La foule se pressait samedi pour venir au 28ème Salon du Livre et de la Presse Jeunesse en Seine-Saint-Denis (93), dit plus simplement, le "Salon de Montreuil". Je me trouvais dedans. L'équation est sans doute compliquée. Les stands sont le plus souvent tenus par des libraires et non comme le croient les visiteurs par les éditeurs eux-mêmes. Il s'ensuit une grande méprise : les fans, et ils sont majoritaires, viennent pour rencontrer leurs auteurs adorés et les vendeurs ronchonnent dès que les conversations se prolongent. Parce que ce qu'ils veulent c'est vendre, beaucoup et vite.
La frustration était palpable dans les rangs. J'ai rencontré un couple de grands-parents venus spécialement de Rodez ... pour obtenir une dédicace d'Olivier Douzou. Il faut le faire quand on sait que le Rouergue, dont il est le directeur artistique est installé dans le sud. Ces spécialistes de l'autographe avaient presque terminé leur parcours du combattant et obtenu un mot gentil sur chacun des livres dont ils s'étaient munis, achetés sur place ou apportés dans leurs valises.(Si on vient à Montreuil avec sa provision personnelle les libraires vont véritablement rager, sans admettre que ces ouvrages ont bien été achetés quelque part pourtant.)
Cela fait quinze ans que ce couple fait le déplacement. Les dédicaces sont les "étrennes" de leurs enfants et petits-enfants. Et toute la famille, enfants comme adultes, piaffe d'impatience jusqu'au premier janvier pur découvrir quel livre et quelle mention va leur être attribuée. Tout est soigneusement choisi.
Olivier Douzou, ils le connaissent bien et reprennent chaque année la conversation au point où ils l'ont arrêtée la fois dernière. Quand elle travaillait encore, cette dame venait même avec ses élèves. C'était au temps où les auteurs signaient le mercredi à Montreuil. Les libraires ont obtenue depuis de bloquer les dédicaces sur le samedi et le dimanche pour que les enfants viennent avec leurs parents, parce que ce sont eux qui tiennent les cordons de la bourse.
Je surveille la progression du stylo du dessinateur. C'est vrai qu'il apporte du soin à son dessin, puis à la formule qu'il va ajouter.
Il y a un top ten des auteurs, classés par ordre de gentillesse et d'intérêt en matière de dédicace. Je vais avoir la délicatesse de ne pas dénoncer celui qui restreint l'exercice à une heure pile, qui arrive en retard, part en avance, travaille à la chaine en étant à peine aimable et qui a d'année en année la tête de plus en plus grosse à mesure qu'enfle son lectorat, surtout chez les parents.
Le "bon" dédicaceur doit dire bonjour, sourire, faire mine (au moins) de s'intéresser à plus qu'au prénom de la personne à qui le livre est destiné, écoute, re-soutit, pose au moins une question, écrit au moins une ligne qui, si elle est personnalisée (c'est-à-dire en rapport avec la micro-conversation qu'il vient d'avoir) placera l'heureux détenteur dans un état d'euphorie remarquablement visible. Cela encourage ceux qui patientent dans la file à ne pas se lasser. Car forcément, sauf pour l'individu sus-visé, la longueur de la file est proportionnelle au temps passé avec l'artiste.
Il y a notamment un God bless the child de Billie Holiday qui est "raccord" avec le livre de Viktor Lazlo et le spectacle qui est un beau succès au Théâtre Rive Gauche dont je vous parlerai très vite.
A l'Ecole des loisirs Audren affichait un sourire communicatif, avant de s'accorder une pause et d'enchainer sur une rencontre autour de la littérature jeunesse.