Armes à feu : la France s’excite...

Publié le 06 décembre 2012 par H16

Ah mon dieu, c’est horrible, c’est abominable, c’est la catastrophe, la France se dirige droit vers une américanisation de sa société, ah c’est affreux, argh et tout ça ! Et par cette suite d’imprécations terrifiées, je ne veux pas dire que les Français se jettent sur les BigMac comme la misère sur le pauvre monde et deviennent obèses. Non. Je veux dire que la France sombre dans le Shooting For Columbine de base ! Ce pays est foutu !

D’ailleurs, les journalistes et toute la presse française ne s’y sont pas trompés : maintenant, à chaque affaire où un tireur fou sévit ici ou là, immédiatement sont rappelées la liste de tous les précédents incidents similaires, et la question de la libre possession des armes est relancée sur le territoire français où chacun sait que le nombre d’armes à feu par habitant est fort élevé. Mais voilà : les Français tiennent à leur second amendement et … oh, wait !

Il semblerait que le paragraphe précédent était légèrement embué de fiction: la presse française, si prompte à bondir sur le dos des Américains, volontiers présentés comme un peuple de cowboys semi-fous prêts à tirer sur tout ce qui bouge, ne fait aucun commentaire débile sur le laxisme dégoulinant dont font preuve les autorités françaises lorsqu’une fusillade éclate. Le différentiel de traitement entre les échanges par balles aux États-Unis et les petits différents par armes à feu en France est maintenant flagrant.

On me dira, j’en suis sûr, que j’exagère, que la France est bien loin de présenter une actualité de fusillades aussi chargée que les États-Unis, justifiant en cela la présentation caricaturale des mœurs outre-atlantique, à base de Texan rougeaud prêt à dégainer au moindre souci, éventuellement couplée à une rediffusion fort à propos du célèbre film de Michael Moore, ce millionnaire anticapitaliste à bedon proéminant. Sauf que… sauf qu’actuellement, les actualités sont assez chargées … du côté français. Jugez plutôt : en l’espace de quelques mois, on a une fusillade dans une discothèque dans le Nord, qui suivait de quelques mois une autre fusillade à Caen. Le sud compte bien évidemment les règlements de compte quasi-quotidiens à Marseille et en Corse, mais au-delà de ces petites incivilités sanglantes entre bandes rivales de vendeurs de drogue, on en trouve aussi à Bayonne, à côté de Montpellier, à Sète, mais aussi Orly ou encore Argenteuil. Tout ça en quelques semaines, voire quelques jours pour les dernières.

Il est intéressant de constater que ces différents faits divers s’accumulent sans qu’on puisse ici blâmer la détention ou le port libre d’armes, la détention étant très strictement encadrée et le port totalement interdit. Alors que nos journalistes sont pourtant si prompts, régulièrement, à pointer du doigt l’abominable laxisme et la frivolité des lois américaines pour expliquer l’une ou l’autre fusillade, l’argument tombe un peu à plat lorsqu’il s’agit d’un pays dans lequel le citoyen est bordé du téton au sapin.

L’évidence crève les yeux et aveugle donc les bien-pensants habituels qui se réfugient, pour le cas français, dans les atermoiements humides et se contentent de réclamer avec véhémence que l’État intervienne, que Manuel Valls dise ou fasse quelque chose, bref, qu’on ne laisse pas ainsi le citoyen désarmé (et, pour tout dire, aussi veule que pleutre) se faire trouer la peau comme un lapin de ball-trap. Bien évidemment, la légalisation des armes à feu est absolument inenvisageable, puisque, tout le monde le sait, si on laisse faire ça, les citoyens vont immédiatement s’empresser de sortir dans la rue dégommer qui le boucher récalcitrant, qui le plombier en retard, qui la maîtresse d’école acrimonieuse. C’est absolument évident.

Et lorsque ces éléments ne sont pas propulsé sous le nez des impétrants qui penseraient à redonner un peu de champ au citoyen, c’est l’argument de la dangerosité intrinsèque des armes qui est utilisé : même dans une maison, c’est si dangereux — comprenez-vous, malheureux ? — qu’on court à la catastrophe. Pourtant, si on regarde les statistiques aux USA, justement (cinq fois plus d’habitants et trois fois plus d’armes par habitant qu’en France), on constate qu’environ 140 personnes trouvent la mort (en tout) dans un accident en manipulant une arme à feu chez elle. Même le nombre de noyades dans des piscines privées, en France, est supérieur à ce nombre (et en valeur absolue, hein). L’argument de la dangerosité est, pour le moins, ridicule.

(Avec tous ces faits, on se demande dans quelle mesure les étatistes et tenants de l'interdiction totale ne projettent pas leurs propres peurs sur les autres : se sachant psychologiquement instables, ils n'hésitent pas à imaginer les mêmes troubles mentaux chez les autres, même si les faits, les statistiques et un peu de bon sens leur donne tort dans des proportions qu'ils voudraient nous cacher.)

Je remarquais pourtant, dans un précédent billet, que l’actuelle prohibition était surtout favorable à l’accroissement du problème et non sa résolution et permettait surtout aux états, dits démocratiques, de s’assurer d’une force minimale du peuple sous son joug. D’ailleurs, ceux qui prétendent nous représenter ont une envie régulière de retirer toute velléité de se défendre des mains d’une population qui a pourtant montré sa totale obéissance à l’État et une résignation quasi-morbide devant la ponction fiscale et les avanies administratives quotidiennes.

En outre, ce qu’il y a d’encore plus intéressant, c’est qu’alors que la violence par armes à feu fait de plus en plus souvent les gros titres en France, l’Amérique découvre, un peu étonnée, que la violence, chez elle, diminue dans des proportions si notables qu’on bat maintenant des records … de sécurité. C’est ainsi que la ville de New-York constate une baisse de 23% de son taux de crime, atteignant un point bas jamais atteint depuis 1960. Et à Washington, une ville qui pourtant enregistrait régulièrement des records dans le nombre de meurtres, on se dirige doucement vers une année remarquablement calme avec moins de 100 morts (là où on en enregistrait auparavant plus de 500), ce qui ne s’est plus vu depuis 1963.

De façon étonnante, on n’entend guère les journalistes français faire des reportages tonitruants sur ces excellentes nouvelles. On n’entend guère les journalistes faire de comparaison entre la situation américaine, les fusillades diverses et variées, les analyser, en comprendre les mécanismes, et essayer, intelligemment, de comparer avec la situation française. On n’entend guère ces journalistes écarter une fois pour toute l’argument de la législation des armes à feu qui, à l’évidence devant la différence de situation des deux pays, ne joue pas. On entend plus volontiers l’un(e) ou l’autre journaliste sortir d’incroyables stupidités sur les jeux vidéos plutôt que se renseigner.

C’est dommage : ce sujet mérite mieux qu’une avalanche de poncifs.