A propos de Trois mondes de Catherine Corsini
A Paris, après une soirée bien arrosée avec ses collègues et amis du travail, Al (Raphaël Personnaz) renverse un sans-papiers moldave en voiture et prend la fuite. Mais Juliette (Clothilde Hesme), une jeune étudiante en médecine, a tout vu depuis le balcon de son appartement. Rongé par le remords et la culpabilité, Al rend bientôt visite au blessé qui risque de mourir à l’hôpital. Présente elle aussi à ce moment-là, Juliette le reconnaît mais ne le dénonce pas. Une étrange relation naît alors entre eux, entre compassion et pitié, attirance et dégoût pour Juliette qui préfère proposer un « deal » à Al pour ne pas qu’il finisse en prison. Un deal qui n’empêche pas ses démons de naître…
Si le pitch part d’un principe connu du chauffard qui prend la fuite, on rentre néanmoins dans l’histoire assez facilement parce qu’elle est crédible et permet d’emblée au spectateur de s’identifier. Pour le scénario, qu’elle a co-écrit, Catherine Corsini s’est inspirée d’un souvenir personnel et dramatique dans son enfance. Ce qui arrive à Al pourrait arriver à n’importe qui. Al est un beau trentenaire au visage « alaindelonesque » à qui tout réussit. Issu de la classe moyenne, c’est un self made man parti de rien mais qui a travaillé dur dans une concession de voitures appartenant à son futur beau-père. Dur au point d’en devenir l’imminent directeur général. Dans dix jours, Al doit se marier avec la fille de son patron. Mais l’accident a causé en lui des séquelles psychiques et un traumatisme irrémédiables. Al ne sait comment réparer son erreur. Peu à peu, il se rapproche de Juliette qui lui propose de jouer l’entremetteuse et de remettre en son nom de l’argent à la femme du type renversé. Pour payer l’hospitalisation.
Une idylle amoureuse et charnelle naît bientôt entre Juliette et Al. Une passion adultère conçue par le jeune homme comme un remède à sa souffrance morale, à des tourments et une torture psychologique qu’il sait à jamais inscrits en lui. Le mécanisme d’attirance physique et de désir que Juliette et Al ressentent peu à peu l’un pour l’autre est assez finement décrit dans le film. En couchant avec Juliette, Al cherche inconsciemment un apaisement pour contrer les voix diaboliques qui résonnent dans sa tête. Juliette quant à elle est attirée par sa beauté et voit plutôt dans le jeune homme un échappatoire à ses problèmes et à ses engueulades de couple. Seul hic, c’est que la jeune femme est enceinte…
Personnage dostoïevskien par excellence – on pense en suivant son parcours et son processus mental à Raskolnikov dans Crimes et châtiments – Al est un jeune homme dont la beauté classique renvoie à celle de la mise en scène et des compositions tragiques de Grégoire Hetzel dont on dirait qu’elles sont tout droit issues d’un film de James Gray. Malgré quelques longueurs et répétitions, voilà donc un polar psychologique excellent (et français s’il vous plaît, ce qui est assez rare pour le souligner) qui décrit la descente aux Enfers d’une jeune loup ambitieux et surtout intéressé par l’argent au départ. Un jeune Icare dont la réussite sociale et la vie s’écrouleront comme un château de cartes même si la chute laisse entrevoir une lueur d’espoir et une rédemption possible pour le héros (ce qui le rapproche d’autant plus de Raskolnikov, la crise mystique en moins). Raphaël Personnaz et Clothilde Hesme y forment un couple idéal de cinéma. Majestueux, poignant. Et beau, tout simplement…
http://www.youtube.com/watch?v=HSPlARYLxyw
Film français de Catherine Corsini avec Raphaël Personnaz, Clotilde Hesme, Arta Dobroshi, Reda Kateb… (01 h 41)
Scénario de Catherine Corsini et Benoît Graffin aidés par Lise Macheboeuf et Antoine Jaccoud :
Mise en scène :
Acteurs :
Dialogues :
Compositions par Grégoire Hetzel :