Alors après quelques publies sur des édifices qui valent vraiment la peine, cette fois-ci je vous publie une publie sur un édifice qui vaut la peine un peu moins. Alors attention, ce n'est clairement pas quelque chose de négatif, et ne le prenez pas au sens "nul, y a rien à voir". Du tout, et bien au contraire. Y a évidemment à voir. Ben tiens, sinon je n'y serais pas allé et je ne serais pas en train de vous en faire une publie aujourd'hui.
Y a juste que les amateurs de fabuleux et d'exceptionnel dont regorge mon blog ne trouveront pas cette fois-ci matière à chavirement hystérique. Enfin bon, lisez-voir d'abord et lapidez-moi ensuite si vous le jugez congru.
La toute première fois que j'en entendis parler (écrire) de l'église St Pierre et Paul de
"Volyně", ce fut dans les pages du formidable site
"ProPamatky". L'accroche disait en substance
"des bénévoles essayent de sauver un monument exceptionnel dans les monts Métallifères (
"Krušné hory" en Tchèque,
"Saltusbohemicus" en Latin et
"Erzgebirge" en Allemand). Excellent me dis-je, faut que j'aille voir de quoi qu'il en retourne.
Je pianotai alors quelques lignes aux membres de l'
association pour la sauvegarde de l'église, genre visite, dates, photos... et je reçus une réponse des plus enthousiastes qu'avec grand plaisir, de quand que j'veux, et combien de sucres dans mon café. A nouveau chers lecteurs, il est des gens en ce monde que c'est un pur bonheur en satin de s'adresser à (contrairement aux pisse-vinaigre, casse-enthousiasme et autres étroit-de-l'anus, que les aléas de l'infortune interposent en travers de mon chemin). Malheureusement ces gens sont rares, et je continue à me demander comment est-il possible que dieu ait pu introduire autant d'imbéciles sur cette planète sans que le St esprit ne lui ait mis son pied au...
Bref, mes guides furent absolument délicieux, et je remercie ici tout particulièrement Klara avec qui j'eus le plaisir d'Emailer, Michaela, présidente de l'association et guide-en-chef dans cette découverte, ainsi que leur chauffeur (ainsi se présenta-t-il) dont j'ai oublié le nom mais qui fut tout autant affable et sympathique que les actrices principales.
Non seulement nous eûmes droit à la visite guidée, détaillée, passionnée, rien caché, tout montré et photographié, mais nous eûmes également droit à des offrandes: cartes postales, dépliants divers et même un pain d'épice aux formes de l'église St Pierre et Paul. Merci braves gens, encore une fois merci pour votre accueil, pour votre enseignement, pour vos gracieusetés et pour votre dévouement à la sauvegarde d'un minuscule petit bout de notre patrimoine culturel mondial thèque.
Permettez-moi maintenant de vous présenter les éléments indispensables à la compréhension du présent sujet.
Les monts Métallifères
Il s'agit d'une moyenne montagne (hauteur maxi 1244 m) de 130 x 40 km le long de la frontière entre la Bohême et la Saxe.
D'un point de vue industriel, les
monts Métallifères sont la plus importante source de charbon du pays (pour les centrales électriques). On y fabrique encore de la chimie cancérigène, et auparavant, avant que la Chine n'invente la concurrence déloyale, on y fabriquait aussi du verre et de la porcelaine. Aujourd'hui la région est sur-chômagée, économiquement moribonde et sans réelle perspective d'avenir dans l'immédiat proche. Point important: depuis la chute du con-munisme, on fabrique céans de la misère en déportant nos Rom de contrées prospères et financièrement lucratives vers ces villes noires et tristes où personne ne souhaite vivre de son plein gré. Le choc ethnique entre les uns et les autres est ici constant.
Les villes importantes:
"Most",
"Ústí nad Labem",
"Chomutov",
"Litvínov",
"Děčín".
Ces noms évoquent auprès des Tchèques ce que Creutzwald, Merlebach, Carling, Freyming, ou Longwy évoquent auprès des Français: Cosette vivant chez Maheu dans le
Londres du XIX ème siècle. Notez cependant que
"Karlovy Vary" ou
"Kadaň" appartiennent également au bassin des
monts Métallifères, mais là on se parle de tout autre chose. Maintenant la région fait un effort considérable, louable et particulièrement efficace afin promouvoir le tourisme, et malgré le côté sombre que je viens de vous dépeindre (un peu poussé, je l'avoue), il est des villes-villages splendides qui méritent assurément le détour.
