Après s’être intéressés à son passé, étudions le présent et le futur de Versace, et notamment ses évolutions en matière de direction artistique et de stratégie.
Le style
Donatella est toujours là à 57 ans… c’est incontestable.
On ne peut passer à côté de son air de jeune fille en fleur ! Cependant, force est de constater que d’importants changements sont survenus au sein de la direction artistique, consacrés par la collection automne hiver 2010.
Versace FW10
Versace FW10
Versace FW10
Versace FW10
C’est selon moi la meilleure collection de Versace, et sans doute l’une des meilleures que j’ai pu voir (toutes marques confondues).
L’homme Versace a des allures de biker venu du futur. Les cuirs sont ciselés au laser, enduits, cloutés sous la matière. Les costumes toujours impeccablement taillés font eux aussi un bond dans le temps, comme le montre un ensemble 3 pièces composé notamment d’un veston en cuir vernis, finement surpiqué et ciselé.
Structurés, très innovants et audacieux, les looks de cette collection atteignent un très haut niveau de qualité et de design.
Mais le changement ne s’arrête pas là, et va crescendo. Les costumes se parent d’applications en cuir texturé et de ceintures à sacoches. Puis tout à coup, on revoit les imprimés baroques apparaître, et avec eux un certain sens de l’exubérance. Et ça continue, on ose l’imprimé floral sur le costume qui perd toute forme de sobriété, comme l’explosion d’une personnalité nouvelle dont l’apothéose nous fait alunir à la collection de l’été prochain, où Versace ose tout : un gladiateur en tunique brodée de perles dorées et de fils d’or, des cuirs pastel et aluminium, et des ensembles aux tissus micro imprimés bardés de sangles en cuir doré.
Versace
Versace
Versace
Versace
Versace
Versace
Versace
Voilà Versace aujourd’hui… décadent, fou…et finalement importable.
La qualité est toujours là, pour cette marque qui n’est pas (encore) touchée par la délocalisation, assurant ainsi un très haut niveau de technicité dans le travail et l’assemblage des matières. L’homme Versace est poussé très loin dans l’excentricité, sans doute trop pour la plupart d’entre nous, mais cette forme d’excès dans la création fait de Versace une marque faite pour tous ceux qui ont déjà tout vu, tout porté, tout essayé.
Un choix artistique qui permet à la marque de revenir sur le devant de la scène pour, peut être, s’assagir encore d’ici quelques années…
La stratégie
Ces énormes bouleversements ne s’arrêtent pas au « retour aux sources » assez folklo de la marque.
Nous en avions parlé, la ligne Versus a également été relancée sous la direction de Christopher Kane. Nous apprenions cependant récemment que le jeune créateur quitte la marque, après 6 ans de collaboration, pour se consacrer à sa propre ligne et non pour rejoindre Balenciaga, selon plusieurs démentis…
Pour le remplacer, la marque fera appels à de jeunes créateurs et souhaite rompre avec le calendrier de la mode et même des saisons, en présentant ses collections hors fashion week. La marque présentera ainsi en Avril 2013 une collection dessinée par Jonathan Anderson.
Le tout baignant dans une stratégie « digitale » selon la direction de la communication du groupe. A côté de cela, les défilés de la ligne de haute couture ont également repris en juin au Ritz, avec tous les investissements que cela nécessite, même si Atelier Versace n’a jamais totalement cessé son activité.
Les choix de Ferraris semblent donc gagnants, la société reprend son souffle. Le plus représentatif de ce que va être Versace dans un futur très proche est incarné par son rapport au web et sa conception de la distribution.
La marque a toujours su se rendre désirable, car discrète, voire secrète, tant le nombre de ses points de vente était restreint, et sa présence sur les sites de vente en ligne faible.
Mais depuis quelques années, vous avez peut être remarqué une page Facebook et un compte Twitter Versace très régulièrement alimentés, ainsi que des changements réguliers dans le design du site web, témoignant d’un intérêt certain pour l’univers numérique. La sacralisation de ce mouvement a eu lieu le mois dernier, avec le lancement d’un online store, proposant d’ores et déjà une livraison dans 8 Etats européens de produits de la 1ère ligne.
Versace.com
Ferraris, le PDG de Gianni Versace SpA explique avoir « l’intention de rendre nos produits accessibles presque partout dans le monde dans les 12 à 18 mois prochains ».
Mais pourquoi rompre avec la « rareté » difficile à entretenir dans le monde du luxe ?
Officiellement, parce que « l’engouement pour la marque Versace est croissant, et il est impossible d’ouvrir des boutiques assez rapidement », toujours selon l’homme d’affaires italien.
Soit, mais dans le même temps on a pu voir que la marque a exprimé le souhait de s’introduire en bourse… Et forcément il vaut mieux, pour attirer les investisseurs, vendre plus et montrer que l’on est réactif, quitte à compromettre son image de luxe comme c’est le cas actuellement pour Dolce & Gabbana, même si on est encore loin de cela !
Les théoriciens diraient que Versace souhaite pencher vers un luxe démocratique comme Gucci, plutôt que vers un luxe traditionnel, comme Chanel par exemple.
Mais qui dit vente en ligne dit production potentiellement (beaucoup) plus importante que pour quelques boutiques, surtout si le monde entier peut accéder à ce site. La société n’a pas souhaité nous répondre sur le sujet du lieu de fabrication de ses produits : va-t-elle sous traiter la production ou en garder la maitrise ?
Va-t-elle céder aux sirènes de la délocalisation ou conserver le « Made in italy. Manufactured and certified by Versace» ?
Le silence sur le sujet n’est pas rassurant, surtout qu’un produit Versace fabriqué hors d’Italie ne présenterait plus d’intérêt et risquerait de baisser en qualité…
En conclusion
L’avenir de Versace semble donc s’orienter vers la démesure.
Démesure dans les inspirations spectaculaires et rock des collections.
Démesure dans la distribution « presque partout dans le monde », qui pose la question des lieux et de la qualité de la production et pourrait menacer le prestige de ce grand nom de la mode italienne.
Mais une chose est sûre, c’est que Versace n’a pas fini de nous surprendre, et témoigne d’une capacité à muter impressionnante…pour le meilleur…et pour le pire.
Retrouvez cet article sur Versace : nouvelle direction artistique, nouvelle stratégie (2/2)