Il fallait rester zen et ouvert à l'échange pour comprendre et espérer.
La politique abîmée
L'UMP a disparu. Evacuons l'affaire. Elle reviendra. Les militants sont là, mais le parti s'est bel et bien scindé en deux ou trois. A l'Assemblée nationale, François Fillon s'est présenté en président d'un nouveau groupe, celui des RUMP. Lundi, puis mardi et encore mercredi, l'évidence s'imposait: Nicolas Sarkozy avait échoué à éteindre ce spectacle pitoyable. L'homme qui voulait redresser une France qu'il avait ruinée ne parvient pas à sauver son propre camp de chamailleries incroyables. Quelle autorité ! Quelle leçon ! Deux garçons trop âgés se disputaient la présidence d'un parti moribond qui ne le savait pas.
L'UMP est un poulet sans tête. Voici que certains de ses députés demandent une commission d'enquête sur la diffusion de la théorie du genre... Quel spectacle pitoyable !
La Sarkofrance est peut-être morte ces derniers jours.
A gauche, ils s'interrogent trop, se fatiguent les méninges sur une improbable question: qu'est-ce que le Hollandisme ? Libération, sans doute mal inspiré ce jour-là, en avait consacré 5 pages et sa couverture, mercredi 6 décembre 2012. Mais pour quel intérêt ? N'y avait-il pas plus important ? Etait-ce une diversion ? Hollande aurait donc 4 visages: il serait intriguant comme François Mitterrand, patriote comme Jean-Pierre Chevènement, sociétalement frileux comme Lionel Jospin, et social-réaliste comme Jacques Delors, par ailleurs présenté comme son mentor ultime.
Le grand jeu de l'étiquetage continue donc, partout et en vain. A gauche, on se délivre ou se retire des brevets de gauchitude.
Hollande gouverne et c'est déjà suffisant. Même pour ses plus fervents critiques de gauche, il conserve un atout, celui d'avoir renversé l'ancien monarque. Mais pour le reste, l'actualité de la semaine était sacrément plus chargée pour qu'on s'épargne ces élucubrations médiatiques.
Florange efface le reste.
Cécile Duflot, ministre du Logement, évoque le nécessaire devoir de solidarité de l'Eglise vis-à-vis des SDF. Il y a tant de bâtiments religieux sous-occupés. Les représentants de la première religion de France sont outrés qu'on les soupçonne de pingrerie. Voici 15 jours, le Canard Enchaîné avait publié une édifiante liste de belles propriétés franciliennes quasi-vides. Mais l'Eglise préfère partir à la charge contre le mariage civil pour tous. Elle choisit ses sujets.
Najat Vallaud-Belkacem, en charge des Droits des Femmes, avait convié tous ses collègues sur une cause légitime, les violences faites aux femmes. Une journée de colloques, discours et séminaires. Patatras...
Le même jour, le premier ministre Jean-Marc Ayrault avait cru bien faire en lâchant un accord avec Mittal. Trop peu, trop tard, trop flou. Le projet dévoilé par morceaux fut critiqué d'égale ampleur par tous. On a compris, après le weekend, qu'un contingent de ministres (Arnaud Montebourg, Aurélie Filippetti) restaient favorables au bras de fer contre le sidérurgiste milliardaire. On s'est vite énervé en apprenant que M. Mittal disposait de trois maisons dans le Royaume Uni voisin d'une valeur supérieure à l'investissement qu'il allait faire à Florange. On s'agace que le gouvernement prête encore 2,5 milliards d'euros à DEXIA pour éviter qu'elle ne coule. Pourtant, imaginez les dégâts locaux si la banque des collectivités locales sombrait à son tour...
Mardi, le sabotage se poursuit, on livre à la presse et aux blogs l'accord signé la veille de sa présentation par Ayrault aux représentants de Florange. Mercredi, Mittal prévient que Florange n'est pas adapté à la première tranche du projet ULCOS, une reconversion qui fait l'objet d'un appel d'offre à Bruxelles. Le dialogue social est mort et enterré.
Passée la foudre des déceptions, pouvait-on se dire les choses en face ? (1) les salariés ont gagné un sursis puisque le plan (a)social déclenché par Mittal n'aura pas lieu; (2) Montebourg, s'il a perdu la bataille de la nationalisation, a permis de gagner/conserver un large crédit à gauche. Et cela inquiète quelques éditocrates de la France conservatrice.
Normalement, elle s'allume, déclara avec amusement notre actuel président en tenant dans sa main, par le culot, l'une des ampoules de l'usine qu'il visitait. Vendredi dernier, Hollande restait calme. La tempête s'est levée plus tard. En début de semaine, on ne comptait donc plus les ravages et les rages de l'affaire. Montebourg avait menacé de démissionner. Hollande l'a rattrapé. Le résultat est heureux, sa cote progresse.
Le véritable acquis, dans ce chaos, est politique. Une gauche plus large que sa fraction impeccable retrouve plaisir et envie à se parler, à échanger.
Cahuzac contre Mediapart Le ministre du Budget est accusé par le site d'information de fraude fiscale. Les preuves sont minces: un mauvais enregistrement non authentifié vieux de 12 ans dans lequel le futur ministre dirait qu'il a un compte en Suisse, la trace de 600.000 euros d'apport personnel dans l'acte notarié d'un achat d'un appartement six ans avant, et le rapport d'un inspecteur du fisc aujourd'hui à la retraite. Quelques heures plus tard, le ministre clarifie le financement de son acquisition, et l'ancien inspecteur confie qu'il n'exclue pas que Cahuzac soit innocent. On oublierait presque que disposer d'un compte étranger ne signifie pas fraude fiscale.
L'affaire n'a pas grand chose à voir avec l'imbroglio du Woerthgate (qui mêlait une véritable fraude fiscale chez l'employeur de l'épouse du ministre du Budget, des enregistrements volontairement clandestins et authentifiés, plusieurs témoignages concordant, etc...). Mais certains avaient besoin de parallèles courts et claquants.
Le mal est fait. Le ministre venait de lancer une énième charge contre l'exil fiscal. Dans sa défense, Mediapart ne cache pas combien Cahuzac est un morceau de choix, un ministre qui avait « très vite pris la lumière ».
Le site s'imagine avoir déstabilisé la Hollandie. Il a lui-même beaucoup à perdre tant sa salve paraît fragile.
La politique est abîmée par cette suspicion et cet énervement généralisés.
Noël approche.