Collant fluo bien ajusté sur des cuisses maigrelettes ou gélatineuses, serre-tête vissé sur des sourcils froncés (la concentration des sportifs de haut niveau n’est-ce pas), coupe-vent design, tennis de marque et gants de laine, regardez-les trottiner partout, l’air important, fiers d’exhiber leurs musculatures déficientes et leurs foulées étriquées.
Il y en a, quand tu les vois, tu te dis qu’ils iraient bien aussi vite en marchant, et sans souffler comme des ânes en rut. On dirait que nous, vulgaires passants, on les gêne, qu’on ne se pousse jamais assez vite sur leur glorieux passage d’athlètes triomphants. Leur regard se pose sur toi avec condescendance, toi le minable habillé en minable tenue de ville. Eux sont déguisés en futurs champions olympiques, ils se sentent déjà champions olympiques. Tu ferais peut-être même bien non seulement de te garer au plus vite mais de les applaudir, après tout ça leur est dû, eux ils souffrent. Ah oui, ils souffrent, ils sont roses, rouges, haletants, suffocants, blêmes de fatigue, ce sont les modernes héros de l’enfer urbain et tu ne t’en rends même pas compte, toi pauvre truffe de piéton paresseux !
Si on enlevait le facteur mode, ils seraient combien à continuer de se ridiculiser ainsi entre pots d’échappement et piétons paisibles ? A combien peut-on estimer le taux des sincères, des convaincus ? 5 % ? 10 % ? 0 % ?
Il faut dire que l’exemple vient de haut : on se souvient avec gourmandise de l’air hagard, des tempes dégoulinantes, des shorts croquignolets et des mollets joufflus de l’ex-président de la république. S’il y a bien une chose et une seule qui nous manque et que l’Histoire peut-être retiendra, c’est Sarko jouant les coureurs de fond (de fonds ?), suivi de ministres et de gardes du corps qui n’en reviennent pas d’être obligés de faire les cons comme ça, sous le regard énamouré de paparazzi qui sont au journalisme ce que le hamburger froid est à la gastronomie.Finalement ça restera un bon souvenir ces guignolades hygiénistes, et ce n’est pas Hollande le normal, Fillon le neurasthénique ou Copé le décomplexé de supériorité qui nous feront rire comme ça. D’ailleurs ils ne nous font pas rire du tout. Mais il n’empêche, ce n’est quand même pas une raison pour rappeler l’autre. Sarko, surtout reste où tu es ! Surtout ne reviens pas ! Ou alors à la rigueur fais-toi clicher en collant fluo, serre-tête vissé sur tes sourcils froncés, coupe-vent design, tennis de marque et gants de laine. Mais c’est tout, pas de blague, hein !
Claqueboudin