C'est une coalition internationale de 94 ONG pour la santé et l'environnement, créée par le Bureau européen de l'environnement (EEB) qui remet, au 4 décembre 2012, un rapport sur l'état de la science sur la contamination par le mercure des produits de la mer et les effets sanitaires du méthylmercure présent dans notre alimentation sur le développement cérébral. Un rapport qui appelle les politiques à redéfinir les seuils d'exposition tolérable dans le monde entier, avant la finalisation par les Nations Unies du traité mondial sur le mercure, prévue dès janvier 2013. Des données scientifiques, qui réunies ainsi, sont en faveur d'une consommation raisonnable de poisson.
C'est en fait une méta-analyse qui nous est proposée, d'une part des études menées sur des populations insulaires ayant un régime alimentaire riche en poisson mais aussi des études sur les effets plus subtils constatés chez les populations ayant une consommation « ordinaire » de poisson.
Des études de populations insulaires avec régimes alimentaires riches en poisson : Le rapport retient en particulier 3 grandes études, qui suggèrent que le méthylmercure du poisson de l'océan, contaminé par des sources naturelles et d'origine humaine, a des effets certes moins graves mais similaires sur le système nerveux en développement, qu'une pollution intense localisée. Ces études ont étudié ces effets à partir de régimes alimentaires riches (au-dessus de la moyenne) en fruits de mer, sur des femmes enceintes ou ayant récemment accouché, en mesurant leur exposition au mercure, puis en testant chez leurs enfants différentes fonctions neurologiques.
· Une étude menée en Nouvelle-Zélande révèle que les enfants dont les mères avaient été par voie alimentaire les plus exposées au mercure lors de leur grossesse ont des scores plus faibles sur les mesures de réussite scolaire, de développement du langage, de fonction cognitive et d'intelligence générale (1).
· Une étude menée dans les îles Féroé constate que les enfants à l'âge de 7 ans avec exposition prénatale élevée au mercure ont des scores plus faibles d'attention, de compétences linguistiques, de mémoire, de coordination œil -main et d'autres réponses motrices (2). La plupart de ces effets persistent à l'âge de 14 ans. En ré-analysant leurs données quelques années plus tard, les chercheurs aboutissent à des effets négatifs du méthylmercure encore plus importants (3).
· Une étude similaire menée dans les îles des Seychelles n'a pas identifié, au départ, d'effets indésirables comparables à ceux identifiés aux îles Féroé (4). Mais, en 2001, lorsque les chercheurs mènent une nouvelle vague d'étude (5), ils constatent des effets néfastes importants du mercure sur le développement psychomoteur qui, probablement avaient été par les effets bénéfiques nutritionnels de la précédente analyse.
De nouvelles études depuis 2003 portant sur une consommation occidentale moyenne de poisson : Alors que les effets neurologiques avaient été confirmés en cas de régimes alimentaires très riches en poisson, les chercheurs ont souhaité étudié les éventuels effets liés à une consommation moyenne de produits de la mer. Le rapport retient plus particulièrement 8 études menées dans 6 pays :
· Dans les îles Féroé, les chercheurs observent un retard dans la transmission des signaux cérébraux auditifs chez des enfants de 14 ans exposés au mercure des poissons par une consommation alimentaire moyenne (6).
· Une étude de Boston révèle une capacité de mémoire visuelle diminuée chez des enfants âgés de 6 mois, dont les mères avaient été plus exposées par voie alimentaire au mercure vs des mères qui mangeaient du poisson deux fois par semaine (7).
· La même équipe de Boston montre que ces enfants, à l'âge de trois ans ont un retard de développement et de coordination motrice (8).
· Une étude polonaise (Cracovie) montre un retard de développement cognitif et psychomoteur chez des enfants âgés d'1 an, exposés in utero à des niveaux élevés au mercure (9).
· Une étude de New York montre que l'exposition prénatale élevée entraîne des retards de développement du cerveau, des fonctions psychomotrices, du QI verbal et global (10).
· Une étude japonaise montre les effetsnéfastes d'une exposition prénatale sur les fonctions neurologiques sur des nouveau-nés (11).
· Une étude espagnole (Grenade) évalue la cognition générale, le développement verbal, la mémoire et le développement moteur chez des enfants de 4 ans et aboutit à des résultats similaires (12).
· En 2012, 2 autres études (13-14) associent l'exposition prénatale au mercure au déficit de l'attention hyperactivité (TDAH), dans le Nord du Canada et dans le Massachusetts.
Même avec une consommation légèrement supérieure à la moyenne : Dans toutes ces études récentes, les personnes étudiées ne consommaient que des quantités relativement « ordinaires » de poisson, et leur exposition au méthylmercure n'était donc que légèrement supérieure à la moyenne de la consommation de leur pays. Ces faibles niveaux d'exposition au méthylmercure associés à des effets néfastes dans ces études mettent ainsi en avant une préoccupation pour l'ensemble des populations. Car ces études ne fournissent aucune preuve d'un seuil en dessous duquel il n'y aurait aucun effet néfaste.
Reste à peser le rapport bénéfices (omega-3) –risques, une question importante qui nécessite d'autres recherches, écrivent les auteurs. Mais l'effet néfaste d'une exposition alimentaire au-dessus de la moyenne –le seuil restant à définir- sur le développement cérébral est bien démontré.
Source: Zero Mercury Working Group An Overview of Epidemiological Evidence on the Effects of Methylmercury on Brain Development, and A Rationale for a Lower Definition of Tolerable Exposure
1. Kjellstrom et al, 1986, 1989;. Crump et al, 1998
2. Grandjean et al., 1997
3. Budtz-Jørgensen et al. 2003, 2007
4. Myers et al. 2003, Davidson et al. 2006
5. Myers et al. 2007, Davidson et al. 2008, Lynch et al. 2011
6. Murata et al. 2004
7. Oken et al. 2005
8. Oken et al. 2008
9. Jedrychowski et al. 2006
10. Lederman et al. 2008
11. Suzuki et al. 2010
12. Freire et al. 2010
13. Boucher et al. 2012
14. Sagiv et al. 2012