Loin de moi l’idée de jouer les Cassandre. Mais j’ai écrit, il y a plusieurs de mois de cela, la fin de partie pour la gauche du parti dit « sérieux ». L’épisode tragique qui se déroule ces derniers jours autour de l’avenir de Florange en constitue le tragique épilogue. Autour de l’avenir du site sidérurgique lorrain se jouait en coulisses un affrontement entre deux visions de l’action politique qui cohabitaient au sein du PS. Le choix final de renouveler les accords conclus avec le milliardaire Mittal, dont même la très libérale Mme Merkel n’a pas voulu entendre parler en Allemagne, scelle la victoire du social-libéralisme contre les socialistes. Lesquels sortent de cette farce KO technique.
L’avenir du site ArcelorMittal de Florange est en suspens depuis le printemps. Il en va de l’avenir de la sidérurgie française avec ces hauts fourneaux, en lien avec l’ensemble de la filière qui intègre le secteur automobile dont PSA. LA semaine passée, l’homme qui ne s’aime toujours pas, ou l’homme à la marinière si vous préférez, tonitruait « nationalisation » à propos d’ArcelorMittal, rejoignant en cela la position défendue par le Front de Gauche. Il avançait même un investisseur et 400 millions d’euros sur le site. Au final, Jean-Marc Ayrault l’a sonné d’un uppercut au menton : ce sera Mittal et 180 millions d’euros ! Les syndicats crient à la « trahison ». A juste raison.
« Nous contestons l’accord qui a été signé (…), aujourd’hui la logique du gouvernement rejoint la logique industrielle de Mittal et c’est dangereux », s’insurge Yves Fabbri, le délégué CGT. Son syndicat « refuse l’accompagnement social de cet accord, (…) cette politique de casse qui va entraîner de la précarité supplémentaire en Lorraine ». « On se sent trahis, dix-huit mois de lutte pour en arriver là, à rien, une coquille vide », renchérit Norbert Cima, élu FO qui assure avoir « supplié » le Premier ministre d’envisager un autre projet.
Jean-Marc Ayrault se justifie : pas de plan social, une pérennité de l’engagement de Mittal sans garantie sur la reprise de l’activité des haut-fourneaux et l’abandon du projet Ulcos de transformation du site en unité de captage du CO2. Surtout, « la nationalisation aurait coûté un milliard d’euros aux contribuables ». La messe est dite, fermez le ban, tout ça, tout ça. Qu’il me soit permis de rappeler ici que le même premier sinistre a trouvé vingt (20 !) milliards d’euros pour financer les desiderata du patronat. On se souviendra aussi que le même patronat a été le seul à s’opposer à l’éventuelle nationalisation d’ArcelorMittal. On finit par se demander si Laurence Parisot n’est pas la réelle maîtresse de Matignon…
Certes, Montebourg reste ministre. Mais de quoi ? Au vu de l’aveu de Cécile Duflot, il ne lui reste pas même le ministère de la parole. Il va se voir transformé en potiche muselée que l’on ressortira lorsqu’il s’agira de recevoir les syndicats. Comme on ressort les cadeaux pourris qu’ils nous ont faits quand nos parents nous rendent visite. Mais le sort du bonhomme importe peu au regard du drame que vivent les sidérurgistes de Florange ou les salariés de PSA, notamment ceux d’Aulnay. Le fond de la question est que, à l’heure du choix, entre un mauvais compromis avec le capital d’un côté et la nationalisation de l’autre, l’exécutif a tranché.
La gauche du parti dit « sérieux », qui défendait à l’unisson de Nono la nationalisation, se croyait forte assez pour faire entendre raison au promoteur de l’aéroport Vinci-Notre Dame des Landes. Elle imaginait qu’avec ses ministres et parlementaires, elle saurait faire prendre en compte la voix des salariés, de leurs syndicats, bref la voix de l’intérêt général. Elle songeait certainement que le consensus réalisé sur le terrain entre élus de droite et de gauche en faveur d’une nationalisation transitoire était de nature à convaincre le gouvernement. En toile de fond se poursuivait en fait l’affrontement entre deux visions de l’action publique.
Attention, Nono est colère !
D’un côté, la politique qui peut, qui agit, qui se donne les moyens de transformer le réel ; de l’autre, la « gauche » d’accompagnement des oukases du capital sur fond de « l’Etat ne peut pas tout ». La référence à Jospin rappelle que cet affrontement remonte à loin. Le résident de l’Elysée et son missus dominicus à Matignon ont choisi leur camp. Dans la logique qui les a amenés à accepter de prélever sur les revenus du travail 20 milliards d’euros pour les offrir au patronat, ils acceptent le tout libéralisme et privent volontairement l’Etat, outil de l’intervention publique, des moyens d’agir. Le message politique est extrêmement clair. Avec Flamby, l’Etat non seulement ne pourra pas tout, mais il ne pourra plus rien.
Plus lisible qu’une résolution de congrès, plus clair qu’une motion, ce choix nous éclaire tous sur l’option politique d’un président biberonné aux thèses de Jacques Delors. Il y a matière à colère, personne n’avait voté pour ça !
Bonus militant : signez la pétition pour exiger la nationalisation de Florange !
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Bonus vidéo : Rage Against The Machine « Know Your Enemy »