J’ai découvert Christopher Wool l’été dernier, un peu par hasard. Je me trouvais au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, et je venais de passer deux heures à jouer des coudes dans l’exposition hyper fréquentée de Robert Crumb. Par curiosité, j’ai fait un dernier crochet par une salle consacrée à Christopher Wool. L’exposition était déserte, je me retrouvais alors interdite face à ces toiles qui se dressaient dans une atmosphère très austère.
Christopher Wool, sans titre, 2010. Encre pour sérigraphie et peinture à l'émail sur toile de lin. 320,04 x 243,84 cm. © L’artiste et la galerie Gagosian , New York
En raison de l’absence de titre, de couleur, de forme définie et de matérialité, ces œuvres monumentales peuvent sembler difficiles à appréhender. Cependant, lorsqu’on s’en approche, on distingue différentes strates superposées qui témoignent d’un processus de création complexe et chaotique. L’artiste procède successivement à une multitude de techniques avant d’arriver au résultat final. Dans un ordre difficile à déterminer, les toiles peintes à la bombe, au rouleau, sont photographiées, retouchées par ordinateur, puis reproduites à l’aide de la sérigraphie, et à tout moment à nouveau recouvertes de peinture. Le processus de création est donc central dans le travail de Christopher Wool qui affirme : « Je suis plus intéressé par la question de savoir comment peindre que quoi peindre. »
L’artiste, né à Boston en 1955, a été très influencé par la contre-culture new-yorkaise lorsqu'il s'installe à New York en 1970. Ainsi, il cite Andy Warhol par son utilisation de la sérigraphie, et la peinture en bombe rappelle l’esthétique marginale et urbaine de cette époque, âge d’or de la scène punk. Esthétique qui se rapproche également de celle des tableaux de Jackson Pollock. Or s’il est vrai qu’ici la toile a permis de suspendre les gestes de l’artiste, ceux-ci ont été dépouillés de toute portée expressive suite aux procédés déshumanisés et aléatoires mêlant intentions spontanées de l’artiste et hasard de la machine auxquels cette toile a été soumise. Cette œuvre qui semble donc s’apparenter à l’Action Painting en est le strict opposé.
La contradiction est un autre aspect majeur de la peinture de Christopher Wool. Par endroit, la peinture a été frottée avec un linge imbibé d’essence de térébenthine. Geste d’effacement, mais geste d’ajout. Car c’est cette succession d’altérations dans un système à première vue autodestructeur de la peinture qui a bel et bien produit le tableau. Quand il arrive sur la scène artistique en 1980, dans une atmosphère avant-gardiste, en total rupture avec l’histoire de l’art moderne, tout le monde prédit la fin de la peinture. Pourtant, c’est en mêlant procédés traditionnels, modernes et contemporain, composition et improvisation, destruction et construction, que Christopher Wool renouvelle encore la peinture au XXIe siècle.
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