L’intox et la manipulation continuent. Les salariés sont prêts à se sacrifier, qu’on se le dise.
Là, vieille ritournelle, c’est le tour des chômeurs, les sales petits profiteurs du système, les gâtés pourris de la Société, les hyper protégés de la crise qui abusent de la protection sociale et plombent ainsi les entreprises et les grands groupes, plongeant les Français dans une crise sans fin. « Salauds de pauvres », oui bien sûr. Mais surtout « Salauds de chômeurs ».
Le site Actuchômage a décortiqué un journal de 20h de France 2, chaîne de service public paraît-il, et rapporte l’incroyable désinformation dont les journalistes sont capables à propos de ces victimes de la crise s’il en est.
Salariés, chômeurs, immigrés, malades, retraités, fonctionnaires, c’est la curée. On vous l’avait annoncé.
« Alors oui, il y a de l’info. Après nous avoir rappelé quelques chiffres (notamment que le montant moyen de l’allocation chômage s’élève à 1.140 €/mois, et que 52% des chômeurs ne sont pas indemnisés par le régime. Mais rien sur ceux, de plus en plus nombreux, qui survivent avec l’ASS ou le RSA, soit 15 €/jour), on nous alerte sur les intentions du Medef de revenir, une fois de plus, à la dégressivité des allocations.
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Quelques approximations sont à relever :
• Il faut avoir travaillé 122 jours MINIMUM — le mot n’est pas dit — pour ouvrir des droits. Cet oubli permet de laisser croire aux ignorants/abrutis qu’il suffit de bosser seulement 4 mois pour toucher 2 à 3 ans d’indemnités selon l’âge, ce qui est totalement faux. Mais cet oubli participe de l’ambiance générale d’un « dossier » qui vise à démontrer que la France est bien trop généreuse avec ses fainéants de chômeurs…
• Le commentateur dit que « l’an prochain, le régime devrait perdre 17 milliards d’euros ». Or, cette somme ne correspond pas à une perte sèche mais à son déficit cumulé depuis 2001 — car cette année-là et pour la dernière fois, l’Unedic fut légèrement excédentaire. Fin 2012, le déficit annuel s’élèvera en réalité à 2,6 milliards d’euros (32,6 milliards de recettes pour 35,2 milliards de dépenses d’indemnisation), puis à 4,1 milliards fin 2013 selon les prévisions de l’Unedic, qui ne semble pas s’inquiéter outre mesure…
• « Syndicats et patronat devront impérativement arriver à un accord d’ici à la fin de 2013″, dit le commentateur. C’est exact dans le cadre de la prochaine renégociation de la convention Unedic, mais pas dans celui de la « réforme du marché du travail » qui a lieu actuellement, bien que le Medef ait remis sur la table le projet d’une réforme de l’indemnisation en contrepartie d’une taxation de l’emploi précaire (à laquelle la CGPME semble favorable sous certaines conditions). Mais cette négociation, elle, doit aboutir d’ici fin décembre.
Passons !
Je vous invite en revanche à écouter attentivement le ton du commentateur lorsqu’il fait la liaison entre les arguments de Geneviève Roy pour la CGPME et ceux de Maurad Rabhi, négociateur de la CGT : « Pour eux, au contraire », dit-il en parlant des syndicats; toujours aussi givrés, ces mecs…
La stigmatisation en guise d’information
Et nous voici chez cette chômeuse-tricheuse, qui déclare ouvertement ne pas rechercher du travail parce qu’elle doit s’occuper de ses quatre gosses, de ses activités associatives, et que son mari gagne suffisamment pour faire vivre la famille. Rappelant que, de toutes façons, elle a cotisé suffisamment longtemps pour ça et que cette indemnisation est tout de même un droit. De quoi scandaliser le téléspectateur — qui, du coup, ne songe absolument pas à Lakshmi Mittal, ce super-tricheur, super profiteur et super-licencieur parmi tant d’autres, ni aux richissimes évadés fiscaux qui volent leur pays.
