Le secteur américain de la Défense retient son souffle.
Le budget du Pentagone sera-t-il réduit dans des proportions spectaculaires, comme le prévoit d’administration Obama ? Ou, ŕ défaut de consensus politique, un compromis sera-t-il trouvé pour éviter des coupes claires dans les commandes et des pertes d’emplois spectaculaires ? L’échéance approche, la nervosité monte, les commentaires se succčdent, notamment ŕ l’instigation de l’influente Aerospace Industries Association (AIA). Cela en utilisant un jargon par moment hermétique pour les non initiés.
Ainsi, un double exemple apparu cette semaine demande ŕ ętre décodé. Le secteur de la Défense, expliquent les spécialistes de Washington, se trouve au pied de la falaise et risque le pire en cas de chute dans le vide. D’oů l’apparition de l’expression ŤFiscal Cliffť, littéralement falaise fiscale, utilisée pour évoquer les dangers propres aux éventuelles réductions de dépenses. Marion Blakey, qui dirige d’une main de fer l’AIA, et qui est aussi cinéphile, évoquant la situation actuelle, celle de tous les dangers, estime que s’annonce un moment ŤThelma et Louiseť. C’est-ŕ-dire une chute mortelle au fond du précipice.
Une image qui suppose d’avoir ŕ l’esprit le Ťroad movieť de Ridley Scott, grand classique du cinéma américain sorti en 1991, dont les vedettes déjantées sont Susan Sarandon et Geena Davis. La scčne finale est un spectaculaire : elles précipitent leur cabriolet Thunderbird du haut de la falaise pour échapper ŕ la police. Ainsi, de maničre tout ŕ fait inattendue, les belles Thelma et Louise se sont invitées au Pentagone…
La falaise de tous les dangers, et ses icônes, pourraient susciter des dommages collatéraux susceptibles d’atteindre les rivages européens. En toute logique, en effet, les grands industriels qui seraient affectés par les réductions budgétaires devraient, en toute logique, déployer des efforts redoublés sur les marchés d’exportation, civils et militaires. L’AIA n’en dit rien, mis ŕ part un discret rappel de ses résultats enviables en la matičre : cette année, les exportations de ses membres atteindront 95,5 milliards de dollars pour un chiffre d’affaires de 217,9 milliards. La part civile de ces exportations est de 88%, une maničre de rappeler que Boeing Commercial Airplanes pčse trčs lourd dans ces résultats.
Marion Blakey a-t-elle raison de crier aux loups ? Elle est incontestablement dans son rôle, mi-dirigeante de groupement professionnel, mi-lobbyiste. Elle parle au nom d’un secteur industriel qui occupe 629.000 personnes, joue un rôle essentiel au profit de la balance commerciale américaine en męme temps que porteur de technologies de pointe.
David Hess, président en exercice de l’AIA, et par ailleurs directeur général de Pratt & Whitney, espčre encore que la Thunderbird fasse demi-tour et évite le pire, c’est-ŕ-dire la chute mortelle du haut de la falaise imaginaire. Il dit et répčte, jour aprčs jour, que l’enjeu est national et d’une importance telle qu’un consensus devrait impérativement voir le jour au Congrčs. Il multiplie les démarches tous azimuts, vient d’écrire directement au Président Obama. Cela s’appelle aussi faire son cinéma.
Pierre Sparaco - AeroMorning