…ou le mortel ennui de Petite Poucette, de Michel Serres
A en croire les médias, la jeunesse actuelle semble échapper à notre compréhension. Génération Y, hyper connectée à Facebook et rivée à son smartphone, la génération des 15-25 ans est présentée comme un monstre à deux têtes effrayant car inconnu et indomptable. Alors quand un grand penseur de notre époque nous propose de la décoder, on applaudit. Avant de s’endormir, bercé par la logorrhée de Michel Serres.
Pourtant ça commençait bien : dans la première partie, Michel Serres est à fond dans son sujet, enthousiaste pour cette jeunesse de tous les possibles. Le monde à changé en cinquante ans, les jeunes doivent tout réinventer et ils ne s’en sortent a priori pas si mal. Nous voilà réconciliés avec la nouvelle génération, prêts à remiser aux placards nos « de mon temps, c’était pas comme ça ». L’auteur nous décrit une société pleine de perspective, et en ce sens rejoint l’analyse de Jean-Louis Servan Schreiber dans Aimer (quand même) le XXIè siècle. Ils sont en phase, c’est rassurant.
Qu’est-il arrivé à Michel Serres dès la deuxième partie, traitant d’un sujet sérieux : l’école? Le voilà parti dans un lyrisme complètement inapproprié qui ne le quittera plus pendant les 70 pages qui restent à lire. Et appréhender des phénomènes de société, les décrypter, les comprendre et les analyser nécessite un langage un peu plus précis et terre-à-terre que la prose incontrôlée qui s’empare de la plume de l’auteur. C’est terrible, l’essai devient illisible, l’agacement le dispute à la déception face au sentiment que Michel Serres, finalement, se gargarise de ses envolées pseudo-poétiques.
Finalement, difficile de vous dire qui est cette Petite Poucette et comment on va pouvoir mettre en place cette collaboration entre génération, promise en quatrième de couverture.
JE VOUS LE CONSEILLE SI…
… le sujet vous intéresse, car peut-être serez-vous plus sensible que moi au style de l’auteur. 83 pages, me direz-vous, ce n’est pas la mer à boire. reste que je me suis noyée quand même…
EXTRAIT :
Un constat qui ne touche pas que la génération de Petite Poucette, mais également celle qui est née dans l’opulence des Trente Glorieuses:
Quelle littérature, quelle histoire comprendront-ils, heureux, sans avoir vécu la rusticité, les bêtes domestiques, la moisson d’été, dix conflits, cimetières, blessés, affamés, patrie, drapeau sanglant, monuments aux morts…, sans avoir expérimenté, dans la souffrance, l’urgence vitale d’une morale?
VOUS AIMEREZ PEUT-ÊTRE :
Aimer (quand même) le XXIè siècle
de Jean-Louis Servan-Schreiber
Les années
de Annie Ernaux
Clair, concis, avec de l’humour, une réussite! Pour la beauté du style qui met en valeur la description de l’évolution de la société au sortir de la guerre