L’enfant qui dort paisiblement nous émeut toujours. L’ailleurs où il se trouve nous semble bien rassurant. Cependant, on peut se demander la raison pour laquelle il met parfois tant de lutte pour s’endormir ?
Le bébé est une personne, c’est un être sociable par essence. Alors que dans sa vie utérine, il était libre de tout mouvement sans avoir à s’en soucier, le voilà confronté à l’incapacité de se mouvoir tel qu’il le souhaiterait.
Toute la journée, il tend à investir l’environnement dans lequel il se trouve avec une tension qu’il dirige. Il répète les expériences inlassablement dans le but de porter le monde et ses objets à lui. Lorsque vient l’heure de s’endormir, l’enfant doit donc désinvestir cette énergie qu’il porte au monde pour la ramener vers lui et se rassembler. Il doit être capable de ne plus rien pouvoir maitriser et de laisser ses émotions et ses perceptions de côté. Ceci, à la condition que le parent accepte également de laisser le corps de son bébé sans contrôle. Il est important pour le parent de savoir que le petit dormeur- bien que coupé du monde environnant- détient une possible vigilance en cas de sensations désagréables ou inattendues.
Le bébé est également un être festif ! Il peut rester éveillé de longues heures lorsqu’autour de lui il y a de l’agitation et du bruit. Il a tant à apprendre que rater ce type d’évènement signifie pour lui perdre du temps et du plaisir, alors que toute son attention et toute son énergie sont plus accrues que jamais.
La maman qui endort son enfant pour retrouver « l’amant de jouissance » engendre très tôt chez le petit , un sentiment d’exclusion du couple conjugal qui lui permet d’appréhender sa capacité à rester seul.
Le bébé sait contrôler son état d’éveil mais il sait aussi se retirer dans son sommeil lorsqu’une situation est trop angoissante ou une relation trop stimulante. Il faut donc qu’il accepte non seulement de s’éloigner de ses parents mais aussi que ces derniers puissent avoir besoin d’exister autrement qu’en tant que parents.
Détendre les fils d’une relation, le temps d’un court repos, ne veut pas dire les couper et cette notion doit être gardée à l’esprit des deux parties. L’enfant comprend que son monde interne continue d’exister autant que le parent doit en être convaincu. Cependant, lorsqu’une mère est déprimée, elle ne peut plus être aussi contenante pour l’enfant, qui a peur de s’endormir et de prendre le risque de la perdre.
A l’inverse, il existe aussi des mères trop angoissées qui vérifient plusieurs fois dans la journée et dans la nuit que leur enfant vit bien, celles qui ont des peurs de mort subite du nourrisson et celles qui n’ont pas fait totalement le deuil d’un autre enfant . A long terme, l’enfant ressent ces angoisses à son propos et Il ne peut s’endormir paisiblement tant que vivent en lui les angoisses mortifères que ses parents lui portent.
Plus tard, en s’endormant l’enfant se demande où il atterrit. Il doit se construire une bonne représentation du sommeil. Pour cela il va user du rêve comme instrument de son sommeil afin de se prouver que dormir ce n’est pas mourir comme il peut le penser. Au contraire, le rêve prouve que l’inertie du corps n’empêche pas l’imagination et la dynamique du psychisme en général. Cependant, il y a aussi les cauchemards qui parfois ponctuent le sommeil, qui sont cliniquement le signe d’un bon développement de l’enfant qui affronte ses peurs pour mieux les surmonter. Ils sont parfois également le témoin de la frustration et de la colère que l’enfant porte à ses parents qui l’obligent à s’endormir. Il porte alors un vif plaisir à raconter son cauchemard à ses parents attentifs.
Le parent a une capacité de rêverie qui permet de contenir les affects angoissants du bébé et de les transformer. Ainsi, dans le temps précèdent le sommeil, le parent use de cette fonction afin d’aider l’enfant à se rassembler, à détendre ses charges émotionnelles pour mieux les assimiler. C’est grâce à ce moule contenant que l’enfant s’apaise peu à peu en traversant les paliers paisibles qui préparent son sommeil. Pour cela, les berceuses et autres rythmiques du corps de la mère portant son nourrisson dans les bras, non seulement l’aide à retrouver des sensations intra-utérines mais l’aide aussi à contenir ses émotions. Plus âgé, le rituel imposé à l’enfant avant de s’endormir l’aide aussi à affronter son sommeil avec plus d’insouciance… et de sérénité pour les parents !