- sur la puissance, d'abord, du non-dit : sans doute pour éviter des poursuites en diffamation, Mediapart ne dit pas que l'argent qui aurait été déposé en Suisse viendrait des laboratoires pharmaceutiques à l'époque où Cahuzac travaillait au cabinet de Claude Evin, mais il le suggère : "Membre du cabinet du ministre de la santé Claude Évin, sous le gouvernement de Michel Rocard, entre 1988 et 1991, Jérôme Cahuzac a noué à cette époque des liens étroits avec l’industrie pharmaceutique. (…) Quelle était l’origine des fonds du compte suisse et à quoi ont-ils pu servir ? (…) D’après l’acte notarié d’achat de l’appartement (deux salons, une salle à manger, quatre chambres…), daté du 28 octobre 1994, Jérôme Cahuzac a bien versé quatre millions de francs – 600 000 euros – « de ses deniers personnels », un tiers seulement du financement étant assuré par un prêt bancaire. Rien ne permet aujourd’hui de dire si l’argent provient du compte suisse ." De là à conclure que les "liens étroits" avec l'industrie pharmaceutique noués à la fin des années 80 auraient permis de financer l'achat de l'appartement quelques années plus tard, il n'y a pas loin. Mediapart ne le dit pas, mais le lecteur est invité à le deviner à mi-mots… Les plus malins l'ayant compris feront circuler "l'information" qui pourrait rapidement devenir rumeur,
- sur la fragilité des preuves : celles qu'a jusqu'à présent présentées par Mediapart peuvent être lues de deux manières, comme des accusations fortes contre le ministre, mais aussi comme des montages : personne ne reconnait la voix du ministre dans les enregistrements, l'inspecteur des impôts présentée comme une source a aussi un lourd contentieux avec le ministre…
- sur la force de la preuve par le mensonge : le ministre aurait menti sur le financement de son appartement, il peut donc mentir sur tout. Peu importe qu'il avance de nouvelles informations sur ce financement, elles ne correspondent pas à ce qu'il a dit dans une précédente interview, c'est donc un indice de culpabilité,
- sur la puissance d'attraction du PS : les indications de Cahuzac sur le financement de son appartement l'indiquent : il appartient à la meilleure bourgeoisie, habite le 7ème arrondissement, paie l'ISF, sa famille et sa belle-famille ont de l'argent, il est lui-même chirurgien et exerce dans une discipline (la chirurgie esthétique) qui attire ceux qui ont choisi cette profession pour gagner de l'argent. Tout cela aurait du en faire un bon électeur de l'UMP. Et bien non, il est socialiste et mène une politique économique qui n'est pas forcément favorable aux plus riches,
- sur le dilemme de la presse d'investigation. Lorsque ses adversaires sont au pouvoir, tout est pour le mieux : les scandales qu'elle dévoile attirent les lecteurs et les abonnements. Mais que faire quand ses proches sont au pouvoir? les épargner au risque de perdre des lecteurs? ou les poursuivre au risque de voir leurs adversaires revenir au pouvoir? Le Canard Enchaîné avait beaucoup souffert de l'arrivée de Mitterrand au pouvoir, Edwy Plenel et ses amis semblent avoir compris la leçon.
Difficile, pour l'heure, de dire qui a raison ou tort de Cahuzac ou de Mediapart, mais comme Mediapart s'est fendu, ce matin, d'un article sur la gestion de crise, on s'autorisera quelques remarques sur cette affaire :