Chouchou des médias Manuel Valls était l'invité jeudi soir de l'émission politique Des Paroles et Des Actes (DPDA). Une prestation en demi teinte où la revendication d'une ligne politique réaliste et efficace s'est cassée les dents sur la faiblesse de son socle des valeurs.
Pour tout homme politique qui aspire aux plus hautes fonctions, le passage dans une grande émission politique constitue un rite initiatique. Manuel Valls ne manque ni de plan de carrière ni de plan de communication. La présence dans son sillage de Stéphane Fouks président de l'agence EuroRSCG et ancien conseil de DSK, confirme son côté prometteur. Comme le résume si bien Eric Cantona, "quand les mouettes suivent le chalutier, c'est qu'elles pensent que des sardines seront jetées à la mer".
Mais peu importe finalement l'ego légèrement surdimensionné du ministre de l'intérieur. Manuel Valls s'aime et c'est finalement mieux ainsi. Il ne suffit pas toutefois d'accrocher le portrait de Clemenceau dans son bureau pour être le nouveau Tigre. Le côté félin est pourtant omniprésent. Toujours apte à ronronner quand on le caresse, capable de faire patte de velours avec la droite et de donner un coup de griffe à la gauche archaïque, Valls à peut être du chien mais il a surtout du chat. Cet animal domestique qui vient au moment du repas se frotter dans les jambes pour quémander, poliment, quelques croquettes.
Avec une réelle dextérité le ministre de l'intérieur a ainsi réussi le tour de force d'afficher sa loyauté envers le chef du gouvernement sans pour autant désavouer frontalement le ministre du redressement productif. Rocardien sous Rocard, Jospinien sous Jospin, Ségolèniste le temps de la campagne présidentielle perdue de 2007, Valls est aujourd'hui le plus Hollandais des membres du gouvernement. Comme son nouveau mentor, Valls revendique une forte capacité d'adaptation, un côté caméléon qu'il préfère désigner par le terme de pragmatisme. Exemple avec les 35 heures dont il fût "très fier" avant de les pourfendre, réalisme et efficacité obligent.
Sur le dossier Florange, l'ancien maire d'Evry a livré une analyse des plus froides, typiquement technocratique. "Il s'agit de regarder le monde tel qu'il est (...) il faut des solutions réalistes, efficaces, il n'y a pas de place pour le romantisme", a-t-il indiqué. Quelle chaleur, quelle compréhension attendre d'un homme qui à 50 ans n'a jamais eu d'activité professionnelle en dehors de la politique ? Valls, incarne à cet égard, quelques puissent être ses qualités personnelles et humaines, un socialisme de salon, désincarné, coupé du terrain, des souffrances des hommes et des femmes qui se cachent derrière les chiffres et les statistiques.
Reste une question lancinante, en filigrane de toute l'émission d'hier soir. Peut on incarner la nouvelle gauche et l'avenir du PS en se baignant idéologiquement dans les eaux de la droite ?
Si Valls ne se distingue de la droite ni sur les questions de sécurité, ni sur les questions d'immigration et encore moins sur les questions économiques - "Il faut de la souplesse, il faut de la flexibilité" en matière économique a-t-il indiqué – que reste-t-il ?
Dans le doute et le brouillard, il faut toujours revenir aux fondamentaux, aux valeurs. La confrontation avec les idées du Front National était donc attendue.
Las, force est de constater que l'échange avec Marine Le Pen a tourné à l'avantage de cette dernière. Le ministre de l'intérieur s'est fait totalement débordé par une dirigeante frontiste, pourtant mauvaise, qui aura réussi à clouer le bec de son interlocuteur par une citation tronquée et détournée de René Cassin, l'un des auteurs de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.
Un homme sans valeurs est un homme sans racines et sans boussole. Faute de culture politique et historique, faute d'épaisseur peut être, Manuel Valls a été incapable de désamorcer la bombe à neutrons du FN qui repose sur la confusion des idées et des valeurs.
Le pire c'est que la plupart des observateurs considèrent que Valls a réussi médiatiquement sa prestation alors qu'elle a été indigente idéologiquement. Plus que jamais, entre désunion à droite, désillusions et manque de fond à gauche, le FN a un boulevard devant lui.