Une loi a été appliquée: tous les enfants entrant à l’école primaire doivent se faire vacciner. Seulement, ce vaccin implante un processus capable de tuer n’importe quand. Et c’est ce qui se passe pour un jeune sur mille, entre 18 et 24 ans. Dans ce cas, Fujimoto délivre le préavis de mort, signifiant à l’individu qu’il n’a plus qu’une journée à vivre.
C’est avec joie que je me suis lancé dans ce manga mais a-t-il répondu à mes attentes?
Le principe d’Ikigami m’a beaucoup plu sur le fond. A la simple lecture du résumé, il posait des bases philosophiques et éthiques. Et le problème de ce genre est de confirmer jusqu’à la fin. Pas besoin de vous faire languir, Ikigami a confirmé de bout en bout. En premier lieu, je vais rassurer ceux qui ont peur de voir une succession de voir une série interminable d’affaires, sans rien autour. Certes, on assiste à chaque tome environ 3 affaires d’Ikigami mais ça ne gêne pas du tout la lecture (je développerai un peu plus tard pourquoi). Ensuite, il y a une histoire centrale et une fin qui conclut cette trame. Le fil conducteur est centré sur le débat éthique qu’un homme peut avoir en lui et qui nous pousse à agir, parfois avec justice, parfois injustement. Evidemment, c’est à travers le héros, Fujimoto, que l’on va voir ces changements intérieurs, que l’on peut ressentir dans des cas extrêmes (comme dans le manga). Il est très facile de s’imaginer à sa place et de se demander quel attitude adopter face à un travail que l’on peut qualifier de risqué et d’immoral.
En effet, comment réagiriez-vous si quelqu’un sonnait à votre porte en vous annonçant qu’il ne vous restait qu’une journée à vivre, tout ça pour le bien du pays? Tous les cas de figure sont passés au peigne fin. Certains perdent les pédales et libèrent leurs instincts les plus vils, comme pour se venger d’un système qui les sacrifie. Certains se laissent aller et restent entourés de ceux qu’ils aiment, attendant patiemment la dernière minute. Et d’autres essaient de faire ce qu’ils n’ont jamais eu ou pu faire, par manque de temps, d’argent (car l’Ikigami permet d’avoir des avantages financiers) ou de courage. La peur de mourir dans 24h peut donner des ailes et libérer du poids que l’on porte. Tout le long des 10 tomes, on assiste donc à un éventail de réactions, de réflexions, de pensées face à un système complètement hallucinant. Les gens perdant espoir ne surprennent pas en soi, je veux dire qu’on ferait surement pareil. Non, les plus intéressants sont ceux qui voient en cette mort une gloire, un honneur suprême, car ils justifient beaucoup plus leur manière de pensée.
Pour ce qui est des personnages, ils sont peu nombreux à être réguliers. Beaucoup ne font que passer et ne reviennent pas. Attention, ils sont importants car même s’ils disparaissent, ils laissent leur empreinte dans le coeur de Fujimoto, héros de cette histoire. Fujimoto est un jeune employé qui découvre le système de l’intérieur en délivrant les Ikigami. Il est donc à la fois témoin des souffrances de son métier mais également participant direct à cette horreur. Cette dualité constante en fait un personnage complexe car on le sent tiraillé entre son devoir et son envie de crier sa rage contre le gouvernement. Et la seule chose le ralentissant est la peur car comme toute dictature (personnellement, je qualifie le pays de dictature car je ne trouve pas d’autre mot) elle tient ses travailleurs par la peur de mourir. En effet, il ne faut pas oublier que Fujimoto lui-même peut être victime de cette mort programmée. Il est clair qu’il manque cruellement de courage au début, préférant regarder ailleurs, mais devant la détresse des gens, il finit par se rebeller lentement, mais surement.
Car son interrogation est légitime. Comment justifier de tuer ses citoyens pour le bien du pays et surtout, comment vivre avec cette idée? Là est toute la question. Mais le plus troublant vient d’un personnage secondaire, le supérieur de Fujimoto. Avec son air, il donne son envie d’ancien baroudeur mais pose les bonnes questions. Même si tuer des gens pour l’avenir du pays peut paraitre bizarre et même si certains cèdent devant la pression, ceux qui ont réalisé une partie de leur rêve auraient-ils pu le faire sans avoir reçu leur préavis de mort? Sa réflexion est sur le fond douteuse (enfin, d’un avis purement personnel) mais sur le fond, il parvient presque à nous convaincre. Et beaucoup de protagonistes secondaires (bon, ils ne sont pas si nombreux) ont cette même manière d’être. Un véritable lavage de cerveau à l’échelle nationale.
Ikigami est intelligent, révoltant, touchant, philosophique, cruel. Bref, Ikigami est un très bon manga que je recommande chaudement. En plus, les 10 tomes se lisent très vite et avec passion. Si vous aimez les manga qui apportent des réflexions, celui-ci est pour vous.