait, mais de votre vision des psychotiques qui me semble bien limitée pour un éminent pédopsychiatre tel que vous.
Selon vous, savoir qu’une personne que vous n’avez jamais vue souffre d’addictions et est en HDT suffit à établir une diagnostic aussi lourd que celui de psychose. Permettez-moi de vous trouver bien léger quant à l’éthique de votre métier. Je trouve également très étonnant que vous ne sachiez pas qu’on signe des HDT à tour de bras sans même parler aux patients, et qu’une HDT n’a jamais suffit à établir un diagnostic de psychose. Même le DSM n’y avait pas pensé, mais vous l’avez fait!
Ce diagnostic maintenant solidement établi, vous en concluez donc logiquement que cette jeune fille ne peut pas dire la vérité lorsqu’elle dit avoir été abusée. Forcément, tout cela est fantasmatique et délirant (merci au bon docteur Freud). Oui, car comme chacun sait, les psychotiques délirent, fantasment et ne vivent rien de réel. La psychose préserve de tout évènement traumatique réel, comme elle préserve visiblement de la moindre considération du corps psychiatrique. Le psychotique ne raconte rien de vrai, n’a rien vécu de difficile, et surtout pas un abus sexuels qui aurait pu déclencher ses troubles. Attention, dites-vous, le respect est dû à la parole de cette jeune fille, mais en gardant bien en tête qu’elle est délirante. Ce n’est pas de sa faute si elle ment, ne la condamnons pas, mais ne soyons quand même pas bête au point de penser seulement à la croire! Ca me rappelle une histoire qu’a vécu une de mes amies récemment: elle téléphone à une amie psychotique en HDT, et l’infirmier ne veut pas la lui passer, ne comprenant pas pourquoi, n’étant pas de la famille, elle veut lui parler. C’est vrai, les psychotiques n’ont pas d’amis, le contraire serait impensable. Qui pourrait se soucier sincèrement de ces pauvres malades ne sachant que délirer à part leur brave et courageuse famille?
Votre vison des psychotiques est pour le moins méprisante. Vous n’imaginez pas une seconde qu’ils peuvent aussi ne pas délirer, avoir une vie faites d’évènements réels dont ils puissent parler objectivement, vivre des traumatismes autres que fantasmatiques. Ne parlons même pas de ce qu’il pourrait y avoir de bien dans leur vie, je suppose que cela ne vous a jamais effleuré.
Vous n’êtes évidemment pas le seul coupable de cette vision réductrice de vos patients, elle est malheureusement partagée par beaucoup de vos confrères.
Mais vous savez quoi, Monsieur Rufo, et c’est une psychotique debout qui vous le dit, vos diagnostics de comptoir, on n’en veut pas. Votre mépris, il est pire que celui que la société à envers nous et il nous fait gerber. Votre condescendance, gardez-la car on n’en a pas besoin. Des psychotiques debout, il y en a plein, et cela malgré les idées que vous partagez avec certains de vos confrères qui font tout pour nous briser avec un sourier bienveillant et la conscience tranquille. Car dans ce monde, il y a aussi des gens bien, des amis, et des personnes qui nous respectent, même si on les trouve rarement en psychiatrie. Arrêtez de parler des psychotiques si c’est pour le faire avec un tel mépris, et arrêtez de psychiatriser à tout va des personnes que vous n’avez jamais vues, c’est ce que vous pourriez faire de mieux.
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