La revue Accomex de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris publie cette semaine une longue interview d’Olivier Théry, directeur général d’Ushuaïa Voyages, spécialiste du tourisme en Afrique. Une occasion de faire le point sur cette activité encore peu développée en Afrique francophone en dépit des atouts de ces pays. En voici quelques extraits.
“Il existe de grandes différences, explique-t-il, entre les pays africains, en termes de prise de conscience, d’investissement, d’organisation plus ou moins efficiente du secteur. Globalement, tous les pays anglo-saxons d’Afrique sont très développés, bien organisés et disposent de chartes éthiques ou environnementales, alors qu’en Afrique francophone, l’inorganisation est flagrante, tout comme l’absence de planification. En Afrique australe et de l’Est, les parcs sont très bien organisés et gérés ; le secteur privé a développé le tourisme de façon autonome, sans rien attendre de l’État, ni impulsion, ni financement. En Afrique de l’Ouest, le développement a été plus chaotique, moins bien géré ; il y a bien quelques micro-entreprises qui se créent, mais elles sont peu nombreuses, car les risques en termes d’investissement sont très importants (exemple du Mali). Par contre, cette Afrique-là offre toujours un accueil extraordinaire…”
Interrogé sur les différents types de tourisme existant sur le continent africain, Olivier Théry répond : “Le tourisme sur le continent est avant tout un tourisme interafricain, à hauteur de 50 à 60 %. Si le tourisme d’affaires marche bien, le développement du tourisme de loisir ne dépend que de la capacité et de la volonté des États à le développer.”
“L’Afrique de l’Ouest ne disposant pas des atouts naturels de l’Afrique Australe, les pays se sont beaucoup plus orientés vers le tourisme balnéaire. Certes, aujourd’hui, un certain intérêt se développe pour les parcs naturels, mais cela est encore insuffisant par rapport au potentiel existant : au Sénégal, le tourisme balnéaire représente encore 80 % de la clientèle.”
Evoquant le tourisme durable, il précise : “Dans quelques années, on ne parlera pas de tourisme durable : le tourisme sera durable. Pour le moment, les questions relatives à la récupération des eaux usées ou à l’utilisation de matériaux à haute qualité environnementale pour ne prendre que deux exemples, ne parlent qu’à une minorité. Mais tout cela va devenir naturel, les nouveaux hôtels seront progressivement tous construits en respectant les critères de développement durable.”
“Aujourd’hui, en Afrique, l’écologie fait référence à un « discours de riche ». Par contre, quand on parle de protection de la nature, les Africains sont réceptifs car ils perçoivent leurs richesses ; de même lorsqu’on leur parle de redistribution des ressources financières aux populations locales par la sauvegarde des patrimoines, des cultures, des espaces. Les gens commencent à assimiler le fait que « sauvegarde » veut dire « pérennité de la croissance et emplois ». C’est donc une véritable formation des populations qui doit être initiée pour garantir la sauvegarde de cette nature sur le moyen et long terme.”
Constatant la faiblesse des investissements réalisées ces dernières années, Olivier Théry précise : “Face à la frilosité des investisseurs étrangers, les Africains eux-mêmes pourraient investir.[…] Mais les notions de loisir, de vacances, de sorties telles que nous les envisageons ne sont pas partagées par la culture africaine.” Une situation qui pourrait évoluer avec l’émergence d’une classe moyenne porteuse “de nouvelles attentes, de nouvelles envies et donc d’une évolution de la demande.”
En dépit des difficultés rencontrés pour investir dans le tourisme en Afrique, le directeur général d’Ushuaïa Voyages conclut : “Ce continent est en pleine croissance ; le moment est donc venu d’y investir !”