C’est la récente extension du Musée d’Art Contemporain de Barcelone (MACBA), lequel exposait jusqu’au 1er Mai Janet Cardiff et George Bures Miller. L’exposition, intitulée The Killing Machine and other stories, est terminée (vous pouvez la voir à Darmstadt jusqu’au 28 Août), mais, à Barcelone, l’installation de la chapelle continue jusqu’au 6 Juin. Ces deux artistes canadiens, dont j’avais vu Paradise Institute l’été dernier à Oslo, travaillent à partir de la voix et du son et créent ainsi de surprenantes installations, où, comme ici, les sensations visuelles vous assaillent dès que vous fermez les yeux.
Dans cette chapelle du XVème siècle, 40 hauts-parleurs sont assemblés en cercle, chacun sur son support. Leur place est délimitée par un marqueur au sol, comme pour des danseurs sur une scène. Ils sont regroupés en huit ensembles, chacun de cinq hauts-parleurs, avec un interstice entre chaque ensemble, sur tout le pourtour du cercle. Au début, indiscret, on s’approche de l’un ou l’autre haut-parleur et on entend un homme raconter une histoire, bavarder; puis tous se raclent la gorge, le silence se fait.
Alors le chant éclate : c’est le Choeur de la cathédrale de Salisbury, qui interprète, a capella évidemment, un motet pour 40 voix, Spem in Alium, de Thomas Tallis, composé vers 1575 (audible ici et ici dans d’autres versions). C’est un soprano qui démarre, un jeune garçon. Chaque ensemble de cinq chanteurs / hauts-parleurs comprend une basse, un baryton, un alto, un ténor et un soprano. Il y a 40 chanteurs. Chaque haut-parleur correspond à un chanteur et à lui seul. Peu à peu le chant vous enveloppe, vous saisit de partout; vous êtes au milieu du choeur, les voix viennent de tout autour de vous.
Certains spectateurs restent sagement assis au centre du cercle; d’autres adoptent un chanteur, un haut-parleur et lui sont fidèles pendant les 14 minutes du motet, debout près de lui, puis passent à un autre. D’autres, comme moi, déambulent au hasard des éclats, allant d’une voix à l’autre, explorant leurs sensations en différents points du cercle. Les jeunes catalanes ont le sourire aux lèvres, les yeux brillants, les lèvres humides et entrouvertes, la musique les possède et les embellit.
C’est plus que ce qu’un concert peut vous offrir, c’est une expérience physique où vos sensations auditives ouvrent la voie à des perceptions sensorielles presque hallucinogènes. L’installation théâtrale de ces deux artistes m’avait impressionné l’été dernier; là, j’irais bien à Darmstadt cet été…
Photo provenant du site du Musée, copyright J. Cardiff et G. Bures Miller, 2007.