A Tombeau Ouvert, n'est ni notre Scorcese préféré, ni son meilleur, ni même son film le plus facile. Une fois que l'on a dit ça, A Tombeau Ouvert reste un film halluciné, brillamment maîtrisé et plus que hautement recommandable ! Sombre et glauque, lumineux aussi par sa thématique, A Tombeau Ouvert est un film virtuose, traversé de multiples allusions religieuses. Presque une errance, presque une virée en enfer, presque un chemin de croix, A Tombeau Ouvert s'impose avant tout par sa sublime virtuosité visuelle. New-York la nuit, Scorcese le connait bien, avec entre autres Taxi Driver ou After Hours, celui dans lequel baigne Frank est saturé de lumières et de gyrophares, il est en contact avec la misère, la drogue et la souffrance au quotidien, il est aussi envahi de fantômes, comme celui de Rose qui le tourmente. Alternant ses passages endiablés en ambulance avec des instants de calmes salvateurs, Scorcese expose l'enfer de Frank, qu'il soit créé par la dureté de son travail, ou bien par la fatigue et le remord qui le rongent. Sauver les gens est la fonction de Frank, mais comment supporter toutes ces fois où cela ne marche pas ? De quoi devenir fou ! C'est cette folie que Scorcese nous balance littéralement au visage, l'imposant au spectateur avec force et conviction.
Cet enfer, à l'intérieur de Frank, comme autour de lui, n'est qu'une infime allusion de A Tombeau Ouvert à la religion. Aucun message, aucune direction n'est dispensé par Scorcese en faveur de la religion, mais il multiplie pourtant les symboles à celle-ci : Frank est un sauveur de vie, le Sauveur ? Les personnages de A Tombeau Ouvert sont souvent baignés dans des halos de lumière... Ils sont quelquefois suppliciés en croix, comme le dealer... Le miracle d'une naissance sans rapport sexuel préalable trouble encore davantage... Pas une minute ne se passe sans que le spectateur ne voit ou n'entende une allusion à la Bible ! Si Scorcese adopte cette symbolique, ce n'est pas pour satisfaire une soif de foi que ses origines italienne pourrait sous-tendre, c'est plutôt pour faire peser davantage encore sur les épaules de Frank le fardeau qu'il porte, la croix qu'il traîne derrière lui... La religion de A Tombeau Ouvert n'est pas là pour parler du Sauveur, elle est là pour décupler la force du personnage de Frank, qui effectivement sauve des gens... et qui dans son travail porte toute la souffrance du monde comme le christ les péchés. Prenez la force des mythes et des symboles d'un univers et plaquez-les sur une simple histoire d'ambulancier en plein passage à vide... Lorsque un Scorcese tente ça, la magie opère et cela donne A Tombeau Ouvert !
Nous avons du mal à identifier pourquoi A Tombeau Ouvert ne nous "parle pas plus que ça"... Le film de Scorcese pourtant absolument tout pour éblouir : une technique irréprochable, un thème audacieusement traité, des acteurs parfait (si, si, même Cage !) et un rythme sans faille, traversé de troublantes respirations comme ces trois petits plans sur Patricia Arquette, profil droit, face, profil droit, lorsqu'elle partage la Pizz' de Frank... absolument gé-nial ! Fourmillant de vie et régulièrement illuminé de fulgurances de mise en scène (comme ce plan de l'aquarium, où un petit poisson vient se blottir contre une dangereuse anémone, qui vient s'intercaler dans la rencontre d'un Frank fragile avec un dealer... !), Scorcese livre avec A Tombeau Ouvert un film aussi peu hors norme que fascinant. Nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi nous n'entendons pas les voix qu'A Tombeau Ouvert laisse échapper comme des murmures, en revanche nous ne sommes peut être pas croyants, mais nous ne sommes pas aveugles non plus : A Tombeau Ouvert en met plein les yeux, plein la tête... Comme Frank, nous traversons une crise de foi... ?
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