La qualité du sperme des Français diminue
L’attention portée à la baisse de la qualité du sperme humain ne date pas d’hier, l’alerte ayant été lancée dès les années 1970. Mais l’étude publiée mercredi dans la revue européenne Human Reproduction se distingue par l’étendue du panel analysé et la période couverte, deux éléments qui donnent un poids particulier à ses conclusions alarmantes: en France les hommes de 35 ans auraient vu la concentration de leur sperme baisser d’un tiers en 17 ans. Des résultats qui constituent «une sérieuse mise en garde», selon les auteurs.
Entre 1989 et 2005, la diminution a été significative et continue (1,9% par an) aboutissant à une réduction au total de 32,2% de la concentration du sperme (millions de spermatozoïdes par millilitre de sperme). Chez un homme de 35 ans, en 17 ans, le nombre de spermatozoïdes est passé de 73,6 million/ml à 49,9 million/ml en moyenne. Par ailleurs, l’étude montre une réduction significative de 33,4% de la proportion des spermatozoïdes de forme normale sur cette même période.
Cette baisse de la qualité du sperme pourrait même être plus importante, car la population de l’étude, d’un niveau socio-économique a priori élevé, aurait tendance à moins fumer et être obèse, deux facteurs connus pour nuire à la qualité du sperme, estiment les chercheurs. Les 26.609 hommes ayant servi d’échantillon à l’étude sont des partenaires de femmes stériles ayant consulté un centre d’assistance médicale à la procréation.
L’impact de l’environnement à creuser
Cette étude montre toutefois que les concentrations spermatiques moyennes observées chez les Français restent dans la norme fertile de l’OMS (supérieure à 15 millions/ml), souligne le Dr Joëlle Le Moal, épidémiologiste de l’Institut de veille sanitaire français (InVS), co-auteur de l’étude. Reste que, selon certaines études, des concentrations inférieures à 55 millions/ml influent négativement sur le temps mis à procréer – même si ce dernier, reflet de la fertilité d’un couple, dépend également d’autres facteurs, socioéconomiques et comportementaux (par exemple, le moment des relations sexuelles par rapport à la période féconde).
Désormais, le lien avec l’environnement, comme par exemple les perturbateurs endocriniens, doit être déterminé, estiment les chercheurs.
Une vie saine ne garantirait pas la qualité du sperme
Ces dernières années ont vu les enquêtes sur la qualité du sperme se multiplier. En France, le bilan est inquiétant: la santé des spermatozoïdes s’est effectivement dégradée comme l’a constaté l’Institut national de la veille sanitaire en février dernier. Avec les polluants et les pesticides, le mode de vie est régulièrement invoqué pour expliquer cette détérioration. Or cette idée est remise en cause par une étude anglaise publiée le 13 juin dans la revue Human Reproduction: la qualité du sperme ne serait finalement pas liée au style de vie.
À partir du mois de janvier 1999 et pendant un peu plus de trois ans, l’équipe du Dr Andrew Povey, spécialiste en épidémiologie moléculaire à la University of Manchester’s School of Community Based Medicine, a recruté 2249 hommes au sein de 14 cliniques de fertilité britanniques. Pour être inclus, ceux-ci devaient vivre en couple et tenter de concevoir un enfant depuis plus d’un an. Ils ont été soumis à un questionnaire portant notamment sur leur hygiène de vie en matière d’alcool, de tabac et de drogues récréatives. Dans le même temps, la mobilité de leurs spermatozoïdes a été analysée. L’aptitude de ces derniers à atteindre un ovule pour le féconder constitue en effet un indicateur important de fertilité.
Des causes difficiles à déterminer
Les chercheurs ont observé une faible mobilité spermatique chez 939 des participants. Parmi eux, la probabilité d’avoir subi une chirurgie testiculaire a été 2,5 fois plus importante que pour les hommes ayant produit des spermatozoïdes mobiles. De façon similaire, les hommes aux spermatozoïdes les moins vigoureux ont été 1,3 fois plus susceptibles d’exercer un travail manuel, de porter des sous-vêtements serrés ou de ne pas avoir conçu d’enfant auparavant. En revanche, l’étude n’a pas trouvé de liens significatifs entre le fait de consommer de l’alcool, des cigarettes ou des drogues et une mobilité spermatique diminuée.
