Chaque fermeture de site est et sera un drame. Nul doute que l'affaire de Florange est devenue un symbole. L'ancien monarque avait joué les bravaches à Gandrange puis à Florange, avant de battre piteusement retraite et de se planquer à l'Elysée. Pas même un ministre ou un secrétaire d'Etat ne s'était ensuite rendu sur place.
Florange est un symbole. Et aussi un sabotage.
1. C'est l'un des symboles de la Présidence immature. Faute de mieux et contre l'absurde fermeture du site, salariés et supporteurs en appellent à l'actuel locataire de l'Elysée comme au sauveur suprême. Sarkozy s'était pris au jeu. Hollande s'en était presque gardé. Mais le show a repris ses droits. Jean-Marc Ayrault, et indirectement François Hollande, se sont pris dans ce dossier inextricable: nous reprochions à Sarkozy de surjouer le volontarisme, puis de traiter les représentants des salariés de traîtres et de voyous. L'actuel président n'a pas joué à si grave mais a été pris dans l'engrenage.
2. Le contrôle public du site était une voie de sortie. Temporaire sûrement sauf à penser que l'Etat est aujourd'hui l'entrepreneur de dernier recours. A gauche, certains pensaient que l'Etat devait au contraire assurer d'innombrables services publics essentiels au bien-être que quelques décennies de libéralisme rentier ont préféré livrer par morceaux à la libre entreprise. Cette piste a été caricaturée (retour de l'Etat actionnaire), médiatiquement sabotée.
3. La nationalisation n'aurait pas créé de débouchés pour autant. Comme l'a dit Aurélie Filippetti, en tant qu'ancienne élue de Moselle, elle aurait permis de gagner du temps pour trouver un repreneur. Les deux mois accordés par Mittal en octobre, délai qui expirait vendredi dernier, étaient largement insuffisants. Florange, même sous contrôle public, aurait connu son lot de difficultés, et une autre course contre la montre.
4. Une autre piste avait été avancée par Arnaud Montebourg. Elle a été balayée, arbitrée, éteinte par Jean-Marc Ayrault sans que l'opinion, les médias et quelques autres puissent s'en faire une idée plus précise. Du coup, elle reste une hypothèse crédible dans l'esprit de beaucoup. Dans le monde réel, l'action nécessite parfois de la durée, une durée que le temps médiatique ne donne plus.
5. Le premier ministre a lui-même présenté l'accord avec Mittal aux représentants du site. Le gouvernement a accepté, à tort, l'échéance du sidérurgiste Mittal. Ayrault a préféré un accord imparfait (pas de plan social) plutôt que d'assumer (1) un refus ou (2) un échec.
6. Pire, comme nous vivons désormais dans la République immédiate, il fallait que le document de l'accord fuite quelques heures avant la rencontre. Histoire d'ajouter de la pression médiatique et sociale juste avant. Nous aimerions savoir combien sont-ils celles et ceux qui aimeraient voir saboter un moment de dialogue. La publication anticipée de l'accord a permis à la rage de s'exprimer sans débat ni échange. Dans les cours de négociation, on appelle cela pressurer l'adversaire. Cette pression est d'autant plus efficace quand les alliés agissent de manière involontaire. En hurlant contre Ayrault avant même qu'il ne s'exprime, on n'agit pas.
7. Florange sera aussi un symbole de résistance ouvrière contre un capitaliste mondialisé. Et ce depuis le début. Jeudi 6 décembre, comme un ultime outrage, le groupe sidérurgiste annonçait qu'il retirait la candidature du site au projet Ulcos, tout en assurant de « sa volonté de poursuivre le projet de recherche ». Un « enfumage » de plus, comme l'a dit Edouard Martin, figure CFDT emblématique du site. Les salariés du site ont décidé d'occuper les hauts-fourneaux. Le premier des saboteurs s'appelle Mittal. Lakshmi Mittal.
La crise ne s'arrête pas à Florange.
C'est bien là le problème.