Israël/Palestine : un tournant ?

Publié le 07 décembre 2012 par Seifenblase @Pointe_d_Actu

Le mois de novembre, aura été un tournant dans le conflit israelo-palestinien. Après la sanglante semaine de tirs , ayant mené à la mort de plus de 200 civils palestiniens, le conflit à réticence mondiale a pris une toute nouvelle tournure le 29 novembre lors du tant attendu vote de l’ONU sur le rehaussement du statut de la Palestine.

« Nous recommandons aux combattants du Hamas, peu importe leur rang, de ne pas se montrer ces prochains jours ». Le message de l’armée Israélienne posté sur Twitter le 14 novembre et considéré immédiatement comme une déclaration de guerre, a ouvert une énième page du conflit. Une semaine sanglante débutée au milieu de la campagne des élections législatives israéliennes. Si un cessez-le-feu a été imposé, et que de nombreuses voix se sont élevées pour instaurer une trêve ou prendre parti, la paix quant à elle n’est pas au goût du jour. En effet, les territoires palestiniens, occupés depuis plus de soixante ans, ont reçu le 29 novembre 2012, de l’ONU un nouveau statut : celui d’état non-membre observateur. Ce statut, qui lui fédère le même rang que l’état du Vatican, constitue une grande avancée.

La Palestine, un Etat ?

Le vote a été acquis à une majorité de 138 voix pour, 9 contre et 41 abstentions
Crédits photo : JOHN MOORE/AFP

Mais deux questions demeurent aujourd’hui : la Palestine peut-elle être considérée comme un Etat à part entière ? Selon la Charte de l’ONU, « la reconnaissance d’un nouvel État ou d’un nouveau gouvernement est un acte que seuls les autres États et gouvernements peuvent accomplir […] L’ONU n’étant ni un État, ni un gouvernement, elle n’est pas habilitée à reconnaître un État ou un gouvernement. » Or, l’ambassadrice américaine à l’ONU, Susan Rice, a d’ores et déjà annoncé que pour les Etats-Unis, cette « résolution n’établit pas la Palestine comme un État. »

Un Etat peut être considéré comme tel sans être membre de l’ONU pour autant et son indépendance n’est pas forcément nécessaire. C’est le cas de l’Inde, devenue membre des Nations Unies en 1945 alors qu’elle n’a été déclarée indépendante du Royaume-Uni qu’en 1947. Selon la Conférence de Montevideo de 1933, « un Etat doit posséder une population permanente, un territoire défini, un gouvernement et la capacité d’entrer en relation avec d’autres Etats » quand un candidat à l’adhésion aux Nations Unies doit être un Etat pacifique, accepter les obligations de la Charte, pouvoir les remplir et accepter de les remplir. Comme la Palestine n’entretient pas de relations pacifiques avec le Hamas, pouvoir dirigeant à Gaza, qu’elle a mené des actions terroristes contre l’Etat d’Israël et qu’un article de sa charte fait référence au meurtre des juifs, son adhésion au Conseil de Sécurité de l’ONU comme Etat-membre, lui conférant le droit de vote, avait été refusée.

Une décision qui, donc, n’a aucun impact sur son statut ou non d’Etat. Cette reconnaissance est donc encore bien du « certificat de naissance de l’Etat de Palestine » qu’annonçait Mahmoud Abbas. La Palestine, Etat ou non ? La question a d’autant plus d’importance que, si elle était reconnue comme tel, la présence de l’armée israélienne en Cisjordanie serait synonyme d’occupation d’un pays par une armée étrangère et plus seulement de présence d’une armée dans un territoire occupé. Quelle différence ? Devant la Cour Pénale Internationale, les conséquences sont autrement plus lourdes. Une CPI qui a d’ailleurs annoncé devoir « étudier les ramifications légales de cette résolution » puisque seuls les Etats peuvent lui adresser une plainte. Dès lors, comment se positionner si Mahmoud Abbas se tourne vers elle pour dénoncer l’attitude d’Israël ? 

Des querelles qui n’en finissent pas

Deuxième question : cette reconnaissance est-elle une bonne nouvelle, au-delà de la situation au Proche Orient ? Si la paix ne semble désormais plus possible, cette étape pourrait pourtant apparaître comme favorable pour Israël puisqu’elle va dans le sens d’une plus grande internationalisation de la question palestinienne et qu’elle devrait offrir aux israéliens un partenaire de négociations responsable. Comme autrefois la Guerre Froide, les soulèvements du Printemps arabe ont un impact fort sur les équilibres de la région.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, montre une illustration où il décrit ses préoccupations au sujet des ambitions nucléaires de l’Iran lors de son discours à la 67ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies au siège de l’ONU le 27 septembre 2012.
/ AP PHOTO

Si Israël et 8 autres pays (dont les Etats Unis, le Canada et la république Tchèque) se sont prononcés contre un tel évènement, 138 pays, parmi lesquels la France, se sont alliés à la volonté palestinienne. Mahmoud Abbas président de l’autorité palestinienne, était présent lors du vote à New York, qu’il a ouvert par un discours d’exhortation générale dans lequel il qualifiait le nouveau statut probable de la Palestine comme la « dernière chance de sauver la solution à deux Etats ». Du coté arabe, la joie s’est fait ressentir, et l’espoir d’une égalité renaît.

Mais l’euphorie n’est pas partagée du côté israélien et les réactions ne se sont pas fait attendre. Ron Prosor, ambassadeur d’Israël aux Nations Unies, s’est empressé d’affirmer que le vote « ne faisait pas avancer mais reculer la paix ». Le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, ne veut lui rien entendre et ne daigne pas prendre en compte la décision de l’ONU affirmant qu’elle « ne changera rien sur le terrain. Il n’y aura pas d’Etat palestinien sans arrangements garantissant la sécurité des citoyens d’Israël ».  Il estime qu’en « présentant leur demande à l’ONU, les Palestiniens ont violé leurs accords avec Israël et Israël agira en conséquence ».

De fait, Netanyahou a annoncé dès le lendemain du vote la mise en place du projet E1, qui comprend la construction de 3000 logements supplémentaires dans les colonies situées en Cisjordanie. Les principales conséquences de ce projet sont la division de la Cisjordanie en deux et l’arrêt de l’évolution territoriale qu’espèrent les Palestiniens. Mahmoud Abbas a appelé l’ONU a condamné un tel dessein, ce qu’elle s’est empressée de faire. Laurent Fabius, ministre des Affaires Etrangères a également appelé Israël à s’abstenir. Pourtant, aujourd’hui encore, en visite officielle à Berlin, Netanyahou, face aux exhortations de la Chancelière Angela Merkel, ne faiblissait pas.

Mettant à exécution les menaces du chef du gouvernement, le ministre des finances Israélien Youval Steinitz a annoncé le 3 décembre que 460 millions de shekels (92 millions d’euros) censés revenir à la Palestine seraient bloqués. « Nous avons dit dès le début que le rehaussement du statut de la Palestine à l’ONU ne se produirait pas sans réaction de la part d’Israël ».

Laetitio Kombo