Chez Nouvelles de France, on s’est indigné qu’on stigmatise cette mère de famille nombreuse… parce qu’elle est catholique ! (Je vous laisse rigoler…) Pourtant, cette femme — qui n’a visiblement pas la religion du travail — a bien raison, après tout. Quel employeur brûle de la recruter, elle en particulier, dans ce contexte de crise où ils sont des millions à postuler en vain ? Si l’assurance chômage est un droit qu’elle a choisi de ne pas assortir de « devoirs », au regard de la situation du marché de l’emploi, est-il bien nécessaire de s’échiner ? Pourquoi la jugerait-on, elle, alors qu’on ne juge pas les entreprises qui suppriment des emplois par centaines bien qu’elles fassent des bénéfices ? (Au contraire, on leur trouve toutes les excuses du monde et on leur fait de la lèche.)
Et pourquoi l’avoir choisie, elle, bien que le commentateur ait glissé en passant que le fait de ne pas rechercher du travail en touchant des allocations ne concerne qu’ »une petite minorité de chômeurs » ? Le parti pris est donc évident.
Heureusement que Mathieu Plane de l’OFCE relève ensuite le niveau : non, la dégressivité des allocations n’est pas efficace, elle est même contre-productive, voire dramatiquement risquée en période de chômage massif. Ce n’est pas parce qu’on va réduire ou couper les vivres aux victimes du chômage — quitte à les plonger dans la misère — que celles-ci retrouveront plus vite un emploi… qui n’existe pas.
Quant à l’intervention de François Beaudonnet sur l’indemnisation du chômage en Europe, elle est mince : dire qu’ils sont si bien payés — par le contribuable… — pour se fatiguer si peu ! Il aurait pu creuser sa démonstration, comme l’avait fait Le Figaro en février dernier. Expliquer que depuis les années 90, quasiment tous les gouvernements ont durci à un moment ou à un autre leur système, préférant laisser leurs chômeurs survivre/crever. Résultat :
• Ces mesures, surtout les plus restrictives, ont accentué la précarité et la pauvreté sans faire reculer le chômage.
• Aucune corrélation entre durée/niveau d’indemnisation et taux de chômage n’a pu être vérifiée, les pays les plus «généreux» pouvant aussi bien afficher un taux de chômage honorable (Danemark)… que catastrophique (Espagne).
• De même, aucune corrélation entre chômage et coût du travail n’a pu être vérifiée, des pays au coût du travail très élevé (Suède, Danemark, Belgique) pouvant afficher un taux de chômage faible tandis que des pays au coût du travail très faible (Espagne, Portugal, Grèce…) battent de tristes records.
Et rien sur le rôle d’amortisseur de la protection sociale, ô combien précieux, qui permet aux plus démunis de participer un minimum à la consommation, sachant qu’en France 80% de l’activité économique est tirée par la demande intérieure. Sans ces prestations et revenus de transfert, nous serions depuis longtemps en récession !
France Télévisions à la botte du Medef
Plus besoin de l’UMP au pouvoir : comme un bon petit soldat nostalgique, France Télévisions, entreprise publique, se charge elle-même de poursuivre le travail de stigmatisation entamé par Sarkozy et sa clique. Son but inavoué : prouver par a+b que les mesures régressives du patronat sont les plus appropriées.
A France Télévisions, on a aussi droit tous les soirs à des gens comme Yves Calvi dont le “C dans l’air”, fortement marqué à droite et totalement décomplexé, reçoit toujours le même petit club d’invités/experts omniscients, des planqués surpayés qui vous parlent du chômage mais jamais des chômeurs (l’un des plus épouvantables, hormis l’éditocrate Christophe Barbier ou l’économiste Michel Godet, est Guillaume Roquette, un obsédé de la dépense publique qui ose dire sans vergogne que, pour s’en sortir, il faut laisser tout le monde crever !). Ces ultralibéraux nous poussent la sérénade avec la chanson de TINA chère à Margaret Thatcher : There is no alternative, matraquée jusqu’à l’écœurement.
Parfois, Yves Carvi est remplacé par le gentil Axel de Tarlé, VRP multicarte dont j’ai dénoncé ici le billet sur l’indemnisation du chômage en France publié il y a quelques semaines dans le JDD.
Ces gens ne nous informent pas : ils nous lavent le cerveau et tentent de liguer les Français les uns contre les autres, comme le fait le FN. Honte à eux ! Honte à la télévision publique ! »
Source: Actuchomage.org