« Je poursuivrai tous ceux qui reprendront cette calomnie gravement diffamatoire et qui porte atteinte à mon honneur. Y compris ici » J. Cahuzac sut Twitter le 04.12.2012
L’honneur de J. Cahuzac est en jeu. Mediapart rapporte que le ministre des Finances a détenu un compte numéroté chez UBS en Suisse, et que par la suite, par une ingénierie financière complexe, il a transféré ses fonds vers un paradis fiscal d’Asie. Personne ne sait si c’est vrai. Mediapart qui lance le pavé dans la marre médiatique fait craindre les éclaboussures à ce que le ministre est, à ce qu’il représente. Et seul J. Cahuzac à ce niveau d’information sait s’il a été trainé, à tort, dans la boue. Ce qui est certain en tout cas, c’est qu’il dispose d’une puissance phénoménale pour se défendre. Là réside l’intérêt de ce type de buzz médiatique.
Christopher Dombres
Les socialistes dans leur ensemble sont assez stupéfiants. Lorsque Mediapart mit E. Woerth dans la plus inconfortable des situations, en pointant ses agissements dans l’affaire Bettencourt, il ne fit aucun doute pour l’opposition de l’époque que le régime était gangréné. Et que cela commençait à exhaler salement. Dans cette pittoresque situation, on s’embarrassa peu du conditionnel pour rapporter les supposés agissements de la clique conservatrice qui siphonnait la cassette d’une milliardaire un peu perchée.
Dans le cas Cahuzac, lorsque Le Figaro reprend Mediapart, il le fait au présent de l’indicatif, tel que l’écrit Mediapart dans l’article originel qui met le feu aux poudres. Pour le Huffington Post, c’est plus nuancé puisque dans la foulée c’est au conditionnel que sont rapportés les faits, comme pour Libération ou L’Humanité. Broutilles et Bescherelle ? Pas certain. On peut mesurer ici à quel niveau se situe le suivisme, voire le soutien plus ou moins appuyé d’un organe de presse à une structure gouvernementale.
Il est assez frappant de voir quelle fut la première réaction du ministre. Colère, véhémence. Mais surtout, menace à l’encontre de tous les colporteurs. Jusqu’aux moindres recoins de Twitter. Ce qui en dit finalement assez long sur la psychologie ministérielle, et la certitude de sa puissance de soumission. Sauf que dans le réel ce type de comportement qui relève surtout du fiasco de communication n’a fait que susciter l’intérêt pour l’ « affaire ».
Or en prenant du recul, on s’aperçoit de la toxicité du comportement de meute, et que l’accusation au présent de l’indicatif implique quasi automatiquement accusation et certitude des faits. On devrait, en toute logique, bien préciser dans chaque phrase, chaque locution que tout ceci n’est qu’imputation et surtout supputation. Car les conséquences sont connues : briser des carrières, des vies, des familles.
Parce que ce qui choque le plus dans cette manière de traiter l’accusation, c’est l’écrin dans lequel on dépose la qualité de ministre. Où certains militants seraient prêts à en venir aux mains pour blanchir grammaticalement un oligarque. Pour rétablir l’honneur bafoué d’un membre du gouvernement. Ancien chirurgien. Millionnaire, culminant haut dans les strates sociales du premier centile des revenus nationaux. La délicatesse avec laquelle la presse a lâché l’indicatif, l’accusatif, pour s’en remettre, circonspecte, aux démentis laisse pantois (voire Le Lab, Le Monde, Le Huffington Post, etc.).
Surtout si on se réfère au tout venant des faits divers mettant en scène concubines et lascars. Où l’on s’embarrasse bien moins de doutes entre les accusations relatées et la véracité des faits. Alors les démentis sourds ne sortent que très rarement des cuisines familiales. Il y a pourtant derrière chaque concubine ou lascar, des carrières, des vies, des familles. Mais personne ici n’est prêt à en découdre. Aucune presse ne fait preuve de cette empathie automatique. Une empathie bien ministérielle.
Vogelsong – 5 décembre 2012 – Paris