Notez que la région (
"Ústecký kraj") vient d'élire un con-muniste au poste de préfet aux élections régionales (Octobre 2012), ce qui en dit long sur le niveau de désespoir de la majorité des indigènes comme sur leurs facultés intellectuelles (en particulier sur la faculté de mémoire).
Et j'en reste là des élections régionales, sans quoi je risque d'accroître dangereusement ma tension artérielle.
Maintenant le point le plus important pour notre histoire, c'est que les
"Erzgebirge" faisaient partie des
Sudètes, et à la fin de la seconde guerre mondiale, la population chuta effroyablement suite
à l'expulsion des Allemands (certains villages furent totalement dépeuplés). Sans entrer dans la polémique, je rappelle juste aux lecteurs que l'expulsion des Allemands (mais aussi des Hongrois) avait été décidée à la
conférence de Potsdam par les "puissances (alliées)", et comme pour les
accords de Munich, personne n'avait auparavant demandé à la République Tchécoslovaque ce qu'elle en pensait.
En expulsant donc de son territoire les pauv' gens, le méchant gouvernement tchèque ne fit rien d'autre que d'appliquer ce que les bons Américains, Russes et Britanniques avaient décidé entres-eux, sans concertation d'avec personne.
Volyně
Sous-bourg dans lequel se situe notre église St Pierre et St Paul. Attention, il existe un vrai bourg
"Volyně" près de
"Strakonice" en Bohême du Sud. Le
"Volyně" dont on se cause ici appartient au bourg de
"Výsluní". Selon mes sources, la première mention du sous-bourg (du notre) comme de l'église daterait de 1384, et ce sous le label
"Wolaw". Une seconde mention serait faite sous
"Wolow", puis sous
"Wolynye" (en 1431). Je n'ai retrouvé aucune de ces références dans mes archives, et pourtant j'ai fouillé:
"Codex diplomaticus Bohemiae",
"Regesta Bohemiae et Moraviae",
"Fontes rerum Bohemicarum",
"Archiv český",
"Městské listáře a listináře"...
Rien, pas un seul
"Wolaw",
"Wolow" ou
"Wolynye". Je ne peux donc pas vous dire grand chose sur ce sous-bourg au moyen-âge. Quelques informations selon mes sources cependant.
Au XIV ème siècle, le bourg appartenait à la famille
"ze Šumburku" (i.e.
"Schonenberg",
"Schonburg",
"Symburg"...), famille qui ne laissa pas vraiment de trace dans l'histoire du pays sinon qu'elle coquetait joyeusement avec la Saxe, obligeant les rois/princes de Bohême à venir plusieurs fois les calmer manu militari. En
"Volyně" se trouvait un maïorat. Parenthèse, un "maïeur", qui devint plus tard en France un "maire" était une personne qui, dans la féodalité, représentait le seigneur sur les terres d'icelui avec tous les pouvoirs, risques et obligations que cela comportait.
En Allemand, "maïeur" se dit
"Vogt" (du latin
"Vocatus", participe passé de
"Vocare", appeler, nommer, dans le sens titulariser, attribuer fonction, investir de...) et la définition (
"Der Vogt regiert und richtet als Vertreter eines Feudalherrschers in einem bestimmten Gebiet im Namen des Landesherrn") vous explique pourquoi en Tchèque le maïeur se dit
"Rychtář" (
"regiert und richtet"). Fin de parenthèse. Donc y avait céans un maïorat héréditaire, avec droit de brassage et licence de débit. Le village fut dévastépillé lors de la guerre de 30 ans, mais reconstruit après. Au XIX ème siècle on pouvait trouver 2 écoles en
"Volyně", et fin XIX ème même une brigade de pompiers volontaires. Le déclin advint après la seconde guerre mondiale. Alors qu'en 1930 le sous-bourg comptait 331 habitants, 296 en 1939, il n'en comptait plus que 54 en 1947 après le déménagement de la population majoritairement allemande.