Ces résultats contredisent les recommandations actuelles faites aux hommes confrontés à des problèmes de fertilité, les incitant à adopter une vie la plus saine possible pour favoriser leur projet de conception. Pour le Dr Jacques Auger, andrologue au Centre d’études et de conservation des œufs et du sperme (Cecos) de l’Hôpital Cochin, il serait «abusif de conseiller aux hommes d’arrêter de fumer ou de boire sans que cela ne soit étayé». De nombreux facteurs sont associés à une faible mobilité spermatique, génétiques et environnementaux notamment, «il est donc impossible de définir une cause bien précise», conclut le Dr Auger.
L’andrologue n’en néglige pas le style de vie de ses patients pour autant: il note systématiquement leur consommation de tabac lors de ses consultations. En effet, des mutations de l’ADN contenu dans les spermatozoïdes ont déjà été observées chez les gros fumeurs dans de précédentes études. «Or une telle atteinte à l’intégrité génétique [du sperme] est un signe inquiétant», selon le Dr Auger, en raison du risque de transmission de ces lésions génétiques au futur enfant.
Le Wi-Fi aurait des effets néfastes sur le sperme
Des chercheurs ont montré une baisse de la mobilité des spermatozoïdes et une dégradation accrue de leur ADN après quatre heures d’exposition intensive à l’internet sans fil en laboratoire.
«Utiliser une connexion wifi peut nuire à vos spermatozoïdes.» Ce message d’avertissement pourrait bien être inscrit un jour sur votre modem ou sur votre ordinateur. Des chercheurs américains (Ecole de médecine de Virginie-Orientale) et argentins (Centre de médecine reproductrice Nascentis de Cordoba) viennent en effet de démontrer en laboratoire les effets délétères de l’internet sans fil sur le sperme humain. Leurs travaux sont publiés ce mois-ci dans la revue Fertility and Sterility .
Les médecins ont utilisé le sperme donné par 29 volontaires. Ils ont divisé chaque échantillon en deux. Les deux sont conservés à la même température mais l’un sert de référence pendant que l’autre est placé pendant quatre heures sous un ordinateur portable connecté en Wi-Fi. Les chercheurs ont alors constaté que 25% des spermatozoïdes exposés ne bougeaient plus, soit 80% de plus que dans le cas témoin. Tout aussi inquiétant, l’expérience a montré que les échantillons exposés présentaient en moyenne trois fois plus de cellules à l’ADN dégradé (9 contre 3%). Des résultats comparables à ceux observés avec le rayonnement électromagnétique caractéristique des téléphones portables.
Plus prudent de ne pas utiliser son portable sur ses genoux
«Nos données laissent penser que l’utilisation d’un ordinateur connecté sans fil à internet et placé près des organes reproducteurs masculins pourrait affecter la qualité du sperme», conclut avec prudence le Dr Conrado Avendano, principal auteur de cette étude. «Nous ne savons pas si cet effet s’observe avec tous les types de portables connectés ni quelles conditions d’utilisation peuvent l’accentuer.»
Il appelle donc à mettre en place des études complémentaires pour confirmer ou infirmer ces travaux préliminaires. Il se pourrait en effet qu’en condition d’utilisation normale, l’éloignement naturel entre l’antenne Wi-Fi et les testicules atténue le phénomène. D’autre part, les effets observés ex vivo peuvent être grandement amplifiés. Les vêtements comme les tissus qui entourent les testicules constituent peut-être des barrières efficaces aux ondes relativement peu puissantes du Wi-Fi.
En attendant confirmation, il reste plus prudent d’éviter d’utiliser son ordinateur sur ses genoux, et ce qu’il soit connecté ou non. De précédentes études ont en effet montré sans ambigüité que cet usage induisait une augmentation de la température au niveau des testicules. Or toute situation d’hyperthermie scrotale est nuisible à la bonne santé des spermatozoïdes.