Larcenet © Dargaud – 2012
La troisième déflagration de Blast a retenti dans les bacs de nos libraires en octobre dernier.
Qu’advient-il de Polza dans ce nouvel opus ? Son interrogatoire se poursuit, toujours mené par le même duo de flics. Mais cette fois-ci, les règles changent un peu. Ils demandent à Polza, la grasse carcasse, de passer sous silence les derniers détails concernant la période où il a vécu sous les ponts.
Il est temps de parler de Carole. « On est les derniers à s’intéresser à toi au-delà de ce que tu as fait » lui disent les flics pour le forcer à passer aux aveux…
« On est les derniers à s’intéresser à toi »…
Ces propos des deux enquêteurs portent les attentes du lecteur. Rappelons que depuis deux tomes, ce même lecteur est cuisiné par Polza qui retarde avec tact le moment de passer aux aveux. Le ton change donc radicalement : les flics sont plus directifs qu’à l’accoutumée et Polza entend que l’heure tourne.
Il accepte donc de taire quelques semaines de sa vie et poursuit le récit de son errance. Son parcours chaotique le conduit à être hospitalisé dans un service de psychiatrie. C’était le dernier élément à introduire. Dès lors, Larcenet a placé toutes les pièces de son échiquier. Polza est au pied du mur… On sent que le dénouement est proche, mais le personnage, désormais habitué à la confidence, passe à l’introspection et se livre à cœur ouvert, avec franchise et sans pudeur. Manu Larcenet a si bien préparé son lecteur qu’on remarque à peine que le cadre de l’interrogatoire a volé en éclats. Le personnage ne se contente pas de relater les faits. Il revit les événements avec un léger recul qui donne davantage de profondeur à ses propos, souvent présents par le biais d’une voix-off. Il est à la fois narrateur et acteur. Dans la déposition qu’il fait devant les flics, il n’élude aucun protagoniste, aucune réflexion qu’il a pu avoir ou aucune sensation qu’il a ressentie. Tout est là, des odeurs aux peurs. Il relate même ce moment qu’il a passé devant un miroir et durant lequel il a observé avec dégoût son corps flasque. On pénètre en profondeur dans la personnalité de Polza : il nous parle du souvenir de son père, de la relation qu’il avait avec lui, de son corps qui lui fait mal… de son cœur encore capable d’aimer…
Polza souffre, on en prend toute la mesure dans cet album. J’aurai presque envie de le défendre, malgré ses pulsions, malgré ses accès de folie. Il est touchant. Larcenet s’amuse de notre naïveté. Il savait qu’en nous imposant cette image d’un colosse obèse, on baisserait la garde. Il savait certainement qu’on tomberait dans le panneau et qu’il pourrait nous achever, grâce à quelques coups narratifs bien placés. Durant la lecture, on est pris dans la tourmente de Polza. Certains visuels donnent envie de détourner les yeux, moments insoutenables insoutenables. Larcenet orchestre parfaitement le scénario ; d’un coup de baguette, il campe une ambiance : peur, quiétude, amusement… et amenant presque le lecteur à être un des acteurs de cette histoire.
Au terme de ce troisième tome, à environ 600 pages de la première planche de Blast, l’intrigue est toujours préservée. On ne peut que supposer divers dénouement possibles mais le caractère imprévisible du personnage ne nous permet pas d’avoir de réelles certitudes…