Aujourd'hui, et malgré que
"Volyně" soit un lieu de villégiature en saison propice où nombreux citadins possèdent une maison de campagne, seule une et unique personne réside de façon permanente au hameau (information communiquée par les guides).
D'un point de vue géographique,
"Volyně" se trouve sur une ancienne route commerciale dite
"Přísečnická stezka", qui menait depuis
Prague par
"Louny",
"Kadaň",
"Volyně",
"Přísečnice" et continuait sur
Leipzig (en Saxe).
"Volyně" était le dernier bourg avant les sommets (en venant de Prague) qui culminent à 875 m au dessus du niveau de la mer. Ce n'est certes pas bien haut vu des Alpes, cependant encore aujourd'hui, ce sous-bourg est le fin fond du monde pendant 6 mois, car la route s'arrête là, coupée par la neige. Notez que le bourg
"Přísečnice" n'est plus, noyé sous les eaux du barrage homonyme construit par les con-munistes dans les années 1974.
Il s'agissait néanmoins d'un bled plutôt important, car déjà en 1335, Jean le borgne de
Luxembourg (papa du bon roi Charles IV) libérait du droit de douane les pauv' boug' qui se rendaient depuis la Saxe vers
"Louny" en passant par
"Přísečnice" (
"Presnitz", cf.
"Regesta Bohemiae et Moraviae, 185, p 71. 1335, 1 Aug. Pragae. Johannes, B et Pol. rex ac Lucemburg. comes, homines diem forensem in Chomutow frequentantes a teloneo in via Presnitz ducente in civitatem Lunensem liberat."). Quelques années plus tard (XIV ème siècle) furent ouvertes céans des mines d'argent, et encore un peu plus tard un hôtel de la monnaie. Au fil des siècles, il s'y trouvait tout ce qui doit se trouver dans un bled digne de ce nom: une mairie, un château, une école, et... et une brasserie. Fin XIX ème siècle, le bourg comptait même 3 moulins, une scierie, une fabrique de meubles, une fabrique de bardeaux, et... et deux brasseries. Eh oui. Aujourd'hui tout est noyé sous plusieurs mètres de flotte.
L'église St Pierre et Paul
Décidément, trouver des sources historiques concernant
"Volyně" ou la famille
"ze Šumburku", c'est la peste et le choléra. Sans dec, j'ai rarement vu un tel vide dans les archives. J'ai bien trouvé un
vieux parchemin dans les archives de la couronne de Bohême où le bon roi Charles octroie à la famille
"ze Šumburku" divers châteaux, dont celui de
"Přísečnice" (cf.
"Karl, der Römische König und König von Böhmen, verleiht Fridrich und Bernhard von Schönburg die Burgen Hassenstein, Schlettau und Přísečnice als Lehen der böhmischen Krone."), mais
"Volyně" et St Pierre et Paul, keud nada.
Bref, selon mes charmants guides, la construction de l'église remonterait à la fin du XIII ème siècle. De cette période daterait l'abside rectangulaire fermée en hauteur par une simple voûte d'arêtes. La nef unique serait globalement de la même période, peut-être un peu plus jeune mais à peine. Par contre la sacristie date du XVIII ème siècle, et fut construite à la demande du curé baroque fatigué de trimbaler le fourbi de la messe depuis chez lui jusqu'à l'église puis se changer derrière icelle par tout temps. Au XIX ème siècle l'on rajouta encore au Sud un hall d'entrée extérieur pour le contrôle des billets, et l'on perça les larges fenêtres dans la nef (et dans l'abside aussi, mais moins larges). Aujourd'hui il reste un bout de fresque gothique (époque Charles IV) dans l'abside qui représenterait un (des) saint(s). Il semblerait de plus que la couche de peinture "moderne" (baroque et XIX ème siècle) cache en dessous les restes des fresques XIV ème. Ensuite et toujours dans l'abside se trouvent 2 croix consécratrices peintes afin de cacher les traces de chrême gras dont le mitré maladroit éclaboussa les murs lors de la consécration de l'église.
En période baroque, l'église subit ses plus grands chamboulements. Un mètre de mur fut ajouté à la nef, 50 cm à l'abside, et une nouvelle toiture fut posée. Fin XVII ème siècle fut construite la fameuse sacristie qui, du fait de sa médiocre qualité, dut être entièrement reconstruite en milieu du siècle suivant. L'on rajouta également une tribune d'orgue à l'Ouest et des tribunes à bigots sur les murs latéraux. Le mobilier fut presqu'entièrement remplacé suite à quoi le curé prévoyant procéda à un inventaire complet (en 1754). Ainsi l'on peut lire:
- 1751, un retable à l'image de Jésus Christs avec apôtres St Pierre et Paul.
- Un retable latéral de la
vierge Marie de la montagne sainte (laquelle? Chaque seconde montagne en Bohême se nomme "montagne sainte").
- Un goupillon, une serviette, une brosse en poils de blaireau, un tube de vaseline...
L'on en profita également pour remettre un coup de peinture, et encore aujourd'hui vous pouvez admirer les fresques baroques de
"Anton Fux" (inconnu de mes archives) sur les voûtes de l'abside comme sur l'arc séparant icelle abside de la nef.
Pis c'est globalement tout ce qu'on peut dire sur l'église St Pierre et Paul de
"Volyně". Après la seconde guerre mondiale et le déplacement des populations allemandes, le bourg ne fut jamais repeuplé comme avant, et l'église commença à se détériorer. Encore en 1957, le mobilier de l'église se trouvait plus ou moins tel qu'avant la guerre. Mais vers la fin des années 50, les bancs furent retirés et l'église devint un grenier à blé. Au fur et à mesure, le reste du mobilier était déménagé dans les églises de
"Přísečnice" desquelles l'on perdit toute trace lors de la construction du barrage. Dépeuplé,
"Volyně" fut retiré du cadastre des communes en 1979, et son église laissée en proie à l'abandon et au vandalisme. En 1983, l'édifice devait même être détruit, mais cela n'arriva point, sans doute de par l'éloignement, les difficultés d'accès, et surtout de la charge de travail inutile. Dans les années 1990, après la chute du con-munisme, tout ce qui pouvait être pillé le fut, jusqu'aux dalles en marbre sur le sol. En 2008 et sous l'insistance de l'église catholique, l'édifice fut à nouveau inscrite au cadastre lui conférant ainsi une existence juridique, et depuis, l'
association pour la sauvegarde de l'église s'acharne à redonner allure et prestance à l'une des 3 dernières églises gothiques du district de
"Chomutov" (avec St Anne de
"Křímov" et St Jacques de
"Louchov").
Epilogue
Pis c'est en écrivant cette publie que je découvris qu'il se trouvait aux abords de l'église 2 croix expiatoires. Quoi? Et je ne le savais même pas lors de ma visite? C'te graine de courge
OGM que j'suis, sans dec? Moi qui collectionne les photos de ces
chefs-d'oeuvre muets qui nous rappellent que la vie n'est pas un long fleuve tranquille, ben j'ignorais la présence de ces 2 croix. Les boules ganglionnaires des boyaux lymphatiques. Ceci-dit ça me donnera une bonne raison pour retourner dans la région, quand il y fera beau et soleil.
Alors bon, je ne peux pas cette fois-ci vous inviter à vous y rendre, parce qu'il n'y a pas (encore) grand chose à voir (sans doute une fois l'église retapée), et parce que c'est généralement fermé aux visites (sauf sur RDV, volynskykostel[agro-base]seznam.cz).
Maintenant si vous passez dans le coin, dans le cadre d'une visite de
"Kadaň" et de
"Klášterec nad Ohří" par exemple, au printemps ou en été, faites-y un saut. De un, vous vous ferez une idée d'à quoi ressemble le bout du monde, et de deux, vous aurez de bonnes chances de tomber sur les membres de l'association occupés à quelque chose sur l'église. Sinon rien ne vous empêche de contribuer aux bonnes oeuvres de l'association (personnellement j'ai contribué). Envoyez vos dons sur le compte:
4178440001 / 5500 si vous résidez en République Tchèque,
IBAN: CZ17 5500 0000 0041 7844 0001 (BIC/SWIFT: RZBCCZPP) si vous résidez à l'étranger.
Alors à votre bon coeur chers lecteurs, car même les petits ruisseaux apportent leur pierre à l'édifice des grandes rivières. L'église St Pierre et Paul de
"Volyně" se trouve là: 50°26'55.162"N, 13°12'44.742"E